SALVADOR SANS rancœur
Cet article se déroule à SALVADOR DE BAHIA, Brésil
Le 28 février 2011
Mes coéquipiers sont (est) mon fils Christian
BAHIA MARINA, SALVADOR |
Lorsque
nous sommes entrés dans la marina, et avant de tomber dans un coma réparateur,
nous avons vu arriver un catamaran manœuvré par deux jeunes marins et une
marinière aux formes… avantageuses. Christian – mais lui seul - n’en a pas
perdue une miette !
Après
ledit coma, qui nous mène à la journée du lendemain frais comme des mulets, on
s’affaire pour résoudre en priorité les problèmes de douane. On nous indique un
dénommé Alphonse, spécialiste de ces problèmes, par qui il faut passer
impérativement tant les arcanes des opérations douanières sont tortueuses et
parsemées d’embûches. Va pour Alphonse.
C’est un homme très occupé, Alphonse. Plutôt costaud, fine moustache. Le dandy fier de sa prestance et de son irrésistible charme. Il me fait l’inventaire de ses nombreuses capacités. Il peut tout faire. Je lui fais alors la liste des travaux que j’envisage. Rien ne l’effraie. Mais je ne veux pas m’engager sans connaître le coût de ses prestations. « Pas de problème, je vais te faire une pro forma. Pour les opérations douanières, c’est ma femme qui s’en charge ! Elle passera vous prendre demain à 9 heures ! » Il m’indique les documents à prévoir pour l’opération. « - Avec la préparation du carnaval, les fonctionnaires n’ont pas la tête au travail ! Ça risque d’être plus long. »
Le
lendemain à l’heure dite, une splendide créature se présente qui arbore une
paire de gambettes qui ferait mourir de jalousie Adriana Karembeu. Le reste est
à l’avenant. Une chevelure rousse débordant… mon imagination, qui s’égare vite
vers le dessous des cartes et le peu qui reste invisible. La poitrine explose
sous un chemisier à fleurs et à la peine, tandis que la jupette courte et
fendue met, s’il en était besoin, en valeur les deux instruments qui lui servent
de jambes.
Elle
prend la direction des opérations, embarque dans sa Ford familiale quatre individus qu’elle ne prend pas la peine de nous présenter, et c’est parti pour
un premier bureau. C’est celui du Port autonome. Il faut attendre son tour derrière
un minuscule guichet. Je réalise rapidement que les individus embarqués sont
également des skippers. Ce qui fait que nous sommes cinq propriétaires skippers
tous embarqués dans la même… galère.
Son
office est de faire le relais entre le fonctionnaire et les skippers qui, sauf
moi, sont tous australiens, américains ou canadiens. Les heures passent. Enfin,
notre tour arrive. Elle fait pour moi le transit en français auprès du
fonctionnaire, polyglotte comme une marmotte. Je me contente de passer les
pièces demandées.
Puis
tout le monde embarque à nouveau. C’est cette fois au tour du service de
l’immigration. Même jeu de mains et de vilains avec les documents. Le temps
passe. Trop vite. Mais il restera le
service des douanes. Celui-ci nous ferme ses portes au moment où la belle hôtesse
fait montre de ses... talents. « Revenez demain, nous n’ouvrons pas l’après-midi ! »
Je demande à notre flamboyante guide de me fournir un téléphone à carte, de
façon à pouvoir entrer plus facilement en contact avec son jeune premier de mari.
« Pas de problème, ça coûte pas cher, au Brésil ! »
Le
lendemain, même heure, mêmes acteurs. Elle a changé de tenue. Le chemisier
n’est plus à fleurs, il est rose, presque transparent. On y devine la forme du
sein et ses attraits. Il y a risque d’apoplexie dans la marine ! J’ai du
mal à articuler. Ce doit être les corn flakes qui passent mal. « Avez-vous
pensé au téléphone ? Demandé-je, le souffle court ! –
Désolée, je n’ai pas eu le temps, mais je n’ai pas oublié, rassurez-vous ! »
Quelques heures d’attente encore et nous
sommes libérés. Je m’enquiers du coût de l’opération. « Ne
vous inquiétez pas, je vous ferai une facture ! »
Nous
sommes revenus sur Pamplemousse. Il faut le désarmer. Je commence par le
génois. L’opération est difficile. Il y a un vent de travers qui gêne
l’opération, sans compter qu’il règne dans cette marina un courant infernal qui
fait tirer sur les bouts en permanence.
Sur
le ponton, un couple s’attarde et semble admirer Pamplemousse. Je finis par
leur poser la question : « Vous semblez intéressés par Pamplemousse,
voulez-vous le visiter ? – Oui, avec plaisir ! » répondent-ils
en cœur et avec enthousiasme.
Lorsque
la visite se conclut, ils en viennent à la vraie raison de l’intérêt qu’ils
portent au bateau.
« En
fait, nous devions être hébergés par un ami car notre bateau est à Joao Pessoa.
– C’est où ça ? je demande en les interrompant impoliment. - C’est
une petite ville, pas très loin de Recife, où il y a une petite marina sympa
tenue par un Français. Notre ami n’est pas encore arrivé et nous sommes à la
rue. Nous cherchons un bateau suffisamment grand pour nous héberger pendant
quelques jours. Suit un silence de plomb. – C’est d’accord !
dis-je enfin, mais que ce passera-t-il si
votre ami n’arrive jamais ? - Ça ne risque pas, mais nous quitterons le
bord de toute façon quand vous le voudrez. »
L’affaire est conclue. Ils se présentent : « Jean-Noël et Guylaine, pour vous
servir. Il ajoute : - Ce n’est pas une blague, on est bons marins
et on peut vous rendre de sérieux services. » Ils embarquent leur
baluchon et tombent à pic pour nous aider à désarmer le génois. Le lendemain,
c’est la grand-voile qui est mise à bas, ce qui est un gros boulot car elle est
lattée jusqu’aux doigts de pied.
Après
cette tâche difficile nous décidons d’aller rendre visite à nos presque voisins
sud-africains, propriétaires
du catamaran agrémenté de l’équipière de charme et dont le pavillon a trahi la nationalité.
Ils nous accueillent très gentiment. La glace est vite brisée, si tant est qu’elle
eût existé. Ils nous content leur peu banal parcours : « Nous
sommes partis des Antilles françaises et notre destination finale est Le Cap en
Afrique du Sud, notre pays. Nous savions bien que le catamaran est nul pour
remonter contre le vent. Nous avons donc fait un grand arc de cercle en restant
au pire au vent de travers, ce qui nous permettait d’avoir une très bonne
vitesse sans faire souffrir le bateau. Dans la nuit où nous sommes arrivés,
nous avons vu vos feux et vos lumières sur tribord. Vous meniez un sacré remue-ménage ! »
Ils sont deux admirateurs de Nelson Mandela. J’ajoute qu’avec moi, ça en fait
trois.
Alphonse
arrive sur ces entrefaites. Il m’apporte la facture des opérations douanières.
J’en reste abasourdi. Il me dépose également discrètement la pro forma des
travaux que je désire voir exécuter. Je lui demande de prendre rendez-vous pour
sortir le bateau, le temps d’examiner l’état de la carène. Je renouvelle ma
demande pour un téléphone de façon à pouvoir le joindre facilement. Il promet.
Pendant le dîner, Noël me fait remarquer qu’il avait payé beaucoup moins cher
pour ses opérations de douane quand il était arrivé à Salvador avec « Amazigh ».
« C’est vrai que les opérations sont longues et laborieuses mais ça ne
coûte pas ce prix. » J’ajoute que, de plus, nous étions cinq
skippers et que, donc, multiplié par cinq, ça commence à faire une somme
sacrément importante. Arnaque ! Le coût des travaux paraît également exorbitant.
Noël suggère de laisser plutôt Pamplemousse dans une petite marina où il
avait laissé son bateau pour y effectuer quelques travaux. Elle est située à
une dizaine de milles au
nord de la marina de Salvador. « Tu verras, le mec est vachement
sympa. Il parle français. Il fait du bon boulot, pas cher. Il s’appelle Sandoval.
Le quartier s’appelle Ribeira et la marina PIER
SALVADOR. »
A l’heure de rejoindre la darse, pas d’Alphonse. Nous patientons un
petit quart d’heure et larguons les amarres pour rejoindre le chair lift.
Arrivés sur zone, on nous fait patienter et tourner en rond avec ce lourdaud de
Pamplemousse qui rechigne à la manœuvre, malmené par un fort courant de travers
et une houle désagréable. Enfin, on nous fait signe d’entrer.
La marée est trop basse et, malgré le renfort de l’ensemble des
pare-battage, les chandeliers forcent sur les bords de la darse. Avant que les
ouvriers, peu enclins à accélérer la manœuvre, aient pu assujettir la coque,
trois chandeliers ont rendu l’âme et le retour de galbord a pris un sale air
penché.
Alphonse arrive enfin mais pour rien, Pamplemousse est déjà dans
les airs. Après un examen de la coque, et malgré le constat qu’elle avait bien
supporté la traversée de l’Atlantique, notre retour à notre emplacement est plutôt
tristounet. Alphonse me confirme qu’il a acheté le téléphone et qu’il
viendra le soir à 18 heures pour régler tous les problèmes.
Fort des indications de Noël, je l’attends de pied ferme. Il arrive
avec une heure de retard mais avec sa dulcinée, plus affriolante que jamais. Il
commence par m’expliquer le fonctionnement du téléphone. Puis il en vient aux
travaux, à la suite de quoi je lui assène : « C’est beaucoup trop cher !
Il répond sans se démonter : - On peut discuter les prix ! – Le
problème, c’est que je n’ai plus confiance en toi, Alphonse ! – Ah bon,
pourquoi ? – Parce que, le prix que tu m’as facturé pour les opérations
douanières est exorbitant, d’autant que nous étions cinq skippers et…
Il m’interrompt avant que j’aille plus loin. - Bon, je ne te fais rien payer, ça va ? dit-il en se levant pour quitter le bord. – Oui,
ça va, mais je veux bien quand même acheter le téléphone… » Il ne
répond pas et embarque téléphone et dulcinée, qui n’a pas pipé mot. Eh oui, elle n’est pourtant pas blonde, mais
elle n’a pas encore compris ce qui s’était dit !
PIER SALVADOR MARINA |
Le lendemain c’est le début du carnaval. L’équipe du catamaran sud-africain
et celle du monocoque moins trois chandeliers sont tout excitées et les pieds
dans les étriers pour ne pas en manquer l’ouverture. Ils partent au crépuscule
et ne rentrent qu’à l’heure ou le skipper, plus sage et resté à bord, prend son
p’tit déj. Salutations distinguées et ensommeillées !
Viendra ensuite le moment de quitter nos nouveaux amis et rejoindre
la marina Pier Salvador, avec la même liste de travaux que celle préparée pour
Alphonse. Je ferai alors la
connaissance de Sandoval, qui deviendra un ami, et j’y hivernerai Pamplemousse pour
rentrer à Nouméa…
===OOO===
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire