mardi 4 octobre 2005

OTAGE À GOA : LES INDES


OTAGE À GOA : LES INDES


Cet article commence à MALÉ, Maldives
Le 4 octobre 2005
Mes coéquipiers sont Michel????????????. et Philippe.???????????????? débarquants, puis je reste seul.

Drapeau animé d'Inde par Pascal Gross



... hors couchette douillette !

4 Octobre 2005, 5 heures 30. De mal gré, l’équipage est jeté hors couchette douillette par le doux ronronnement du Perkins. Pamplemousse abandonne lentement la darse tout aussi douillette du port de MALÉ alors qu’une aube rose bonbon colore à peine les montagnes de containers.


Les voiles portées par un vent lui aussi pleurnichard, apportent un soutien presque symbolique. Cahin-caha, l’atoll THODDOO, prés duquel notre route tangente, est bien attrayant pour une plongée à la volée. Las ! la côte est accore et le mouillage pas rassurant. Adieu bel atoll, vive la mer libre qui pointe à l’étrave. Le vent dans le nez, il faut choisir le moins mauvais bord ! Sur tribord, cap sur Nord-Maldives, bâbord sur les Seychelles ! Cornélien ! Surcroît de soucis après deux jours de cette progression lente et éprouvante : l’alternateur neuf made in Malé ne fournit plus que 12 ampères. Réduction drastique est ordonnée de la consommation d’énergie électrique.


Plus tard c’est au tour des panneaux solaires de ne plus charger que par intermittence. Le vent est trop faible pour actionner les éoliennes. Pour finir, l’alternateur ne fournit plus rien, sinon l’espoir de jours meilleurs ! Il reste, encore heureux, le groupe électrogène, mais la réserve d’essence n’est pas inépuisable, ni remplaçable par l’eau de mer ! Décision est prise de se détourner sur PANAJI, province de GOA aux INDES.

INDES, GOA
(Photo du net)

Avec au moins l’avantage d’un vent plus adonnant par la suite, nous y arrivons le jeudi 13 après un nouveau plongeon bredouille près d’un îlot de l’archipel des LAKKADIVES indiennes. Les autorités du port me dirigent sur la plage de DONA PAULA.

Nous y attendons vainement les émissaires des autorités. Au petit matin, je débarque et j’enfourche mon fidèle vélo de cross objet de tous les sarcasmes et me rends au poste de police de Dona Paula. Accueil aimable : on m’embarque dans la fourrière, gendarmes en armes en renfort. Ça fait tout drôle ! Direction « Immigration office » de Panaji. « Clearance in » puis c’est la capitainerie du port. Attente impertinente, patience à l’épreuve, malgré un accueil toujours aussi prévenant!

Les formalités à peine commencées, l’officiant s’exclame : « Mais le bateau est à Dona Paula, ce n’est pas notre juridiction ! Il faut le mener à Cocos beach, à Panaji ! » Retour en bus bondé à Dona Paula. Pamplemousse est dirigé et ancré sur ce qui me semble être Cocos beach. Un autre voilier est mouillé un peu plus loin. Retour au port. Fin de la clearance in. Il reste les douanes. Trop tard pour aujourd’hui, d’autant qu’elles ne sont pas à portée de baskets ! 


Nous nous séparons. Rendez-vous est pris pour se retrouver au retour dans le parc, en face du mouillage, là où nous laissons l'annexe. En y revenant, mes coéquipiers ne sont pas là mais je vois que l’annexe est au bateau, auquel est amarrée une deuxième annexe, et des gens arpentent Pamplemousse. J’appelle ! L’annexe inconnue vient me récupérer. Je suis bougon et j’accueille froidement ces gens que je ne connais pas. Ils m’expliquent qu’ayant vu arriver Pamplemousse dans l’après-midi, ils s’étaient décidés à y faire une visite de courtoisie. Ce faisant, ils ont vu mon annexe et mes coéquipiers, novices en matière de nage, en difficulté luttant contre le courant et les ont aidés à rentrer au bateau. Je rabroue presque ces sauveteurs providentiels, qui fuient précipitamment. 


Je monte à bord et c’est alors que mes deux équipiers me déclarent leur décision de le quitter, le bord. En fait, c'est ce que j’espérais et j’en suis terriblement soulagé. Je sais que leur décision me relègue une montagne de problèmes, mais le soulagement dépasse la perspective des problèmes à résoudre. A Galle, bien avant le départ, alors que nous faisions les achats de produits frais, Michel m’avait déclaré de façon péremptoire, comme l'étaient toutes ses assertions, ne laissant place ni au doute, ni au compromis ou au dialogue : « Il faudra arrêter le bateau quand je ferai la cuisine et que ça bougera trop ! » Demande aussi originale qu'incongrue sur un bateau. Evidemment, je m’y refuse. Il insiste ! Je m’emporte. Il me dit : « On ne fait pas une régate ! » Je réplique : « Ni une croisière gastronomique ! ». A croire qu’il n’a jamais posé les fesses sur un voilier, le bon zor ! J’ai su alors que la cohabitation allait être difficile. Je le regrette pour ce brave Philippe, complètement sous la coupe de l’autre, mais tellement soulagé d’être débarrassé de Michel.


Dans ce genre de mésentente, il y a forcément torts partagés ! Allez, j’en prends la majorité à mon compte, mais comment lutter contre un sentiment d’antipathie quand on le sent partagé. Et ce n’est pas sa façon de m’appeler obséquieusement : « Commandant ! » qui pouvait y  changer grand-chose ! Dans cette ambiance, les mets les plus raffinés avaient un goût de savon ! 


Un grand bonheur me gagne ! Fi de l'hypocrisie ! C’est comme l’amour, mais en négatif. Le coup de foudre parfumé de poudre à canon. Expérience à classer et oublier au rayon des souvenirs pitoyables. Si je pouvais continuer en solitaire, ce serait encore plus merveilleux.


Je rends visite à mes voisins, espagnols de Barcelone. Ils parlent anglais comme tout un chacun et comme les trois quarts de la planète, sans s’en vanter à tout bout de champ. Je les prie de m’excuser pour la réception plutôt ours mal léché de la veille. Accueil… réservé. Question : « Mais qui vous êtes, vous ? Vous ! - Je suis le skipper et propriétaire du bateau ! - C’est pas possible, il est en France ! Le vieux nous l’a dit hier ! - Alors venez à bord, je vous montrerai les papiers du bateau ! » Ils me croient alors et l’ambiance se détend.

C’est un couple charmant. Ils sont heureux et moi aussi. C'est l'occasion de baragouiner un peu d’espagnol. J’expose mes problèmes électriques. Ricardo se fait fort d’y remédier. En un tournemain, il te me déniche le mauvais contact sur le circuit panneau solaire, retend la courroie de l’alternateur et refixe le témoin de charge 12 volts mis en place par le Malais décrié.

Tout baigne sauf que, sur les conseils de mon fils Christian, je contrôle une par une les sept batteries de service en notant le voltage à vide et avec charge et je découvre effectivement trois batteries HS. Je m’en procure trois neuves, à un prix défiant toute concurrence. 




Recherche d’un équipier. Mails tous azimuts. Gilbert l’ancien est le premier de cordée. De Toulouse, mon fils aîné Franck se démène comme un beau diable, jour et nuit pour me dépanner. Un de ses amis, Jeff, entre en scène. J’ai alors une pensée pour un autre Gep, que j’aime beaucoup, avec qui nous faisions les marches traditionnelles du mercredi où je me faisais régulièrement enguirlander par le trop brave Christian par faute, avec mon invétérée impatience, d’attendre le groupe.


Gep, il me persécutait au golf : « Ne bouge pas ta tête quand tu putes ! - Et voila, tu as encore bougé ta tête ! » Comme ils me manquent, tous, ceux de la marche, du golf et les autres !

Jeff le Toulousain fera tout son possible pour me rejoindre à MASCATE (OMAN). Je confirme mon accord pour nous retrouver chez les Omanais. A ce stade des pourparlers, l’Iridium brusquement refuse tout service.

Les mails retours de confirmation restent dans la boîte. Je ne sais pas qui je vais trouver à Mascate. Ricardo accepte de m’accompagner jusque là, moyennant finance. Il est pas donné, le Castillan ! Entre temps, nous faisons le plein d’eau et de mazout. Une acrobatie comme on n'en fait plus ! Avec force jerricans et allers-retours d’annexe, pédibus jusqu’à la pompe. L’affaire prend la journée et ne rend pas la monnaie ! Je jette l’ancre près de "CYPSELA", le voilier de Ricardo.






Il faut regarder où poser le pied...

Pour atteindre la ville, il faut, en annexe, rejoindre une petite plage encombrée de détritus abondants, nauséabonds et variés où le sable à du mal à survivre sous les ordures. Il faut regarder où poser le pied, entre ce quadrillage rapproché de déjections. C’est un champ de mines qui n’explosent pas quand on y met le pied mais qui portent bonheur, paraît-il ! Le chenil ne doit pas être loin.




LE BAC POUR TRAVERSER LA RIVIÈRE

De là, il faut rejoindre à pied le ferry gratuit qui traverse la rivière par navettes incessantes. Un matin, je débarque précautionneusement sur ladite plage. A dix mètres de moi, un homme s’avance. Au bord de l’eau, il baisse son froc et sans hésitation ni pudeur fait ses besoins solides et nauséabonds. Puis il se lève. Marche jusqu’à l’eau, le pantalon au genou. Se baisse à nouveau et se lave les fesses d’une main négligente.


Je comprends alors que les braves toutous n’y sont pour rien. Cette plage semble être des toilettes publiques, gratuites et en plein-air. Bonjour l’hygiène ! Pauvre pays ! Et encore, nous sommes à GOA, la perle des Indes. Ancien comptoir portugais, dont la ville a gardé le charme de son architecture coloniale. Le centre-ville est propre et bien entretenu. Il ne faut pas s’en écarter.




Le vendredi 21, j’entreprends les formalités pour obtenir les clearance, immigration, port et douane. J’obtiens celles de l’immigration, moyennant de « faire une lettre », rapidement. A peine la matinée ! Au tour du port, maintenant. On m’envoie aux douanes, qui me demandent aussi de « faire une lettre ». Je m’exécute sous la dictée. Retour au port. Attente : le commandant est en "meeting". 17 heures, il me reçoit, visiblement énervé. Il m’envoie sur les roses, gentiment, avec ce mouvement caractéristique de la tête et du cou qui veux dire ni oui ni non et qui permet toutes les interprétations. Revenez lundi 10 heures. Il n’y a plus rien à voir ! Je me sens pris en otage par cette administration pointilleuse, tatillonne et à cheval sur des prérogatives héritées d’un colonialisme qui n’a pas laissé que ses bons côtés, ici comme ailleurs.


LE BAC A L'EMBARQUEMENT

Lundi 10 heures, je m’installe dans les bureaux du port, où j’ai maintenant mes entrées et ma place réservée. J’ai apporté un bouquin pour tuer... le temps, faute de mieux, suivez mon regard ! « Pour qui sonne le glas ! » C’est de circonstance ! On me demande de récupérer copie du courrier que j’ai fait à l’immigration. Ça me paraît mission impossible ! Refus à peine poli du service en question. Le temps passe. Je commence à ruer dans les brancards et menace d’appeler l’ambassade de France. Entre nous, je ne crois pas qu’il y en ait une dans toute la province de PANADJI, mais peut-être à MUMBAI (Bombay).

Il faut encore « faire une lettre ». Je m’exécute sous la dictée. Pour faire bonne mesure, ils en font une à l’immigration, tapée avec deux doigts sur une vieille Remington. J’emporte les deux missives, avec consigne de rapporter la copie signée. Je commence à me demander si on n'est pas en train de me chercher des poux ! Un jeune qui semble naviguer entre ces trois services et auquel j’expose mon problème me demande abruptement : « Ils vous ont demandé de l’argent ? - Non ! - C’est ça qu’ils veulent ! » L’immigration signe le double et promet une réponse imminente.


Mardi matin 10 heures, je suis à mon poste avec toujours « Pour qui sonne le glas ! » déjà bien avancé. Le temps passe. A midi, toujours pas de réponse. Je vais en éclaireur. « J’envoie la réponse tout de suite ! » m’assure la brave chef de bureau. « Vous ne pouvez pas me la donner, ça fera gagner du temps ? - Non, elle doit partir par courrier officiel ! » En fait de courrier officiel, un planton comme moi ! A 14 heures, le courrier arrive enfin. Je le suis à la trace. Je crois qu’ils en ont marre, de me voir roder dans tous les coins.

En 15 minutes, tampons et signatures sont apposés sur l'honni formulaire. Cap sur la douane, dernière étape. Je fonce. Je connais, l’arrêt et le numéro du bus, le prix : 3 roupies (7 cfp). J’arrive essoufflé d’avoir monté les sept étages au pas de charge. L’ascenseur est bien trop lent. Il est fait pour des Indiens. L’homme de l’art, rond de partout, le regard accusateur, me déclare droit dans les yeux, sans sourire : « Si vous voulez votre clearance maintenant, il faut me donner de l’argent ! » J’entre en fureur, j’élève fortement la voix, j’explose.


Je réalise alors que ce n’est peut-être pas la bonne solution. Finale-ment si. Il cherche à me calmer, craint le scandale, tout en insistant gentiment, avec un sourire cette fois. Je reste ferme et rapidement je sors avec le dernier foutu papier libérateur. A noter que j’aurais pu trafiquer des tonnes d’armes ou de drogues, personne ne s’en est inquiété ! 

A 16 heures, je lève l’ancre, seul, libre et heureux de quitter cette escale sale et amorale.

Je me suis bien gardé d'annoncer à ma moitié que je ferai le parcours en solitaire. Ricardo me demandait un dollar US du mille. Et pas des milles atrophiés ! Des mendiants, qui n'ont pas assez de souffle pour supporter deux L ! Non, des vrais, de ceux qui n'en finissent pas. 1.200 milles à couvrir, ce n'était pas donné pour simplement une aide à la veille. Ensuite il a précisé, un dollar par mille parcouru. C'est à dire que si le vent venait à nous imposer des bords interminables, la facture risquait de s'allonger tel le nez de Pinocchio. Ensuite il ajouta subtilement la prise en charge des vols retour Mascat, Mumbaï, Goa. Puis vint la cerise sur le gâteau : les frais d'hébergement et de restauration! C'était la goutte de vin qui faisait bouillir l'igname. Je n'ai rien dit mais j'ai filé à l'espagnole vers des cieux moins douloureux.


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