MASSACRE À LA SCIE À PAIN
Ce carnage commence à HAMMAMET, Tunisie
Le 13 juin 2009
Mes coéquipiers sont (est) Edmée DESCHAMPS
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Hammamet disparaît... |
L'aventure, c'est l'aventure. Celle-là, il faut que je vous la conte. Elle vaut son pesant de cacahuètes. Elle rappellera de bons souvenirs à Gilbert. Tandis que disparaît Hammamet dans le sillage, alors que les lueurs de la Tunisie pâlissent sur l'arrière bâbord, un nombre considérable d'intenses lumières fleurissent sur tribord, sous un ciel criblé d’étoiles parmi lesquelles quelques-unes commencent à se faire connaître, la Grande Ourse, l’étoile Polaire. Ça nous change de la Croix du sud.
Certaines en grand nombre, comme des guirlandes de Noël, des "flashing light" colorées à souhait s'opposent presque à notre progression. Comme celles qui avaient hanté nos nuits entre Mascate et le Yémen.
Occupé à comprendre le pourquoi du comment de cet éclairage inopportun, sont-ce des plateformes pétrolières comme celle que nous avons croisée au départ ? Est-ce une bourde du skipper dans le calcul de la route ? Hypothèse non négligeable compte tenu de ses antécédents ! Vérification : ça paraît correct ! Brusquement, instinct peut-être, j'abandonne l'observation tribord pour jeter un œil sur bâbord…
Nom d'un pamplemousse ! Une "flashing light" se dandine à vingt mètres. Ralenti, point mort, voiles affalées. Ça prend du temps. Trop pour ne pas s'emberlificoter quille, gouvernail et peut-être hélice dans le fichu piège à Pamplemousse. Il y a du filet de tous côtés et à perte de vue. Que faire ? Le diagnostic est rapide : couper. La scie à pain se révèlera d'une redoutable efficacité.
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(Photo du net) |
On coupe, on coupe. Les morceaux s'amoncellent sur le pont. Un bateau s'approche. C'est le proprio. L'équipage nous aide à libérer Pamplemousse. Ils réclament les morceaux qui jonchent le pont et s'en vont. Des épaves de filets restent accrochées sous la quille, dans le gouvernail et peut-être l'hélice. Je n'ai pas de lampe étanche. Ce sera le premier achat à Malte. Dans le doute, je décide d'attendre le lever du jour. Quart de deux heures.
Dans le petit matin glauque, stupéfaction et corne de brume. Nous avons dérivé sur un autre filet. Deuxième victime qui périra dans la discrétion. J'enfile palmes, masque, tuba. Ça caille ! À grands coups de scie à pain, je fais mon affaire de ce matériel bien trop affectueux et envahissant. J’en profite pour me débarrasser des restes du premier. L'opération dure pas loin d'une heure.
Je suis gelé. Nous roulons sans nous rouler les pouces depuis une demi-heure heure. Déni de vigilance, vlan, dans un troisième ! Il faut dire que le bidon qui le limite est à un kilomètre. Cette fois, c'est un grosse-maille rempli de poiscailles. Même pas l'idée d'en récupérer de quoi faire un bon curry. On gaffe et on coupe mais il en reste toujours, pris dans la quille et le gouvernail. Par bonheur, l'hélice y échappe chaque fois. J'aime mieux ça, elle est tellement pleine de coquillages que mes doigts y passeraient. Pour la petite histoire, il faut dire que le carénage s'est fait mouillé hors du port, en une heure avec un grattoir et sans bouteille. Forcément, c'était pas parfait. Remise à l'eau. On s'habitue au froid, mais pas à la fatigue, qui s’accumule.
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(Photo du net) |
Cette fois, la vigilance est extrême. Peine perdue, deux heures plus tard, rebelote. Alors que j'enfile palmes, masque, tuba et cette combinaison trop légère froide comme un iceberg, le proprio se pointe. Il se propose de faire plonger un jeune, contre des dinars. " Dinars ? y en a plus dinars ! " Mamie a tout bouffé dans le souk, jusqu'à la croûte. Ça commence à bien faire, surtout que le vent s'est levé et les coups de boutoir contre la coque, c'est comme les coups de marteau sur la tête, c'est bon quand ça s'arrête. Le proprio ne veut même pas des morceaux.
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... mignon petit port de pêche
de Kélibia (Photo du net)
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Il fait la cour à Madame pendant que je sue sang et eau dans la flotte méditerranéenne. Je suppose que la pose de filets dérivants ne doit pas être très légale, sinon on aurait entendu la messe en arabe. Nous sommes maintenant à 59 milles de ce mignon petit port de pêche de Kélibia que nous avions découvert sur le chemin d'Hammamet. Nous y avions admiré la rentrée des bateaux de pêche et leur cortège de mouettes rieuses. La découverte de sa face cachée nous enthousiasme beaucoup moins.
Le tueur à la scie à Pain.
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