mardi 1 mars 2011

SALVADOR SANS RANCŒUR




SALVADOR SANS rancœur



Cet article se déroule à SALVADOR DE BAHIA, Brésil
Le 28 février 2011
Mes coéquipiers sont (est) mon fils Christian

BAHIA MARINA, SALVADOR
Lorsque nous sommes entrés dans la marina, et avant de tomber dans un coma réparateur, nous avons vu arriver un catamaran manœuvré par deux jeunes marins et une marinière aux formes… avantageuses. Christian – mais lui seul - n’en a pas perdue une miette !

Après ledit coma, qui nous mène à la journée du lendemain frais comme des mulets, on s’affaire pour résoudre en priorité les problèmes de douane. On nous indique un dénommé Alphonse, spécialiste de ces problèmes, par qui il faut passer impérativement tant les arcanes des opérations douanières sont tortueuses et parsemées d’embûches. Va pour Alphonse.


C’est un homme très occupé, Alphonse. Plutôt costaud, fine moustache. Le dandy fier de sa prestance et de son irrésistible charme. Il me fait l’inventaire de ses nombreuses capacités. Il peut tout faire. Je lui fais alors la liste des travaux que j’envisage. Rien ne l’effraie. Mais je ne veux pas m’engager sans connaître le coût de ses prestations. «  Pas de problème, je vais te faire une pro forma. Pour les opérations douanières, c’est ma femme qui s’en charge ! Elle passera vous prendre demain à 9 heures ! » Il m’indique les documents à prévoir pour l’opération. « - Avec la préparation du carnaval, les fonctionnaires n’ont pas la tête au travail ! Ça risque d’être plus long. »

Le lendemain à l’heure dite, une splendide créature se présente qui arbore une paire de gambettes qui ferait mourir de jalousie Adriana Karembeu. Le reste est à l’avenant. Une chevelure rousse débordant… mon imagination, qui s’égare vite vers le dessous des cartes et le peu qui reste invisible. La poitrine explose sous un chemisier à fleurs et à la peine, tandis que la jupette courte et fendue met, s’il en était besoin, en valeur les deux instruments qui lui servent de jambes.

Elle prend la direction des opérations, embarque dans sa Ford familiale quatre individus qu’elle ne prend pas la peine de nous présenter, et c’est parti pour un premier bureau. C’est celui du Port autonome. Il faut attendre son tour derrière un minuscule guichet. Je réalise rapidement que les individus embarqués sont également des skippers. Ce qui fait que nous sommes cinq propriétaires skippers tous embarqués dans la même… galère.

Son office est de faire le relais entre le fonctionnaire et les skippers qui, sauf moi, sont tous australiens, américains ou canadiens. Les heures passent. Enfin, notre tour arrive. Elle fait pour moi le transit en français auprès du fonctionnaire, polyglotte comme une marmotte. Je me contente de passer les pièces demandées.

Puis tout le monde embarque à nouveau. C’est cette fois au tour du service de l’immigration. Même jeu de mains et de vilains avec les documents. Le temps passe.  Trop vite. Mais il restera le service des douanes. Celui-ci nous ferme ses portes au moment où la belle hôtesse fait montre de ses... talents. « Revenez demain, nous n’ouvrons pas l’après-midi ! » Je demande à notre flamboyante guide de me fournir un téléphone à carte, de façon à pouvoir entrer plus facilement en contact avec son jeune premier de mari. « Pas de problème, ça coûte pas cher, au Brésil ! »

Le lendemain, même heure, mêmes acteurs. Elle a changé de tenue. Le chemisier n’est plus à fleurs, il est rose, presque transparent. On y devine la forme du sein et ses attraits. Il y a risque d’apoplexie dans la marine ! J’ai du mal à articuler. Ce doit être les corn flakes qui passent mal. « Avez-vous pensé au téléphone ? Demandé-je, le souffle court ! – Désolée, je n’ai pas eu le temps, mais je n’ai pas oublié, rassurez-vous ! »  Quelques heures d’attente encore et nous sommes libérés. Je m’enquiers du coût de l’opération. « Ne vous inquiétez pas, je vous ferai une facture ! »

Nous sommes revenus sur Pamplemousse. Il faut le désarmer. Je commence par le génois. L’opération est difficile. Il y a un vent de travers qui gêne l’opération, sans compter qu’il règne dans cette marina un courant infernal qui fait tirer sur les bouts en permanence.

Sur le ponton, un couple s’attarde et semble admirer Pamplemousse. Je finis par leur poser la question : « Vous semblez intéressés par Pamplemousse, voulez-vous le visiter ? – Oui, avec plaisir ! » répondent-ils en cœur et avec enthousiasme.

Lorsque la visite se conclut, ils en viennent à la vraie raison de l’intérêt qu’ils portent au bateau. 

« En fait, nous devions être hébergés par un ami car notre bateau est à Joao Pessoa. – C’est où ça ? je demande en les interrompant impoliment. - C’est une petite ville, pas très loin de Recife, où il y a une petite marina sympa tenue par un Français. Notre ami n’est pas encore arrivé et nous sommes à la rue. Nous cherchons un bateau suffisamment grand pour nous héberger pendant quelques jours. Suit un silence de plomb. – C’est d’accord ! dis-je enfin, mais que ce passera-t-il  si votre ami n’arrive jamais ? - Ça ne risque pas, mais nous quitterons le bord de toute façon quand vous le voudrez. »

L’affaire est conclue. Ils se présentent : « Jean-Noël et Guylaine, pour vous servir. Il ajoute : - Ce n’est pas une blague, on est bons marins et on peut vous rendre de sérieux services. » Ils embarquent leur baluchon et tombent à pic pour nous aider à désarmer le génois. Le lendemain, c’est la grand-voile qui est mise à bas, ce qui est un gros boulot car elle est lattée jusqu’aux doigts de pied. 

Après cette tâche difficile nous décidons d’aller rendre visite à nos presque voisins sud-africains, propriétaires du catamaran agrémenté de l’équipière de charme et dont le pavillon a trahi la nationalité. Ils nous accueillent très gentiment. La glace est vite brisée, si tant est qu’elle eût existé. Ils nous content leur peu banal parcours : « Nous sommes partis des Antilles françaises et notre destination finale est Le Cap en Afrique du Sud, notre pays. Nous savions bien que le catamaran est nul pour remonter contre le vent. Nous avons donc fait un grand arc de cercle en restant au pire au vent de travers, ce qui nous permettait d’avoir une très bonne vitesse sans faire souffrir le bateau. Dans la nuit où nous sommes arrivés, nous avons vu vos feux et vos lumières sur tribord. Vous meniez un sacré remue-ménage ! » Ils sont deux admirateurs de Nelson Mandela. J’ajoute qu’avec moi, ça en fait trois.

Alphonse arrive sur ces entrefaites. Il m’apporte la facture des opérations douanières. J’en reste abasourdi. Il me dépose également discrètement la pro forma des travaux que je désire voir exécuter. Je lui demande de prendre rendez-vous pour sortir le bateau, le temps d’examiner l’état de la carène. Je renouvelle ma demande pour un téléphone de façon à pouvoir le joindre facilement. Il promet. 

Pendant le dîner, Noël me fait remarquer qu’il avait payé beaucoup moins cher pour ses opérations de douane quand il était arrivé à Salvador avec « Amazigh ». « C’est vrai que les opérations sont longues et laborieuses mais ça ne coûte pas ce prix. » J’ajoute que, de plus, nous étions cinq skippers et que, donc, multiplié par cinq, ça commence à faire une somme sacrément importante. Arnaque ! Le coût des travaux paraît également exorbitant. Noël suggère de laisser plutôt  Pamplemousse dans une petite marina où il avait laissé son bateau pour y effectuer quelques travaux. Elle est située à une dizaine de milles au nord de la marina de Salvador. « Tu verras, le mec est vachement sympa. Il parle français. Il fait du bon boulot, pas cher. Il s’appelle Sandoval. Le quartier s’appelle Ribeira et la marina PIER SALVADOR. »

A l’heure de rejoindre la darse, pas d’Alphonse. Nous patientons un petit quart d’heure et larguons les amarres pour rejoindre le chair lift. Arrivés sur zone, on nous fait patienter et tourner en rond avec ce lourdaud de Pamplemousse qui rechigne à la manœuvre, malmené par un fort courant de travers et une houle désagréable. Enfin, on nous fait signe d’entrer.

La marée est trop basse et, malgré le renfort de l’ensemble des pare-battage, les chandeliers forcent sur les bords de la darse. Avant que les ouvriers, peu enclins à accélérer la manœuvre, aient pu assujettir la coque, trois chandeliers ont rendu l’âme et le retour de galbord a pris un sale air penché.

Alphonse arrive enfin mais pour rien, Pamplemousse est déjà dans les airs. Après un examen de la coque, et malgré le constat qu’elle avait bien supporté la traversée de l’Atlantique, notre retour à notre emplacement est plutôt tristounet. Alphonse me confirme qu’il a acheté le téléphone et qu’il viendra le soir à 18 heures pour régler tous les problèmes.

Fort des indications de Noël, je l’attends de pied ferme. Il arrive avec une heure de retard mais avec sa dulcinée, plus affriolante que jamais. Il commence par m’expliquer le fonctionnement du téléphone. Puis il en vient aux travaux, à la suite de quoi je lui assène : « C’est beaucoup trop cher ! Il répond sans se démonter : - On peut discuter les prix ! – Le problème, c’est que je n’ai plus confiance en toi, Alphonse ! – Ah bon, pourquoi ? – Parce que, le prix que tu m’as facturé pour les opérations douanières est exorbitant, d’autant que nous étions cinq skippers et… Il m’interrompt avant que j’aille plus loin. - Bon, je ne te fais rien payer, ça va ? dit-il en se levant pour quitter le bord. – Oui, ça va, mais je veux bien quand même acheter le téléphone… » Il ne répond pas et embarque téléphone et dulcinée, qui n’a pas pipé mot. Eh oui, elle n’est pourtant pas blonde, mais elle n’a pas encore compris ce qui s’était dit !

PIER SALVADOR MARINA
Le lendemain c’est le début du carnaval. L’équipe du catamaran sud-africain et celle du monocoque moins trois chandeliers sont tout excitées et les pieds dans les étriers pour ne pas en manquer l’ouverture. Ils partent au crépuscule et ne rentrent qu’à l’heure ou le skipper, plus sage et resté à bord, prend son p’tit déj. Salutations distinguées et ensommeillées !

Viendra ensuite le moment de quitter nos nouveaux amis et rejoindre la marina Pier Salvador, avec la même liste de travaux que celle préparée pour Alphonse. Je ferai alors la connaissance de Sandoval, qui deviendra un ami, et j’y hivernerai Pamplemousse pour rentrer à Nouméa…


===OOO===

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire