vendredi 29 août 2008

LA TUNISIE DE BEN ALI




 
LA TUNISIE DE BEN ALI




Cet article commence à CAGLIARI, Sardaigne
Le 29 août 2008
Mes coéquipiers sont (est) Edmée DESCHAMPS



Plus facile en plein jour

Le 29 août dès 9 heures, nous larguons avec regret les amarres. Cagliari s’efface sur l’arrière. Adieu Cagliari, adieu la Sardaigne. Adieu l’Italie que nous avons tant appréciée. Adieu les pizzas mais surtout adieu cette chaude exubérance même si elle est, paraît-il, quelquefois superficielle et affectée. A 138 milles dans l’étrave, la Tunisie, dernière étape. Le pavillon sarde est amené. Il est remplacé par le tunisien. Cette sarabande de pavillons me rappelle que nous n’avons toujours pas le nôtre. J’ai hissé le breton, le corse, le sarde. Ce ne sont pourtant pas des pays indépendants. Pourquoi pas un drapeau calédonien ? Je ne peux quand même pas hisser un bout de manou ou le drapeau du FLNKS ! 

Le vent est favorable. Pamplemousse pointe à 7 nœuds, grand-voile et génois en ciseau. Ca ne dure pas. Le vent s’évanouit avec la nuit. Avec l’apparition des étoiles familières pointent les premières lueurs moins sympathiques. Les cargos sont à l’affût. C’est toujours curieux comme ils semblent plus nombreux la nuit. Probablement que leurs feux de position se voient de plus loin. Un qui a repéré les premiers intrus, c’est le détecteur d’émissions radar. Rapidement nous devrons le faire taire.


En Méditerranée, il n’est pas utile. Les émissions ne cessent pratiquement jamais. Quand un cargo passe par le travers, il faut attendre qu’il se soit éloigné d’une bonne dizaine de milles avant que le détecteur perdre son émission. Entre-temps un autre s’est mêlé à la cacophonie en arrivant par l’arrière ou à nouveau sur l’avant. Un coup à bâbord, un coup à tribord. Ca occupe. Edmée est devenue une experte pour repérer si l’azimut de l’importun varie où s’il reste fixe, ce qui est signe de routes convergentes. Il faut alors intervenir soit sur le cap soit sur la vitesse pour éviter la collision. A partir du moment où on ne s’endort pas à la veille, comme cela m’était arrivé au large de Mascate, l’intervention n’est pas urgente. Keep cool, comme on dit chez nous à Moindou ! Avec Edmée, mais elle est de Nessadiou, pas keep cool, y’a intérêt à changer de cap dans la seconde. Ses interventions précipitées dans le cockpit pour cause de collision imminente écourtent mes quarts à la bannette. La nuit s’écoule sans plus de dommage qu’un sommeil haché menu-menu.



Les côtes de Tunisie se dessinent au petit jour. Largement le temps de prendre le petit-déj. et même de préparer le déj. Comme toujours, pour avoir bonne conscience, je laisse traîner deux lignes dont la fameuse ligne-à-tazar-pêcheur-professionnel, vendue par un beau parleur et bon vendeur dans un shipchandler de Darwin. Son patron devrait le mettre à la commission, il ferait fortune. La ligne n’a jamais rien attrapé que de volumineux paquets d’algues. Je garde toujours espoir, comme « le vieil homme et la mer », de la prise miraculeuse. Hemingway n’a pas situé son roman en Méditerranée !



La marina de SIDI BOU SAID

La marina de SIDI BOU SAID se dessine, grandit, dévoile un arrière-plan intéressant de ruines antiques. La VHF, dans un bon français, demande d’attendre dans la rade qu’une place se libère. Le mouillage est très inconfortable. La skippeuse en second commence à tourner de l’œil à se faire balloter bord sur bord. L’annexe à l’eau, je tente ma chance en parlementant yeux dans les yeux. Ca marche, le gérant de la marina, fort avenant, propose un emplacement bord de quai, entre un Amel et une vedette à moteur. Tout juste la longueur de Pamplemousse. Ça va être coton pour caser mon éléphant dans ce trou vacant ! Le trouillomètre est à la tôle quand j’engage la manœuvre. Un créneau 20 sur 20 sauf que les aides de la marina ont des doutes sur les treize mètres annoncés de Pamplemousse.



Au musée du Bardo

L’équipage de l’Emmanuelle, l’Amel qui montre ses fesses, se propose de nous guider pour prendre le train pour Tunis. La station est à un bon kilomètre, voire deux... On se découvre vite fait des amis communs en Calédonie. Avec Emanuel et Francisca, ça bavarde sec pendant le trajet à pied et en train jusqu’à TUNIS. L’avenue Bourguiba nous tend les bras. Les Champs-Elysées de Tunis. Remarquable. Pas moins remarquable, le musée du BARDO. Une splendeur de mosaïques. Fourmillement de chefs-d’œuvre de ce style artistique. Nous avons tellement bavardé à l’aller que, sans nos mentors, nous avons du mal à retrouver le chemin de la marina. 




Incontournable souk


Le lendemain, coup d’œil sur le souk. C’est le ramadan. Les vendeurs sont fatigués par le jeûne qu’ils respectent assidument. C’est le moment de marchander. Et un tapis tunisien fait main, « J’t’li jure sir li Coran ! » Garanti à la machine ultramoderne ! Le principal, c’est d’y croire. Certains cafés retirés font le plein de clients, manifestement du coin, aux assiettes bien garnies. Qu’Allah leur pardonne, ils sont jeunes et pas inconditionnels du jeûne.



Sidi Bou Saïd vaut de lui consacrer une journée de flânerie. C’est propre, vivant, accueillant, propice au shopping et aux marchandages effrénés mais bon enfant. Edmée entre chez un antiquaire à qui elle conte dans le détail l’historique de ses ancêtres kabyles arrivés en Calédonie enchaînés, devenus enfants du pays pur race jusqu’à élire l’un des leur maire de Bourail. Elle n’en est pas peu fière. Sa conférence ne l’empêche pas de marchander pied à pied et interminablement. Inconditionnel du quotidien de feu Hubert Beuve-Mery, accroupi dans un coin de boutique, j’épluche l’édition du jour en attendant qu’aboutissent les pugnaces négociations. Encore dix kilos de babioles inutiles qui vont surcharger les bagages.  Triste est la vie !



Apéritif tapageur sur Pamplemousse

Apéritif tapageur sur Pamplemousse. Il y a ceux de l’Emmanuelle, Brigitte et Jean Ricossé, amis de Maclou la première propriétaire de Pamplemousse, un couple de Turcs - parce qu’ils sont turcs - à qui j’ai prêté mon livre des mouillages italiens, livre que j’avais honteusement oublié de rendre au voisin de wharf à Corfou. C’est l’ONU sur Pamplemousse : je me réserve pour plus tard de donner mon sentiment sur ce « machin » aux mains des Américains. Toujours est-il que c’est une cacophonie d’English, d’italiano et de français. Les Turcs n'y mêlent pas, sauf entre eux, leur langage. Ils s’expriment l’une en anglais l’autre en italien. L’Europe n’a pas fini de nous étonner.



Thermes d’Antonin

CARTHAGE : les Thermes d’Antonin, le musée, l’amphithéâtre, l’immense cathédrale. Déjeuner sur l’herbe et sur le pouce. Le soir, apéritif d’adieu sur l’Emmanuelle. Ils s’en vont demain sur BIZERTE, nous sur HAMMAMET.



La Yasmine marina à Hammamet est distante de 103 milles. A mi-chemin se trouve le port de pêche de KELIBIA. C’est bien le diable si ne s’y trouve pas un petit coin pour dormir tranquille. L’odeur du poisson agresse, empeste à 15 milles. Pas besoin de carte, suivez l’odeur ! A l’approche d’une jetée déjà chargée d’une mixture insolite de chalutiers, remorqueurs et voiliers, un homme trapu comme un singe indique avec force gestes de se mettre à couple, en fait à triple, derrière une innommable barcasse. 

... mixture insolite

Il faut se frayer un chemin à travers un vol de mouettes rieuses qui bouchent l’horizon. La manœuvre à peine terminée, une vedette pétaradante vient se mettre en quatrième position. Choc écologique en parcourant le marché aux poissons, où les crieurs se partagent les décibels avec les mouettes. Cette surpopulation de palmipèdes criards n’est pas étonnante vu le gaspillage de petits poissons pris dans les filets des pêcheurs. Ceux-ci les en débarrassent soigneusement en les abandonnant sur le quai. Gaspillage. Jusqu’à quand l’homme sera-t-il inconscient des dégâts qu’il provoque à sa planète et aux ressources dont il tire profit.



Vendredi 5 septembre, départ de Kélibia. 43 milles jusqu’à la marina du Jasmin. Le pilote suit scrupuleusement la route tracée sur le lecteur de carte. A quelques milles de l’objectif, les yeux écarquillés comme des œufs sur le plat, pas plus de marina que de beurre en tartine de SDF. Perplexité, embarras, doute, flottement, tergiversation. « Pourquoi ne pas appeler la capitainerie par radio ? » propose mon épouse toujours pleine de bon sens. Je demande la position géographique de la marina. Positionnés sur le Géonav, nous suivons à l’aveugle cette nouvelle route. Elle mène pile poil sur l’entrée. Pas loin de 4 milles d’écart. Encore heureux qu’on ne s’y soit pas présentés de nuit.



Yasmine marina à Hammamet


La marina est immense. L’esplanade en front de mer est bordée de constructions modernes luxueuses. Toutes dans le style arabe du pays. Les architectes ne semblent pas autorisés à faire n’importe quoi. Yasmine marina est sortie du rêve d’un richissime investisseur. Les balades à vélo sont un régal, d’autant que le relief est plat comme une crêpe. Le défaut de Yasmine marina est que le chantier n’a pas de place en cale sèche, où alors à un prix répulsif ! "Pourquoi ne pas louer une voiture et se renseigner dans les marinas de Sousse et de Monastir !" propose ma moitié toujours aussi judicieusement ! « Oui, et ce sera l’occasion de visiter ! » 


On s’affaire dès le lever du jour : ne pas oublier la gourde d’eau fraîche, les sandwiches, les clubs de golf ! Non, pas les clubs de golf ! Verboten ! Forbidden ! Vietato ! Dans l’affairement, Edmée veut descendre quatre à quatre l’échelle intérieure. Elle le fait. Sans arrêt intermédiaire. Elle s’étale lourdement sur la moquette.


Elle a mal partout y compris aux yeux ! Nous partons quand même. Pendant tout le parcours elle se plaint de douleurs au cou, au bras, à l’épaule, voit trouble, a des nausées. C’est grave, docteur ? Arrivée en la belle ville de SOUSSE, saturée de luxueuses boutiques, arrêt shopping. Les douleurs disparaissent. Enchantement. 


Puis c’est EL KATAOUI. Magnifique ouvrage moderne pour touristes fortunés. Le golf est à portée de babouches de la marina. Un scandale d’avoir laissé les clubs. Je devrais, comme les lunettes, les avoir en permanence avec moi ! 



Mausolée de Bourguiba

MONASTIR, la ville de naissance et de décès de Bourguiba, premier président de la Tunisie indépendante. La Médina est, comme souvent, entourée d'une muraille, à l’intérieur de laquelle se cache une multitude de boutiques, la grande mosquée mais surtout le mausolée Bourguiba. Au fond d’une grandiose allée, le monument paraît surdimensionné. Napoléon aux Invalides doit en pâlir de jalousie.


Son tombeau


Le 8 septembre, le chantier nous indique la place définitive de Pamplemousse. Parmi les multiples prises et raccords électriques accumulés au cours des escales de Pamplemousse pendant son demi-tour du monde, aucun ne s’adapte au système tunisien. Il faut en acheter un de plus. Pas de chance, ni la marina ni le chantier n’en dispose pour le moment. Disponible à une date... indéterminée.


Bataille administrative : « Vous avez un groupe électrogène, utilisez-le ! » se débarrasse le big boss. Fort de ce conseil à polluer de décibels, je reviens, bien décidé à le mettre en pratique.


Avant d’utiliser la solution tapageuse, je demande à mon voisin de m’autoriser à me brancher sur sa prise, moyennant finance. Refus à peine poli : « Je ne veux pas de problème avec eux ! » Je n’insiste pas, sors le groupe. C’est dommage pour le voisinage, le vent porte à leur porte les agressifs décibels. Cinq minutes suffisent pour qu’il m’interpelle. « Vous n’avez pas le droit de faire un tel boucan dans une marina ! - Le chef du chantier m’a conseillé lui-même d’utiliser le groupe faute de pouvoir me fournir une prise ! » Il court au chantier, revient peu après,   dépité. Essaie de supporter sans broncher. Je suppose que son épouse plus conciliante a dû le ramener à la raison, il ressort de sa cabine. « Ecoutez, si vous avez une rallonge, je vais vous donner du courant mais de grâce, arrêtez ce boucan infernal. Il me demandera en paiement une bouteille de vin. Il aura de mauvaise grâce, sa bouteille, une piquette, jus de chaussette, de supermarché, bon marché, offerte par la marina de Corfou. Il y a de rares fois où le courant (sic) passe mal entre voisins de ponton ! 

 

Le 10 septembre, Pamplemousse est laissé orphelin pour six mois dans cette marina du bout du monde.



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