SAÏDIA
Cet article commence à MELLILA via MADRID
Le 25 mai 2010
Mes coéquipiers sont (est) mon fils Christian
Christian a fait une liste interminable du matériel nécessaire pour conduire au mieux tous les travaux engagés. Simon est mis à contribution. Simon, c’est l’homme à tout faire de la marina. Hyper actif, il est sollicité sans arrêt. L’inconvénient est que pour l’attraper, il faut être agile comme un lapin de garenne. Il dit : « Si vous trouvez une voiture pour aller à Oujda, mon père vous servira de guide. Il connaît la ville comme sa poche. Il y a travaillé dans différents secteurs et notamment pour les abattoirs, alors il connaît toutes les ficelles. Vous pouvez lui faire confiance ».
Nous en parlons à notre bienfaiteur Bernard. Il est occupé à recevoir deux hommes d’affaires. Les deux affairistes nous proposent alors leur voiture de location. C’est super sympa, à condition de la rapporter entière, bien entendu, dans la soirée.
Nous retrouvons le père de Simon devant un supermarché perdu dans les faubourgs d’Oujda. D’autorité, il prend les choses et la voiture de location en main. Elle ronfle et se faufile au plus grand mépris du code de la route. Nous sommes frénétiquement accrochés à nos ceintures de sécurité comme à des bouées de sauvetage. L’affaire est rondement menée. Bien vite, la liste s’effrite et les sacs à provisions se remplissent de pièces de toutes sortes.
Mais le temps passe, et Saïdia, c’est pas la porte à côté. A 8 heures du soir, nous nous présentons sur GANISHA où Nico et Lilly ont concocté un petit cocktail dinatoire digne d’un cinq étoiles. Les deux jeunes de Ganisha, hyper sympathiques, entament une grande virée dans l’Atlantique. Je ne désespère pas de les revoir au coin d’une vague. Bernard a décidé d’inviter toute la smala à un petit restaurant sympathique spécialisé dans les fruits de mer, à Capdeleau. D’autorité il commande pour l’ensemble de ses invités, faisant montre d’un grand paternalisme avec le patron du tripot. Et que je te tutoie, et que je te prends par les épaules. Nous rentrons à pas d’heure, après un thé à la menthe servi par Bernard dans toutes les règles de l’art.
L’annexe nous attend. Nous avons compris depuis quelques jours déjà que les allers et retours à vélo n’étaient pas rentables pour le moral, alors qu’en deux minutes nous pouvions être de l’autre côté avec l’annexe. Ce soir-là, alors qu’avec les seuls deux thés à la menthe pour toute boisson alcoolisée, je ne peux par être taxé de soulographie, je manque mon atterrissage dans l’annexe et me retrouve à l’eau, caméra au poing, téléphone dans la banane, la tête percutant durement le rebord du wharf. J’en vois trente-six chandelles, vite éteintes par l’inondation totale. C’est la totale. On me hisse dans l’annexe. Arrivé au bateau, douche froide pour le plongeur, la caméra, le téléphone et le passeport, le seul en état de marche. Je grelotte à m’en décrocher les maxillaires.
Le nombre de pièces démontées et traitées c’est accumulé sur le plastique extérieur. Une pièce nous donne du mal. Il faut y aller à grands coups de marteau et de burin. Elle finit par céder, mais ce traitement brutal lui a donné un air penché. Il faut la faire redresser et recharger par un spécialiste des soudures aluminium. Simon s’en charge.
Nous commençons le remontage minutieusement. Christian n’en finit pas de faire contrôle sur contrôle. Nous nous battons sur tous les fronts. Nous avons attaqué pendant les temps morts l’installation d’une douche à l’arrière avec mitigeur, pour ajouter au confort cinq étoiles de Pamplemousse. Nous préparons la pose de trois plafonniers LED pour le carré. Christian est entraîné par Bernard dans une expédition à Oujda, pour acheter encore matériel et pièces qui manquent pour achever le travail. Ils reviennent à une heure impossible, mais avec tout ce qu’il faut.
Il y a, proche du terre-plein où se morfond Pamplemousse, une petite zone technique dans laquelle officie une entreprise qui gère, parallèlement, le seul shipchandler de Saïdia. C’est dire si ce caractère exclusif ne favorise pas des prix compétitifs. Je lui commande un travail facile : supprimer l’aérateur, qui n’aère plus que la rouille qui s’est installée confortablement là, et le remplacer par une plaque d’acier soudée. Les jours passent sans un début d’intervention. Je lui ai commandé également un chargeur 12 volts pour un prix correct : 390 euros. Je dépose des arrhes. Les jours passent, le chargeur n’arrive pas, comme l’antifouling à prix d’or que j’ai commandé à la boutique. Au final, les arrhes serviront à payer le travail de soudure.
Alors que l’équipe de Simon est à pied d’œuvre pour polir la coque, je n’ai toujours pas la première boîte d’antifouling. Je rencontre le patron pêcheur de Capdeleau, qui faisait sa peinture sous-marine à côté de Pamplemousse. Je lui parle du problème. Il me conseille d’aller l’acheter à Capdeleau. « C’est dix fois moins cher et, de plus, c’est de la peinture au cuivre, bien plus efficace ! Bien sûr, ajoute-t-il, si tu vas en Europe, t’as pas intérêt à t’en vanter, sinon tu vas avoir une meute d’écologistes à tes trousses ». J’en prends de quoi en badigeonner deux épaisses couches. Ca ira bien jusqu’à la Martinique.
L’équipe de Simon ne dispose d’aucun équipement. Ils viennent avec leurs mains, leur bonne volonté et leur bonne humeur. C’est déjà pas mal. Je dois fournir tout : pinceaux, ponceuse, rallonge, grattoir, rouleaux, désherbant ! Ah non ! ça, c’est pour le terrain de golf qui jouxte la marina et sur lequel je n’ai pas le temps de mettre les pieds. La honte !
Remise à l’eau. Simon aux commandes du Travelift. Après huit mois de séjour, achevés par quinze jours de travail acharné, Pamplemousse est beau comme un sou neuf. Je le vois toucher l’eau avec grande satisfaction. Satisfaction qui se transforme en une affreuse déception quand le moteur refuse de démarrer. Remorquage jusqu’au premier wharf toute honte bue, noyée par un verre d’excellent petit-gris marocain dans le cockpit de Bernard, toujours prêt à consoler des infortunes de mer.
Essai du démarreur sur banc. Il semble tourner à merveille, sans charge. Ce sont donc les batteries. Me voilà parti, accompagné de la belle Asma, en taxi, jusqu’à Saïdia, puis en taxi encore, mais de groupe, jusqu’à
Berkane. Il faut expliquer comment ça marche, ces taxis de groupe. Un rabatteur regroupe les clients par destination, Oujda, Ahfir ou Berkane puis il les tasse dans le taxi où l’on se retrouve au minimum à sept sans compter le chauffeur. C’est dire que je me retrouve collé contre la belle Asma. D’où me viennent ses sueurs froides incontrôlables ?
Nous avons prévu d'organiser une soirée pour remercier ceux et celles, parmi les plus significatifs, qui nous ont rendu tant de services. Christian veut faire une salade tahitienne, c’est pas vraiment caldoche, mais comment faire des roussettes au riz…? Le problème se solde de lui même. A part quelque menu fretin, pas de filets de tazar ou de loche saumonée. Alors, va pour un bami, pour lequel les ingrédients sont plus faciles à trouver ou à remplacer. Avec nous, ça fait neuf autour de la table. Il faut prévoir une grosse marmite et un après-midi à touiller. La soirée est très réussie, pas très arrosée vu les réticences de nos amis à accepter la moindre goutte d'alcool.
Les batteries neuves sont mises en batterie et en renfort du parc déjà existant. On se retrouve avec sept batteries 12 volts. Ce surplus de puissance ne change rien. Le démarreur fume à en rendre jalouses les cheminées de la SLN, sans résultat. C’est enfin un mécanicien, qui vient avec un démarreur d’occasion, qui parvient à nous sortir de ce mauvais pas, à grand coup d’étincelles tous azimuts. Le testeur volumétrique, y connaît pas. Il faut que ça claque, quitte à griller un ou deux cadrans indicateurs dans l’opération.
Ca ne manque pas, le moteur ronronne comme une chatte repue, mais les cadrans du tableau de bord sont au chômage. Il tourne au poil mais consomme de l’huile comme pas possible.
Le 15 juin, avant de terminer les opérations de douane, nous faisons le plein de provisions. Nos deux amies nous rejoignent au supermarché MARJANE. Elles font les secrétaires buissonnières pour nous faire leurs adieux. Nous sommes très touchés. Nous savons qu’il y a peu de chance de les revoir un jour. C’est plus que des amies, des sœurs avec qui nous avons partagé tant de bons moments. Comme pour Simon, Abdul et le jeune dont j'ai oublié le nom qui ressemble à Tiger Wood que s'en est impressionnant.
Aspect horrible de ces rencontres, où on s’attache, pour brutalement rompre un cordon ombilical tissé autour de blagues, de sourires, de complicités. Ils et elles rejoindront la nébuleuse de ces connaissances essaimées un peu partout, de Sigacik en Turquie, à Ancona et à Naples en Italie, à Malé au Maldives, à Kastella en Croatie pour ne citer que certains de ceux avec qui nous nous sommes sentis si proches et que nous avons eu tant de mal à quitter. Ils et elles resteront comme les autres, éternellement, dans nos souvenirs.
Aspect horrible de ces rencontres, où on s’attache, pour brutalement rompre un cordon ombilical tissé autour de blagues, de sourires, de complicités. Ils et elles rejoindront la nébuleuse de ces connaissances essaimées un peu partout, de Sigacik en Turquie, à Ancona et à Naples en Italie, à Malé au Maldives, à Kastella en Croatie pour ne citer que certains de ceux avec qui nous nous sommes sentis si proches et que nous avons eu tant de mal à quitter. Ils et elles resteront comme les autres, éternellement, dans nos souvenirs.
Pamplemousse reprend le chemin inverse qu’il avait fait voilà plus de huit mois. Comme les choses paraissent familières. La digue s’efface. Adieu Saïdia. Nous voilà au large avec, en ligne de mire, Malaga, et au cœur un curieux pincement.
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