mercredi 15 décembre 2004

UNE VAGUE À L’ÂME par PATRICIA (Pat)




UNE VAGUE À L'ÂME
Par PATRICIA


Extraits du Manuscrit « Une Vague à l’Âme » de Pat B.D.M, équipière sur Pamplemousse : Ils sont partis le 20 mai 2000 pour Tahiti? en passant par le Nord. A bord : Philippe, le skipper, et trois « hommes » d’équipage : Pat, Erick et Pierre.


La cuisine de Pamplemousse

« Nous attaquons notre septième jour de mer. Le ciel est bien dégagé, je suis à nouveau en pleine forme. Jusqu’à présent je pense avoir honoré mon contrat, l’équipage mange à sa faim et de bonnes choses. Je varie tous les jours le menu. Il est vrai que c’est souvent assez périlleux, et qu’un geste habituel devient une prouesse. Bien que le bateau soit équipé d’un four à crémaillère, je suis obligée de tenir de la main et du coin de l’oeil la poêle, la casserole ou la cocotte. Pas moyen de faire dix choses à la fois comme j’en ai l’habitude. C’est bien, ça calme ! Pizzas, quiches, gratins, gâteaux, c’est un plaisir –  ils aiment tout !

Nouvelle frayeur ! Pierre s’est aperçu que la vanne de notre cabinet de toilette suintait. Après vérification, il s’avère que le passe-coq
ue, déjà endommagé par le passé, a seulement été recollé à la va vite et qu’il ne tient que par miracle. Pierre me fait une petite démonstration : il mobilise un peu le flexible reliant le lavabo, et l’eau s’engouffre en un jet magnifique d’un bleu translucide. J’ai l’impression de voir les entrailles de la mer. Fascinant ! et inquiétant : le danger est imminent et il faut réparer le plus vite possible. 


Philippe décide d’aller voir sous la coque et de mettre une pinoche par l’extérieur. Il ne fait pas encore nuit et la mer est relativement calme. On affale tout. Notre capitaine s’équipe et plonge. La houle le jette contre la coque et ce n’est qu’au troisième essai qu’il réussit à enfoncer le cylindre de bois dans le passe-coque. 


Ouf ! espérons que cela tiendra jusqu’à Suva. Là-bas on pourra mettre le bateau à sec pour une réparation plus sérieuse. Philippe a pris son bain par plus de trois mille mètres de fond, et il nous a avoué, après coup, ne pas avoir été très rassuré. Il paraît qu’il y a pas mal de requins dans le coin.

Je suis la première à apercevoir les côtes vers 6 h du matin. Quelle impression magique ! Je pense à ces hommes découvreurs qui, sans cartes, après plusieurs semaines, plusieurs mois, voire des années, apercevaient une terre. Frissons, émotion. Terre ! terre !
 

KANDAVU à tribord
(Photo du net)

A tribord Kandavu, nous poursuivons notre route vers l’île Vita Levu et plus précisément sa capitale, Suva. Nous pensions pouvoir y parvenir aujourd’hui dimanche, mais ce ne sera que pour demain, il nous reste 45 milles à parcourir. Ce ne serait pas raisonnable de rentrer de nuit dans un port que nous ne connaissons pas. Nuit paisible à la cape.


Dès le lever du jour nous sommes aux aguets sur le pont, jumelles à la main. Nous ne voyons aucun bateau à l’horizon, alors que nous nous rapprochons des côtes, cela nous semble bien étrange ! De plus, nous n’arrivons plus à établir la liaison avec Bob, notre relais radio en Nouvelle-Calédonie. Difficile de savoir si tout est rentré dans l’ordre à Fidji ou si nous allons arriver en pleine guerre civile. 


Philippe est perplexe ! Plus nous avançons vers notre but, plus nous le sentons inquiet. L’entrée dans le port n’est pas très bien balisée. Nous essayons à plusieurs reprises de contacter « Port autority of Suva » - sans aucun succès. Il n’y a pas la moindre activité dans le port, pas une voile gonflée par le vent, pas un moteur. A cinq cents mètres de l’arrivée, Philippe propose de rebrousser chemin !

Le port de Suva
(Photo du net)

Je n’en crois pas mes oreilles, nous sommes si près. Erick lui fait alors justement remarquer qu’il y a plusieurs bateaux au mouillage et qu’ils ont tous le pavillon jaune des visiteurs. Nous décidons d’aller rencontrer l’équipage du voilier le plus proche. Une Américaine nous répond courtoisement et sans plus de précisions que ce dimanche est particulier et que nous en saurons plus demain, en allant faire les formalités. Ouf, il n’est plus question de zapper Suva. Nous nous mettons au mouillage et décidons d’attendre patiemment, comme les autres. C’est l’occasion de mettre un peu d’ordre et de faire quelques réparations. 


Pendant que Philippe monte au mât, Erick et Paul commencent à recoudre la grand-voile au niveau des prises de ris. Nous prenons une vraie douche sur la jupe arrière, sans harnais et sans rationnement d’eau douce. Quel plaisir ! Nous sommes partis avec deux mille litres d’eau dans les cales, il en reste plus des trois quarts – les consignes ont été respectées. Il faut dire que notre capitaine, colonel en retraite, d’un naturel très anxieux, ne laisse rien au hasard. Sa prévoyance, à notre avis, est souvent un peu excessive.



.......... Nous allons mettre pied à terre, retrouver la civilisation. Je garde l’annexe à quai et bavarde avec quelques Américaines qui elles aussi sont de faction. J’apprends que le couvre-feu est établi depuis plusieurs jours. A partir de 20 heures plus personne dans les rues, interdiction de circuler, pas de restau, de ciné, de boîte de nuit – rien !


J’attends Philippe assez longtemps, plusieurs heures, les formalités sont très compliquées et la crise que traverse le pays n’arrange pas les choses. Nous voyons quelques militaires armés jusqu’aux dents, mais il n’y a aucun danger, paraît-il, à circuler en ville. 

(Photo du net)

Je m’avance faire quelques pas vers un hangar où il y a effervescence. J’ai toujours notre annexe en vue quand tout à coup tout le monde se met à courir dans tous les sens. 

Des hommes armés sortent des abords du quai, je sens une main m’agripper fermement et m’attirer à l’intérieur du hangar. Je comprends aussitôt qu’il y a danger et que ce geste est pour me protéger. Nous restons un bon moment sans bouger, l’homme et moi, et d’autres personnes qui comme nous n’osent même plus respirer. De notre place, nous apercevons les mouvements de l’extérieur. En fait, ces militaires sont là pour surveiller le déchargement d’artillerie lourde sur le quai et veillent à ce que l’ennemi...


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