mercredi 12 octobre 2005

SULTANAT D'OMAN - DÉLICATE MASCATE


SULTANAT D'OMAN  

DÉLICATE MASCATE 


Cet article commence à GOA, Inde
Le 15 octobre 2005
Mes coéquipiers se sont enfuis, croisière en solitaire, puis Gilbert GAMBARDELLA, Jean-François PADOVANI dit Jeff.

Drapeau animé d'Oman par Pascal Gross


(Photo du net)

Le feu aux fesses, je suis pressé de fuir GOA, ses latrines à ciel ouvert, ses fonctionnaires filous et ses poubelles flottantes. L’annexe dégonflée attachée sur le pont, l’ancre à poste, le cap pointe sur Oman. Nuit constellée d’étoiles au firmament et des lueurs de multiples cargos sur la mer. Vigilance incessante. Je campe dans le cockpit. La veille, rythmée par le tumulte d’un minuscule réveil et hachée par les errements des navires, devient vite un enfer.



Quand les lueurs de Goa se sont éteintes sur l'arrière et que Pamplemousse a mis de l'eau entre la meute de cargos et sa poupe, le calme s'est installé à bord. Je maintiens une présence jour et nuit dans le cockpit. Le carré n'est utilisé que pour de rares instants. Préparer un casse-croute. Contrôler le moteur. S'armer d'un gin-tonic à l'heure de l'apéritif.

 

Dès le lendemain, intervient un gros pépin. L’alternateur 24 volts n’alterne plus. Résultat, plus de radar, plus de feux de position. Plus non plus le doublement-cher Iridium mais cela, depuis bien avant le départ et c’est aussi tout une histoire. Donc plus d'Iridium, plus de météo. C'est pas grave, il fait beau, soleil éclatant et ciel étoilé se succèdent... Un vent régulier de près bon plein de 15/20 nœuds. C'est du rêve.



L’enfer qui couvait s’enflamme en arrivant vers le rail qui gère la circulation des cargos à l’approche du GOLFE D'OMAN. La saga des pétroliers commence à donner de la voix. Le petit réveil est remis à contribution. Plus je me rapproche de MASCATE, plus la meute se multiplie, comme les petits pains au chocolat sur la berge du lac de Tibériade.


A tel point qu’une nuit, la clarté d’un cargo encore très loin m’oblige à faire attendre un sommeil pourtant pressant. Je m’installe confortablement pour prendre soin de son azimut. S’il reste constant, cela indique des routes convergentes de collision. Las ! et las je suis, la veille devient sommeil. Je tombe dans un coma profond. L’instinct de survie, peut-être, me réveille quand l’étrave du maudit cargo me chatouille les narines. Coup de sang et coup de barre à 90°. Un bruit sourd me poursuit. Je ne fais pas la différence entre le ronronnement des moteurs du maudit et les battements d'un cœur en déroute. Les caddies flottants viennent dans tous les sens. J'ai la tête comme une citrouille. Je tiens à fortes doses d’Efferalgan.


Arrivée épuisé, à l’aube du dernier jour. La première impression, nostalgie oblige, devant ces montagnes à peine éveillées, colorées à souhait, emmène mon esprit vagabond vers le canal Woodin.


OMAN COFFEE TIME

C’est un rêve. Impression vite effacée tant les collines sont arides et l’orangé dominant singulier. Les autorités me laissent errer au milieu de l’activité fébrile du port. Pressé de poser l’ancre ou l’amarre quelque-part, je mouille, sans attendre leur feu vert, prés d’un (autre) magnifique voilier. 



Enfin, je suis autorisé à jeter les amarres devant un patrouilleur français, le « La Fayette », me voici, assis d’abattement, attendant l’agent. Il faut toujours un agent à qui l’on donne mécontent son argent. Enfin, la marina. Flambant neuve sur une eau cristalline où pullulent poissons et tortues. Un aquarium en liberté.


Chaque matin, les pêcheurs font leurs appâts à grands coups d’épervier en tirant des bords entre les wharfs. Eau, électricité, mazout, atelier disponibles mais hors de prix. Autre inconvénient : l'isolement. Je reçois la visite de Philippe, propriétaire du voilier mouillé dans le port. Epoux de l’ambassadrice d’Italie, il a construit son dix-huit mètres en fibre de verre de proue en poupe, avec la seule aide d’un ouvrier.


Vieille Mascate de nuit

Un travail herculéen, une grande aventure, dont il s'est très bien tiré. Il m’invite à dîner chez lui. Je suis estomaqué par la taille de sa demeure, presque un château. Des pièces innombrables. J’y suis allé quinze fois aux toilettes, jamais dans les mêmes. Décoration de bon goût où les antiquités drainées au fil des nombreux périples du couple voisinent sans choquer avec des peintures modernes aux couleurs vives. Ils sont passés par Nouméa et ô surprise ! connaissent ma famille, dont le vieux tonton Soury-Lavergne aux compétences et connaissances aussi étendues et variées que sa verve. 


Je ne tarde pas à quitter la marina pour une baie voisine au mouillage forain gratuit et pas cher. Le cadre est splendide mais la plage trop fréquentée me contraint à laisser l’annexe au bateau de peur de la voir endommager. Contrepartie : faire des allers-retours à la nage.


Les soirées et dîners chez Philippe, service en gants blancs par une ribambelle de domestiques où j’use et abuse de l’Internet se terminent fort tard. Se mettre alors à l’eau souvent aux alentours de minuit fait passer le goût de la grappa directement importée d’Italie. 



Abri du soleil sur la corniche

Je fais les provisions au supermarché. Choix complet et difficile. L’arabe n’est pas ma langue natale ! Le grand choix pallie cette carence. Au rayon des plats cuisinés, j’entre incidemment en conversation avec un jeune Omanais en tenue traditionnelle, blanche, immaculée, coiffé de la non moins traditionnelle koma aux motifs variés. Son visage émacié supporte un nez à la Iznogood, la sévérité en moins. On bavarde jusqu’à la caisse où on décide de se revoir. Il travaille aux Affaires extérieures, parle le français, l’anglais et l’espagnol, possède une culture étendue et un humour étonnant. Omanais typique, heureux de vivre, accueillant, souriant. Je dis combien j’apprécie Mascate, sa propreté, la gentillesse des gens, la sécurité totale, l’absence de graffitis.


Il ne sait pas même ce que veux dire ce mot. Son discours me surprend par son ouverture et sa profonde tolérance. La politique, la religion, les femmes, tout y passe. Nous refaisons le monde. Il fait les louanges du sultan Qabus qui, à mon goût, développe un peu trop le culte de sa personnalité, à voir ses portraits qui ornent chaque carrefour et même chaque lampadaire, et Dieu sait s’il y en a, qui parsèment les nombreuses autoroutes parfaitement entretenues.

Qabus ibn Said
(Photo du net ; j'avais oublié mon kodak 
quand le sultan m'a reçu)
Qabus ibn Said (قابوس بن سعيد ال بو سعيد en arabe), né le 18 novembre 1940, est le sultan d'Oman depuis le 23 juillet 1970Descendant de la dynastie Al Bu Sa’id au pouvoir depuis 1744, fils du Sultan Saïd ibn Taymur, Qabus a connu une enfance solitaire et austère, interdit d’aller à la plage, de participer à des jeux, ou de parler avec ses précepteurs de questions étrangères à ses études. À l’âge de 16 ans, il est envoyé en Angleterre pendant 5 ans, dans l’Académie privée de Bury St Edmunds, dans le Suffolk, où il devient un cavalier émérite et un grand amateur de musique classique. À sa sortie de l'Académie royale militaire de Sandhurst en 1962, il sert pendant un an dans l’armée britannique en Allemagne. Après un grand tour du monde, il est rappelé en 1965 par son père qui le maintient en quasi détention. Le 23 juillet 1970, Qabus ibn Said renverse son père Saïd ibn Taymur lors d'une révolution de palais. (Wikipedia)

Il a une excuse. Le 18, c’est une grande fête nationale à l’occasion de ses trente-cinq ans de prise de pouvoir. Hors cette réserve, il faut reconnaître qu’il a fait de Mascate une ville où il fait bon vivre, où l’argent du pétrole ne semble pas jeté par les fenêtres. Chacun s’accorde à vanter son charme et sa culture étendue. Zahran est curieux de visiter Pamplemousse. Il arrive avec un compagnon, Nasser, aussi joyeux et fantasque. Ils sont en tenue traditionnelle. Pas très pratique pour affronter le ressac et l’embarquement dans l’annexe. Ils se mettent en tête de contacter un journaliste pour faire un article sur Pamplemousse. Nous nous retrouvons tous dans un restaurant indien où il faut manger avec les couverts naturels. Le reporter arrive flanqué de son photographe, et me voilà  vedette locale.


A Mascate, les femmes sont en uniforme d’un triste noir, mais la féminité ruse en y ajoutant discrets bijoux, un rien de maquillage ou le luxe d’un tissu seyant. Il existe un golf à Mascate. Je m’y précipite et contacte son aimable responsable. J’embarque matériel et tenue dans l’annexe et me voilà un beau matin sur le terrain. On m’a confié un petit tapis. Pas un tapis volant, sauf à taper comme un sourd, il a tendance alors au vol plané, loin devant la balle.

Il n’y a pas de bunker, où plutôt le fairway est un immense bunker agrémenté de nombreux cailloux, d’où la nécessité du petit tapis voyageur. Les greens sont des browns. Ils sont de sable tassé, arrosé d’huile de vidange. Amusant, si ce n’est l’impression de puter dans un atelier mécanique négligé !


Mes deux équipiers arrivent le 17. En fait, ils arriveront le lendemain. Comme souvent je me suis planté dans la date ! J’accueille avec enthousiasme cette vieille connaissance de Pamplemousse, Gilbert Gambardella. Il est accompagné de Jean-François Padovani, dit Jeff, originaire de Toulon, corse et barbu jusqu’au bout des doigts, jovial et planté façon Obélix.

MASCATE: coucher
de soleil sur la mosquée.
Je leur fais visiter la ville. Ils sont comme moi épatés par la beauté des paysages, la richesse ambiante, la joie de vivre et la gentillesse des Omanais. Gilbert, malgré ses cinquante-cinq heures passées en vols et attentes de correspondances, tient la secousse. Jeff fait chauffer à blanc son numérique tout neuf. On n’a pas le droit de s’attarder. L’appel du large et de la mer Rouge nous talonne. Il faut rendre la voiture. Mon ami Zahran se propose de nous récupérer chez le loueur et de nous emmener au bateau. Ça fait un bon trente kilomètres. Tout en roulant, il nous en sort une bonne : « Savez-vous quelle est la différence entre un spermatozoïde et un Mexicain ? » nous demande-t-il. « Il n'y en a aucune : sur un million, y’en a qu’un qui travaille! »



Je veux lui donner mes derniers rials dont je n’ai plus l'utilité. Refus ferme et poli. Départ précipité avant la nuit. Zahran reste sur la plage pour un dernier salut. La tristesse est grande de quitter ces amis formidables, cette population si sympathique, cette ville aux multiples attraits où nous nous sentions comme des poissons dans l’eau. McArthur le disait déjà, « I shall come back » mais moi, certainement pas pour y faire la guerre.


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