NADINE ET L’ÉLÉPHANT
Par Nadine HAREL
Grandes étendues d'herbes jaunies |
Le lit de la rivière HOARUSIB |
Les
derniers recensements de cette population d'éléphants démontrent que tout au
plus une centaine y survivent. Et nous avons la chance d'en découvrir un, là,
sur la droite de la piste, pas trop loin. Je crie....! éléphant...! Il est balaise
l'animal. Je descends du 4x4, je veux le voir de plus près, c'est trop
exceptionnel ! Et je cours seule, les pieds dans le sable. J'essaie d'approcher
silencieusement et surtout en me dissimulant derrière les arbustes qui sont
entre lui et moi. Je cours et les lunettes de soleil accrochées autour de mon
cou font du bruit.
Je les bloque de ma seule main libre, car de l'autre je
porte mon appareil photo, bien-sûr. Je perds donc un peu de mon équilibre,
d'autant plus que j'avance courbée en deux pour ne pas être vue. Mais mon
mastodonte avance toujours, ce qui m'oblige à poursuivre essoufflée mon approche
en trouvant un nouvel angle de planque.
Je me sens maintenant assez proche |
Heureusement
que quelques arbustes subsistent malgré cette sécheresse. Je me sens maintenant
assez proche pour une belle photo plein cadre au 300mm. S'il s'éloigne après,
peu importe, je l'aurai vu d'assez près, ce phénomène ! Je sors de ma cache
laissant l'arbuste protecteur à quelques mètres à ma droite, au moment précis
où il passe devant moi, selon un bel angle 2/3 arrière. Mais c'était sans
compter sur son odorat développé, son ouïe aiguisée et son œil latéral. Il me
voit et de suite me fait face dans un nuage de poussière....
je prends même le temps... |
... Je ne résiste
pas à son premier pas de charge, et je bats le record du monde du demi-tour et départ
arrêté ! A ce moment précis, ce n'est pas la peur qui me conduit, mais mon
instinct de conservation, je fuis en pensant "rotation autour des
arbustes".
J'entends ses pas lourds derrière moi.... vais-je pouvoir lui
échapper ?..... la course n'est pas facile, les pieds dans le sable. Il est de
toute évidence plus à l'aise que moi dans cet élément. Le tour des arbres, oui,
mais mon poursuivant, doté d'une intelligence hors du commun feint une
poursuite tout d'abord et soudain vire de bord pour contourner les troncs dans
l'autre sens pour se retrouver face a moi...
Mais comme tous mes sens sont
tendus a l'extrême, j'entends le son de ses pas différemment, et des branches
craquer à un endroit inattendu. Je perçois très vite sa feinte ; je suis aussi
une adversaire douée d'un sens aigu de la survie... Je stoppe ma course dans
son sens initial, mon arrêt brutal suivi d'un volte-face ont dû laisser des
empreintes profondes dans le sable, tel un "cratère" !
Je reprends ma course
dans l'autre sens et pense à ce moment-là au fait qu'il aurait pu déjà, si cela lui était possible, foncer au travers des broussailles emmêlées de ces
arbustes salvateurs. S'il ne l'a pas fait, c'est que pour l'instant, il ne peut
pas. Ça me rassure un peu ; mes neurones sont à haut débit, et mon cœur dans ma
poitrine bat si fort qu'il pourrait me casser les côtes !
Ma vue est exacerbée,
je distingue sa silhouette par morceaux à travers les branchages, c'est très
rassurant, j'ai l'impression dans ma détresse d'avoir une position stratégique
de surveillance.
Mon preux chevalier dans son carrosse blanc... (Photo du net) |
s'apprête cette fois-ci à en découdre autour de ces arbustes |
Sauvée ! ... Je ris, mon cœur bat très fort encore, mais, quel
plaisir je ressens ! Quel moment intense je viens de vivre, seule en duel face à
ce pachyderme en furie.
Que je suis heureuse, c'est
extraordinaire, un moment de pure intensité que je n'échangerais contre rien au
monde. Je pensais, il y a quelques jours, que je voulais vivre autre chose que
la simple observation des animaux, c'est en fait ce type de rencontre qu'au
fond de moi, je recherchais.
Comment vivre simplement après ?... Bouhhh... que je suis bien. Je crois sincèrement n'avoir jamais pensé y
laisser ma peau. D'abord, avais-je le temps de penser à cela ? Ma stratégie
préoccupait mon cerveau à 200 pour cent... Après cela, dans la voiture, je suis
royale, et je revis plusieurs fois, avec la même intensité, ce qui vient de se
passer : chaque seconde, chaque souffle, chaque son, chaque pas... Je me
souviens aussi que sur le moment, je le maudissais parce que ce superbe
mastodonte déplaçait tellement de poussière, que je voyais mon appareil photo
noir, blanchir sous le talc qui risquait d'anéantir mes photos témoignages. Ce
qui prouve aussi que je n'étais pas habitée par la peur, même si ce sentiment était bien évidemment sous-jacent.
Je ne suis pas complètement inconsciente du
danger que je courrais, mais la peur, si elle m'avait inondée, aurait annihilé
toutes mes facultés de réflexion, ce qui n'a pas été le cas.
Bonheur dans
l'intensité émotionnelle !...""
Voilà la recette, si le cœur vous en
dit...
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