SAÏDIA
Cet article commence à MELLILA via MADRID
Le 25 mai 2010
Mes coéquipiers sont (est) mon fils Christian
25 mai 2010. Une heure 30 du matin. Départ pour Osaka, accompagné de mon voisin et ami Yves, cycliste jusqu’à la démesure, comme tout passionné. Il a en ligne de mire l’ascension du mont VENTOUX.
L’avion est à demi plein, selon les gestionnaires et les optimistes, et à demi vide pour les cochons de payants qui devront se farcir le déficit. Je récupère une rangée complète de fauteuils. Dommage que les plateaux repas ne soient pas en rapport du nombre de sièges occupés !
Arrivée Madrid 22 heures 30. Je m’installe comme je peux pour passer la nuit dans l'aéroport, au milieu d’un groupe de jeunes aussi joyeux que bruyants. De mon temps, les jeunes avaient mon âge et je supportais mieux le bruit.
D’Osaka à Helsinki, la musique change de tempo. C’est bétaillère plein pot. Serrés comme des sardines dans le chalut. Crochet à Paris vers Madrid. Je perds mon voisin, qui bifurque sur Montpellier.
Je change de crèmerie pour le terminal 4, d’où décollera mon vol demain matin à 7 heures. Demain matin ? C’est déjà tout à l’heure ! A l’ouverture des boutiques, j’achète « Le Monde » mon quotidien favori. Je suis profondément plongé dans la lecture quand je réalise que l’embarquement s’est fait sans moi.
La porte est vide. Vitesse et précipitation sur l’hôtesse qui termine de ranger ses documents. Dans ma précipitation, je me trompe de porte. Le billet ne passe pas. L’hôtesse est éberluée : " Vous allez à ALICANTE ? – Non, à MELILLA !" Du coup, elle m’accompagne jusqu’à l’arrière de l’ATR72 qui ronronne déjà. J’espère seulement que le pilote ne va pas prendre la route de Lifou !
MELILLA : C’est l’enclave espagnole au nord-est du Maroc. Elle détient le statut de ville autonome. C’est un port franc qui vit surtout grâce au secteur tertiaire. Sa population se chiffre à 72.000 habitants. Elle est considérée par le Maroc, au même titre que CEUTA, comme ville occupée.
Melilla, poste frontière, avec NADOR, porte d’entrée sur le Maroc et Saïdia, où m’attend ma fidèle monture. Zut, j’ai oublié dans l’ATR gin et whisky achetés en "duty free" à Madrid. Tant pis, je boirai de l’eau plate.
Il ne faut pas avoir une envie pressante en attendant le placide douanier et son tampon libérateur.
NADOR : Grande ville portuaire du nord-est marocain, dans le Rif, sur la côte méditerranéenne. Elle est à 60 kilomètres de l’Algérie. Elle compte 350.000 habitants. C’est un port de pêche important qui développe une activité industrielle en pleine expansion. Elle fait frontière avec MELILLA.
Taxi pour Saïdia, à 120 kms. Le chauffeur est autant bringuebalant que son outil de travail. Il a le visage buriné par les ans et la poussière du désert. " La ceinture ne marche pas ? – T’inquiète pas, ça sert à rien ! " Ben voyons ! c’est sûr qu’à la vitesse où il traîne son épave, le risque n’est pas grand. A peine 50 kilomètres après, arrêt sur le bas-côté. Coup de klaxon. Deux hommes approchent avec des jerricans. J’interroge. " C’est l’essence algérienne, beaucoup moins chère ! » explique le brave homme.
SAÏDIA: La "perle bleue" du Maroc est située au nord-est, au bord de la Méditerranée et de la frontière Algérienne. Elle est à 25 kms de Berkane et à 60 de Oujda et de Nador. Avec sa plage de 14 kms, elle deviendra une destination touristique privilégiée grâce à sa superbe marina entourée d'un ensemble d'hôtels, de restaurants et de trois magnifiques golfs. Cet ensemble a été initié par le groupe immobilier espagnol FADESA, qui a entrepris en 2003 de valoriser la zone.
Pamplemousse n’a pas bougé mais il est sale à faire peur. Mise en route habituelle, branchement du courant, de la flotte. L’échelle a disparu. Je dois monter un échafaudage d’équilibriste pour atteindre le cockpit et hisser les bagages avec une drisse, et descendre le vélo par le même chemin.
La marina m’informe que mon colis de pièces détachées pour la réparation du circuit de refroidissement est perdu quelque part au Maroc.
Après maints coups de fil et grâce à l’obligeance de la secrétaire, que j’ai baptisée «la petite dame». Petite par rapport à sa collègue, une grande perche digne de faire mannequin. Elle ne ménage pas sa peine pour retrouver le colis, à l’inverse du vendeur français qui s’en frotte les mains, à partir du moment où il a été payé et le colis expédié.
Le colis est retrouvé au centre de messagerie d’OUJDA, à un bon soixante kilomètres de Saïdia. Je loue une voiture pour quatre jours. Cela me permettra de récupérer mon fils Christian à son arrivée à Melilla. C’est le sous-bas de gamme de voiture : pas de clim, pas de radio, pas de moteur ; si, y’en a un, et quatre roues, mais direction non assistée. Pour 33 euros par jour, y faut pas s’attendre à avoir la lune en prime.
OUJDA est une ville marocaine située au nord-est du royaume. A 60 kilomètres de Nador et la Méditerranée, elle est la capitale administrative de la région de l’Oriental. Elle est bordée au nord par les monts rifains et à l’est par l’Algérie, dont la frontière est très proche.
Les filles paniquent, sachant que je veux aller seul à Oujda. " Vous allez vous perdre ! insistent-elles ! – Mais non, j’ai un GPS ! – Ca ne marche pas au Maroc ! – C’est surprenant, j’ai une carte pour le Maroc ! » Je pars quand même. Elles, elles vont prier Allah.
Le GPS fonctionne à merveille. Le seul problème, c’est que je n’ai pas l’adresse exacte de ce fameux centre de messagerie ! J’arrive dans le boulevard AHFIR. Il est immense. Le centre ne devrait pas être très loin. La voiture garée, je pars à l’aventure en interrogeant à tout bout de champ le quidam. Je récolte des informations souvent contradictoires malgré la bonne volonté évidente des interviewés. Jamila, c’est « la petite dame », s’inquiète et essaie de me guider par téléphone, car elle connaît la ville. C’est un jeune marocain, évidemment, pas un chinois, qui se propose de m’y emmener, car ce n’est pas la porte à côté. Effectivement, ça roule un bon moment avant d’éclore sur le sésame en question. Mon ange gardien me suit dans les bureaux. Accueil chaleureux, jovial même. Surprenant pour des fonctionnaires douaniers. Il faut expliquer que je n’ai pas l’intention de payer un sou de douane. Je suis bien informé de mes droits, par qui de droit mais je tais mes sources !
Les douaniers sympas sont d’accord et font le nécessaire pour me faciliter la tâche en remplissant eux même le document que je devrai présenter à la direction de la douane pour sortir le colis hors taxe. L’opération prend du temps. Mon ange gardien a perdu ses copains qui n’en pouvaient plus d’attendre. Enfin, j’ai le document à remettre au chef du bureau central. Nous y allons en taxi. Il faut faire vite, sinon la messagerie sera fermée.
Quinze minutes après, le chef me reçoit mais mon ange gardien n’est pas autorisé à assister à l’entretien. Le chef tape une missive à deux doigts au bénéfice des douaniers de Saïdia. Les deux doigts sont en permanence interrompus par un coup de fil impromptu. Je suis à deux doigts de penser que c’est foutu. Bref, entre deux doigts et deux coups de fil, la missive est bienvenue.
Je fuis en courant. Hélas, plus d’ange gardien ni de taxi. J’en hèle un qui traîne. " C’est pour où ? – Je ne sais pas ! – C’est loin ça ? – Je sais pas, où plutôt si, je sais, c’est au début d’une grande avenue ! – Il y en a plein, à Oujda, des grandes avenues ! Une lueur me revient. – C’est près d’un centre culturel où il y a plein de colonnes genre sculptures modernes qui ne veulent rien dire, en inox, sur une grande place ! – Je vois ! " Sauvé ! Je retrouve la voiture, sagement garée. Quel soulagement.
Je roule la caisse en urgence sur Saïdia. Les gendarmes et les policiers sont à touche-touche. Le roi est en balade dans le coin. A Ahfir, la foule se presse pour le voir passer. Si je n’étais pas si pressé je m’arrêterais pour profiter aussi du spectacle. C’est pas tous les jours qu’on peut voir un roi !
On en a bien un à l’Elysée, mais c’est un roi nain, nain de jardin, comme le nomme la rumeur publique.
 AHFIR : petite ville d’environ 20.000 habitants au nord-est du Maroc. Elle est également proche de la frontière algérienne et, en particulier, de la ville de BAB EL ASSA et à 18 kilomètres de Saïdia. Elle est à 20 kilomètres de la petite ville industrielle de BERKANE.
Passé Ahfir et ses interminables rues étroites et encombrées, la route s’élargit brusquement. J’en profite pour appuyer sur la pédale, qui n’attend que ça.
Hélas, si la route est large, la vitesse ne l’est pas en rapport. Coup de sifflet rageur du gendarme aux aguets armé de son radar. « Vos papiers ! » Au niveau papiers je suis garni : permis de conduire, papiers du véhicule, passeport, etc.
J’arrive au bateau avec un mal de crâne, dû au stress de cette journée pleine en rebondissements. Au lit sans manger, sans baigner, sans rien, sauf les moustiques ravageurs.
Le lendemain, mes deux anges gardiens m’imposent un guide pour le retour sur Oujda. Effectivement, c’est plus facile, surtout pour se garer en face du centre de messagerie. Accueil toujours aussi jovial. J’embarque mon colis, après distribution de cartes de visite à la cantonade. Le chef me raccompagne jusqu’à la voiture.
Retour sans histoire jusqu’à
Ahfir où, le diable m’emporte, la tête ailleurs mais surtout dans la lune - on ne se refait pas - au même endroit, le même coup d’accélérateur, les mêmes policiers, le même coup de sifflet rageur.
De retour à la marina, la douane me fait un cinéma pas possible. Elle prétend que je suis en infraction car je n’ai pas demandé de prolongation du permis de séjour de Pamplemousse, qui lui s’en fout royalement. Or, je sais que Simon l’a fait, puisqu’il me l’a fait signer. Simon se bat comme un beau diable pour faire admettre son bon droit, et le mien par la même occasion.
Le 30 mai, je récupère mon fils Christian à l’heure dite à l’aéroport de Melilla. Toujours la file interminable à la frontière entre Espagne et Maroc. En dépit du fait que la voiture porte le macaron qui lui permet d’entrer et de sortir de Melilla librement, il n’en est pas de même pour les personnes. Ils ne m’ont pas donné un macaron à me coller sur le front. Il faut subir un fonctionnaire pour qui zèle et rapidité sont des mots dont le sens lui échappe.
Dès l’arrivée au bateau, nous allons à la marina pour présenter Christian. Un seul vélo. Un qui court, l’autre qui pédale. Jamila, petite, le visage rondelet garni d'yeux pétillants. Une malice explosive et un gros cœur. Asma, grande, élancée, élégante. Un visage et un corps de star.
J’avais au préalable contrôlé minutieusement les pièces neuves. Certaines manquent à l’appel alors que d’autres, inutiles, font partie du lot. Un vrai travail de Français ! Mon vendeur a le culot de m’écrire que le paquet a été contrôlé plusieurs fois.
Commence un long démontage de l’ensemble du système de refroidissement du moteur. Chaque pièce est nettoyée, poncée, les plus rouillées ébarbées puis passées à la peinture antirouille pour, enfin, deux couches de peinture de finition, verte comme l’Islam.
Nous faisons la connaissance d’un propriétaire de voilier. Franco-Belge et Marocain de cœur, Bernard possède une villa dans l’ouest du Maroc. C’est un architecte de renom. Il construit des villas un peu partout au Maroc et sait marier le style mauresque avec une touche de classique pour un résultat et un bon goût remarquables. C’est un artiste dans son domaine. Il a un 4x4 qu’il utilise pour sillonner les coins les plus reculés du Maroc. Il s’ennuie un peu. Il se propose de nous emmener quand nécessaire dans la ville de Saïdia, où Simon nous avait fait connaître une quincaillerie bien fournie. Ou encore à CAPDELEAU ou à BERKANE.
 CAPDELEAU est une petite bourgade de pêcheurs, où la plupart parlent l’espagnol. Cette curiosité est due à l’histoire et à la colonisation. A l’époque où la France et l’Espagne se partageaient le Maroc, la frontière espagnole s’arrêtait à l’oued qui borde le bourg. Saidia, proche, était dans la partie française. A l’indépendance du Maroc, l’Espagne s’est accrochée à ces deux bastions, considérés toujours par le Maroc comme des villes occupées, Melilla, accolée à Nador et Ceuta plus au nord, proche du détroit de Gibraltar. |
Christian a fait une liste interminable du matériel nécessaire pour conduire au mieux tous les travaux engagés. Simon est mis à contribution. Simon, c’est l’homme à tout faire de la marina. Hyper actif, il est sollicité sans arrêt. L’inconvénient est que pour l’attraper, il faut être agile comme un lapin de garenne. Il dit : « Si vous trouvez une voiture pour aller à Oujda, mon père vous servira de guide. Il connaît la ville comme sa poche. Il y a travaillé dans différents secteurs et notamment pour les abattoirs, alors il connaît toutes les ficelles. Vous pouvez lui faire confiance ».
Nous en parlons à notre bienfaiteur Bernard. Il est occupé à recevoir deux hommes d’affaires. Les deux affairistes nous proposent alors leur voiture de location. C’est super sympa, à condition de la rapporter entière, bien entendu, dans la soirée.
Nous retrouvons le père de Simon devant un supermarché perdu dans les faubourgs d’Oujda. D’autorité, il prend les choses et la voiture de location en main. Elle ronfle et se faufile au plus grand mépris du code de la route. Nous sommes frénétiquement accrochés à nos ceintures de sécurité comme à des bouées de sauvetage. L’affaire est rondement menée. Bien vite, la liste s’effrite et les sacs à provisions se remplissent de pièces de toutes sortes.
Mais le temps passe, et Saïdia, c’est pas la porte à côté. A 8 heures du soir, nous nous présentons sur GANISHA où Nico et Lilly ont concocté un petit cocktail dinatoire digne d’un cinq étoiles. Les deux jeunes de Ganisha, hyper sympathiques, entament une grande virée dans l’Atlantique. Je ne désespère pas de les revoir au coin d’une vague. Bernard a décidé d’inviter toute la smala à un petit restaurant sympathique spécialisé dans les fruits de mer, à Capdeleau. D’autorité il commande pour l’ensemble de ses invités, faisant montre d’un grand paternalisme avec le patron du tripot. Et que je te tutoie, et que je te prends par les épaules. Nous rentrons à pas d’heure, après un thé à la menthe servi par Bernard dans toutes les règles de l’art.
L’annexe nous attend. Nous avons compris depuis quelques jours déjà que les allers et retours à vélo n’étaient pas rentables pour le moral, alors qu’en deux minutes nous pouvions être de l’autre côté avec l’annexe. Ce soir-là, alors qu’avec les seuls deux thés à la menthe pour toute boisson alcoolisée, je ne peux par être taxé de soulographie, je manque mon atterrissage dans l’annexe et me retrouve à l’eau, caméra au poing, téléphone dans la banane, la tête percutant durement le rebord du wharf. J’en vois trente-six chandelles, vite éteintes par l’inondation totale. C’est la totale. On me hisse dans l’annexe. Arrivé au bateau, douche froide pour le plongeur, la caméra, le téléphone et le passeport, le seul en état de marche. Je grelotte à m’en décrocher les maxillaires.
Le nombre de pièces démontées et traitées c’est accumulé sur le plastique extérieur. Une pièce nous donne du mal. Il faut y aller à grands coups de marteau et de burin. Elle finit par céder, mais ce traitement brutal lui a donné un air penché. Il faut la faire redresser et recharger par un spécialiste des soudures aluminium. Simon s’en charge.
Nous commençons le remontage minutieusement. Christian n’en finit pas de faire contrôle sur contrôle. Nous nous battons sur tous les fronts. Nous avons attaqué pendant les temps morts l’installation d’une douche à l’arrière avec mitigeur, pour ajouter au confort cinq étoiles de Pamplemousse. Nous préparons la pose de trois plafonniers LED pour le carré. Christian est entraîné par Bernard dans une expédition à Oujda, pour acheter encore matériel et pièces qui manquent pour achever le travail. Ils reviennent à une heure impossible, mais avec tout ce qu’il faut.
Il y a, proche du terre-plein où se morfond Pamplemousse, une petite zone technique dans laquelle officie une entreprise qui gère, parallèlement, le seul shipchandler de Saïdia. C’est dire si ce caractère exclusif ne favorise pas des prix compétitifs. Je lui commande un travail facile : supprimer l’aérateur, qui n’aère plus que la rouille qui s’est installée confortablement là, et le remplacer par une plaque d’acier soudée. Les jours passent sans un début d’intervention. Je lui ai commandé également un chargeur 12 volts pour un prix correct : 390 euros. Je dépose des arrhes. Les jours passent, le chargeur n’arrive pas, comme l’antifouling à prix d’or que j’ai commandé à la boutique. Au final, les arrhes serviront à payer le travail de soudure.
Alors que l’équipe de Simon est à pied d’œuvre pour polir la coque, je n’ai toujours pas la première boîte d’antifouling. Je rencontre le patron pêcheur de Capdeleau, qui faisait sa peinture sous-marine à côté de Pamplemousse. Je lui parle du problème. Il me conseille d’aller l’acheter à Capdeleau. « C’est dix fois moins cher et, de plus, c’est de la peinture au cuivre, bien plus efficace ! Bien sûr, ajoute-t-il, si tu vas en Europe, t’as pas intérêt à t’en vanter, sinon tu vas avoir une meute d’écologistes à tes trousses ». J’en prends de quoi en badigeonner deux épaisses couches. Ca ira bien jusqu’à la Martinique.
L’équipe de Simon ne dispose d’aucun équipement. Ils viennent avec leurs mains, leur bonne volonté et leur bonne humeur. C’est déjà pas mal. Je dois fournir tout : pinceaux, ponceuse, rallonge, grattoir, rouleaux, désherbant ! Ah non ! ça, c’est pour le terrain de golf qui jouxte la marina et sur lequel je n’ai pas le temps de mettre les pieds. La honte !
Remise à l’eau. Simon aux commandes du Travelift. Après huit mois de séjour, achevés par quinze jours de travail acharné, Pamplemousse est beau comme un sou neuf. Je le vois toucher l’eau avec grande satisfaction. Satisfaction qui se transforme en une affreuse déception quand le moteur refuse de démarrer. Remorquage jusqu’au premier wharf toute honte bue, noyée par un verre d’excellent petit-gris marocain dans le cockpit de Bernard, toujours prêt à consoler des infortunes de mer.
Essai du démarreur sur banc. Il semble tourner à merveille, sans charge. Ce sont donc les batteries. Me voilà parti, accompagné de la belle Asma, en taxi, jusqu’à Saïdia, puis en taxi encore, mais de groupe, jusqu’à
Berkane. Il faut expliquer comment ça marche, ces taxis de groupe. Un rabatteur regroupe les clients par destination, Oujda, Ahfir ou Berkane puis il les tasse dans le taxi où l’on se retrouve au minimum à sept sans compter le chauffeur. C’est dire que je me retrouve collé contre la belle Asma. D’où me viennent ses sueurs froides incontrôlables ?
Nous avons prévu d'organiser une soirée pour remercier ceux et celles, parmi les plus significatifs, qui nous ont rendu tant de services. Christian veut faire une salade tahitienne, c’est pas vraiment caldoche, mais comment faire des roussettes au riz…? Le problème se solde de lui même. A part quelque menu fretin, pas de filets de tazar ou de loche saumonée. Alors, va pour un bami, pour lequel les ingrédients sont plus faciles à trouver ou à remplacer. Avec nous, ça fait neuf autour de la table. Il faut prévoir une grosse marmite et un après-midi à touiller. La soirée est très réussie, pas très arrosée vu les réticences de nos amis à accepter la moindre goutte d'alcool.
Les batteries neuves sont mises en batterie et en renfort du parc déjà existant. On se retrouve avec sept batteries 12 volts. Ce surplus de puissance ne change rien. Le démarreur fume à en rendre jalouses les cheminées de la SLN, sans résultat. C’est enfin un mécanicien, qui vient avec un démarreur d’occasion, qui parvient à nous sortir de ce mauvais pas, à grand coup d’étincelles tous azimuts. Le testeur volumétrique, y connaît pas. Il faut que ça claque, quitte à griller un ou deux cadrans indicateurs dans l’opération.
Ca ne manque pas, le moteur ronronne comme une chatte repue, mais les cadrans du tableau de bord sont au chômage. Il tourne au poil mais consomme de l’huile comme pas possible.
Le 15 juin, avant de terminer les opérations de douane, nous faisons le plein de provisions. Nos deux amies nous rejoignent au supermarché MARJANE. Elles font les secrétaires buissonnières pour nous faire leurs adieux. Nous sommes très touchés. Nous savons qu’il y a peu de chance de les revoir un jour. C’est plus que des amies, des sœurs avec qui nous avons partagé tant de bons moments. Comme pour Simon, Abdul et le jeune dont j'ai oublié le nom qui ressemble à Tiger Wood que s'en est impressionnant. 
Aspect horrible de ces rencontres, où on s’attache, pour brutalement rompre un cordon ombilical tissé autour de blagues, de sourires, de complicités. Ils et elles rejoindront la nébuleuse de ces connaissances essaimées un peu partout, de Sigacik en Turquie, à Ancona et à Naples en Italie, à Malé au Maldives, à Kastella en Croatie pour ne citer que certains de ceux avec qui nous nous sommes sentis si proches et que nous avons eu tant de mal à quitter. Ils et elles resteront comme les autres, éternellement, dans nos souvenirs.
Pamplemousse reprend le chemin inverse qu’il avait fait voilà plus de huit mois. Comme les choses paraissent familières. La digue s’efface. Adieu Saïdia. Nous voilà au large avec, en ligne de mire, Malaga, et au cœur un curieux pincement.
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