dimanche 17 avril 2005

DE TOWNSVILLE À THURSDAY ISLAND



DE TOWNSVILLE À THURSDAY ISLAND


Cet article commence à TOWNSVILLE, Australie
Avril 2005
Mes coéquipiers sont (est) 
Norm†.


CASTLE HILL (Photo du net)

Heureux de partir. Mais tristounet d’abandonner les amis. Norm, pêcheur devant l’éternel, éternel pécheur, jette une flopée de lignes. On se croirait sur un thonier. Dans le sillage, Castle Hill, Magnetic Island, enfin, Townsville s’efface lentement. 

Norm est taciturne. C’est dans sa nature. Ce n'est pas qu’il a le cafard, mais il n’est pas bavard. C’est un jeune premier de 78 ans. Il ne les fait pas. Ils se sont fait tout seuls. Ce n’est pas sa première croisière. Il a traîné ses bottes à travers la planète, plus souvent sur mer que sur terre ! Pour cette mise en bouche, Pamplemousse avance à petits pas, 76 milles en vingt-quatre heures, c’est pas terrible. Nous mouillons près de HINCHINBROOK ISLAND pour attendre le vent.   





NORM

Ensuite, 107 et 146 milles. Ça commence à être honorable. Pour la cuisine, c’est galère. Je persiste à vouloir améliorer les menus. Accroupi à la scribe, j’agrippe les ustensiles d’une main, les ingrédients de l’autre et je touille, la cuillère entre les doigts de pied. Norm répond à mon interrogation sur la qualité du résultat par son " Ah, ya " habituel. Il y aurait du teuton chez ce petit bonhomme que ça ne m’étonnerait pas ! En tout cas, il est agile comme un cabri. Il se hisse sur la bôme comme qui rigole ! Il a vingt ans, c’est pas possible autrement !

  

La navigation dans ce long chenal bien balisé qui suit la côte nord-est de l’Australie entre le continent sur bâbord et la grande barrière sur tribord est éreintante. 


TOWNSVILLE MARINA

Elle nous oblige à de fréquentes manœuvres et à une vigilance constante, de jour comme de nuit. Le passage est très fréquenté. Cargos et bateaux de pêche défilent sans cesse. Le vent donne de l’arrière. Les voiles en ciseau, tango sur un bord ou l’autre selon le cap à suivre. Les empannages sont fréquents. 

A deux à la manœuvre, nous devenons rapidement experts. Le loch ne décolle pas du 6 nœuds. Un soir, alors que nous mettions à mal une bouillabaisse à ma façon sans poisson, l’assiette calée entre les cuisses, fourchette et couteau en bandoulière et le verre de vin à portée de main - le Norm s’y est mis au vin, le coquin - sans crier gare, une sirène de cargo nous hurle dans les oreilles. 

Branle-bas général. Tout le monde sur le pont. On y est déjà ! Empannage en catastrophe. Par la même occasion, on allume les feux de position mais pas la VHF. On n’a pas envie d’entendre les gros mots du capitaine du cargo s’insurgeant contre le "stupid french boat". Parce que quand même, le pavillon national flotte fièrement à la poupe. 

Pour nous punir, le vent s’énerve. Le spido pointe à 11 nœuds. C’est pas mal pour un gros balourd pareil ! Il faut prendre un ris. Résultat : 224 milles en vingt-quatre heures, mais grâce quand même à un courant favorable de plus de 3 nœuds. Mon second, qui n’est pas le dernier à sauter dans sa cabine dès la fin de son quart, m’étonne. Il n’a pas l’air fatigué par ces quarts à répétition.

 

La météo, c’est à fleur de peau. A part le baromètre, qui reste bloqué sur beau fixe et le coup d’œil sur les cumulus et autres nuages en "us" et en plus, les prévisions, c’est au pif. Donc, un beau soir, je prévisionne un renforcement du vent pour la nuit. Une fois n’est pas coutume, je décide de prendre un ris avant la nuit. 

Avec l’aide du moteur, il est plus facile de monter au vent. Peine perdue, il refuse tout service. On fera la manœuvre sans lui. Par contre, il va falloir économiser l’énergie. Les panneaux solaires et les éoliennes, c’est bon tant qu’il y a du soleil et des nanas, euh, pardon, du vent. Il faut prévoir une escale quelque-part pourvue d’un mécanicien ! 


Nous approchons du DETROIT DE TORRES et du CAP YORK. Nous avons fait l’impasse sur CAIRNS dont nous avons aperçu les lueurs ça fait déjà perpette. Ici, la côte est déserte. Pas l’ombre du moindre signe de trace de civilisation. La côte oubliée australienne, le continent perdu, l’Atlantide sans les Atlantes ! Norman suggère THURSDAY ISLAND, où il a passé quelques mois il y a quelques siècles. Je me demande bien s’il y a un bled sur cette terre qu’il ne connaît pas ! Va pour Thursday ! L’atterrissage avec ce vent qui se maintient à 25/30 nœuds avec des caprices à 30/35, sans moteur et donc sans guindeau électrique, l’atterrissage dis-je, me donne la chair de poule.


Un matin, nous avons pris à la volée plusieurs tazars. Mon pêcheur est aux anges. Il commençait à désespérer. J’en fais une préparation savante. Une variante du tazar rôti piqué à l’ail. J’y mets tellement d’ail que ça pourrait être de l’ail rôti piqué au tazar. C’est une recette protégée par une marque déposée... de brûlé au fond de la marmite. Norm répond à mon interrogation sur le résultat par un habituel « Ah ya, very good! » comme s’il dînait à « la Tour d’argent » à Paris. Gentleman jusqu’au bout de la cuillère ! 

 

GRAND HOTEL
à THURSDAY ISLAND
(Photo du net)

Finalement, le jeudi 21 avril - ça tombe bien pour arriver à Thursday Island - nous mouillons sans problème dans son petit port. Annexe à l’eau aussitôt. Et va que j’te cours après le mécanicien sauveur. Mais Thursday, ce n’est pas Sydney, c’est plutôt Bourail. Sans le calife ! La postière nous donne le téléphone du meilleur mécanicien de l’île, mais trouver une cabine en état de fonctionner, c’est mission impossible. Il faut courir les bars, ce que fait Norm pendant que j’expédie rapidement quelques emails.

Le gros Bill déniche la panne.

Norm revient avec une information précieuse : le mécanicien sera au bar du Grand hôtel à 17 heures. Y paye, le Grand hôtel ! Un étage. Tout le rez-de-chaussée occupé par le bar ! Hors les bars et les cabines téléphoniques délabrées, il n’y a plus grand-chose à voir. 


En fait, la petite ville est quand même attrayante, même si elle ne déborde pas d’activité. L’ambiance est nonchalante, à la mesure de la chaleur ambiante. Les aborigènes, majoritaires, semblent désœuvrés, assis aux terrasses des boutiques. Entre deux whiskies, rendez-vous est pris pour le lendemain. En quelques minutes et pour 60 dollars, le gros Bill, mécanicien rougeaud et rougi par l’alcool déniche la panne. 


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