samedi 21 avril 2007

DE BODRUM À BRINDISI VIA LES ILES GRECQUES ET LE CANAL DE CORINTHE


DE BODRUM À BRINDISI 
 VIA LES ILES GRECQUES 
ET LE CANAL DE CORINTHE



Cet article commence à BODRUM, Turquie
Le 2 avril 2007
Mes coéquipiers sont Jean-Claude HIREL, Sylvie et Jean-Paul MACAUD

Drapeau animé de Turquie par Pascal Gross

Le 21 avril, j’arrive à Bodrum à une heure impossible : retard d’avion, bagage en vadrouille, taxi carentiel, marina au bout de la nuit et clé du bateau introuvable. Mais rien n’entame l’émotion de retrouver mon fidèle Pamplemousse. Il s’est fait bichonner, pendant ces mois de solitude. Il me paraît plus beau que jamais.


Je l’aime, ce tas de ferraille. Il est encore en chantier. Le carré a des allures de rue de Rennes après l’attentat. Malgré l’heure tardive, ou matinale c’est selon, je déballe, range, installe démonte, remonte, jusqu’à ce que le sommeil me terrasse. Pas pour longtemps. Le bleu du ciel m’excite à nouveau. Les jours sont déjà longs, en avril. 



BODRUM, anciennement HALICARNASSE, compte 90.000 habitants en hiver et 500.000 en été. Station touristique huppée prisée par la grande-bourgeoisie d’Istanbul, c’est le Saint-Tropez de la Turquie. Le roi Mausole y fit édifier son somptueux tombeau, qui était considéré comme l’une des sept merveilles de l’antiquité et qui est à l’origine du mot « mausolée ».



BODRUM, la marina.


Les jours suivants sont fébriles. Pamplemousse grouille de la présence quasi permanente des équipes de menuisiers, mécaniciens, peintres, chaudronniers. J’en compte jusqu’à sept à se bousculer dans le carré, qui centralise le plus gros de l’activité. Je bouscule moi aussi jusqu’à la brave Julie, la chef de chantier, qui n’en peut plus des rajouts de travaux que je lui impose. Le temps passe vite et le jour arrive où je dois accueillir mon futur équipier et disputer avec lui une compétition sur trois des plus beaux parcours de golf européens : Pacha, Sultan et National golf. 


Je le connais peu, ce monsieur Jean-Claude Hirel. PDG d’Enercal, Inspecteur Général des Finances, Chargé de mission des hôpitaux de Paris, etc. Tout un chacun s’accorde à dire qu’il est très simple et qu’il se met à la portée de tous. Avec cet ignare de skipper, il va lui falloir faire de la spéléo pour se mettre à niveau ! A mesurer cette carrière imposante, je n’en mène pas large, mais c’est pour moi un grand honneur. Comment ne pas être ridicule. Un péquenot va se frotter à une sommité qui côtoie et tutoie des ministres, est reçu avec déférence par des chefs d’états. J’en suis malade.


BODRUM, le château.

Il me met vite à l’aise. « Il faut que tu me tutoies !, c’est presque un ordre - Ça va pas être facile, mais je vais essayer ! » Ce fut un jeu d’enfant. Tout le mérite lui en revient : simplicité, cordialité, humour, gentillesse, facilitent bien les choses.


Une compétition sur ces magnifiques parcours de golf est une grande expérience pour le piètre joueur que je suis. Dommage qu’elle ait été perturbée par une partenaire époustouflante d’antipathie. Carmen, pour ne pas la nommer, fait tout pour être désagréable. C’est égal, elle laissera un souvenir indélébile.


J’appréhende de ramener mon équipier dans mon bateau encore en chantier. Les Turcs ont beau avoir promis de tout finir avant mon retour, je sais par expérience qu’ils ne savent pas dire non. C'est le revers de leur immense gentillesse.


Retour à la marina de BODRUM

Retour sur Bodrum, donc, par la route en corniche, plus longue mais tellement plus spectaculaire. Elle offre des points de vue inoubliables sur des criques aux eaux claires et au sable blanc, des petites marinas bordées de pittoresques villages.


C’est toujours le chantier sur Pamplemousse. Nous mettons la main à la pâte. Jean-Claude est d'une aide précieuse. Il sait tout faire. S’intéresse à tout. Répare tout. C’est le roi des bricoleurs, dans le sens noble du terme.


Ce n’est que le 4 mai, avec plusieurs jours de retard, qu’un Pamplemousse tout beau est remis à l’eau. L’opération est longue. Il faut déplacer une ribambelle de voiliers qui font barrage. A flot, il reste à mettre en place l’étai. Dans cette darse turbulente, nous sommes malhabiles pour mener à bien cette opération, si bien que, faute d’y parvenir, nous nous apprêtons à y attendre le lever du jour et une mer plus indulgente. Mais le chariot élévateur s’avance avec un autre voilier à débarquer. Pousse-toi d’là que j’m’y mette ! Mais pas question de larguer les amarres avec ce vent et un étai fixé au balcon avant. Pamplemousse fait de la résistance. Comme par hasard, rapidement, deux techniciens du chantier prennent l’affaire en main. L’opération est dès lors rapidement menée.


Je regarde disparaître cette Turquie si attachante. Je l’ai arpentée de long en large. Je n’y ai jamais trouvé que sympathie, amitié, chaleur humaine. Y reviendrai-je un jour ? C’est mon souhait le plus cher. Pour tout dire, j'avais laissé la clé du bateau en toute confiance pour que le chantier puisse procéder aux travaux que je leur avais commandés. Il ne m'a pas manqué une boite d'allumettes et les travaux ont été terminés dans le temps prévu.


ASTYPALAIA

ASTYPALAIA, l’île papillon vu sa forme, est à 57 milles dans l’étrave. C’est bon de respirer l’air du large. Le détecteur d’émissions radar fraîchement installé mérite bien son nom de "MER VEILLE". Rapidement, il nous casse les oreilles, tant rodent les cargos maudits et donc les émissions, dans les environs. Il est vite mis en veille-euse. Au lever du jour le papillon se dessine et nous embouquons l’étroit passage qui mène au cœur de ce lépidoptère de pierres et de garrigue clairsemée. Le passage conduit à une large baie intérieure, calme et idéale pour une dernière opération : endrailler le génois. Le fond remonte au-delà du raisonnable. Demi-tour, à regret, quand un pêcheur sur le retour nous fait signe de le suivre. 


Une fois le génois en place, Jean-Claude se baigne, dans une eau qui me glace rien qu'à la regarder. « Ça fouette le sang ! » me dit-il. Je le crois sur parole à le voir remonter bleu comme un roquefort. Deux villages de pêcheurs-agriculteurs survivent dans le fond des baies creusées dans les plis des ailes du papillon.

Aux aurores colorées de rose, cap sur SANTORINI, à 54 milles. Au près serré, nous faisons l’objectif en un bord. Arrivée cool vers les 16 heures 30. Il n’y a pas de marina, ni même de petites bouées pour les croisiéristes. Le mouillage sur ancre est quasiment impossible avec ce fond qui plonge à l’infini de l'ATLANTIDE dès à quelques mètres du bord. 


SANTORIN ou THIRA : L’archipel le plus méridional des Cyclades a une superficie de 76 km2. Il abrite une bonne dizaine de milliers d’habitants. C’est le centre volcanique le plus actif de la mer Egée. Entre 1650 et 1598 avant J.C. une terrible éruption volcanique modifia complètement la topographie de l’île et provoqua l’évacuation de tous ses habitants. Platon attribua à cette catastrophe la disparition de l’Atlantide.


Il faut s’accrocher sur un immense coffre. L’opération est acrobatique. Nous doublons les amarres car le vent qui tombe du haut des falaises est tourbillonnant. Pamplemousse tourne autour de son coffre comme un cheval sauvage dans un manège. L’annexe est montée, gonflée, mise à l’eau en un éclair. A l’attaque de Santorin. Ascension en téléphérique.


SANTORIN
(Photo du net)

Zigzags dans les ruelles commerçantes, bruyantes de touristes multinationaux. Jean-Claude recherche une galerie d’art. Pas n’importe laquelle, celle qu’il a découverte au cours d’une précédente visite il y a deux ans passés. Les souvenirs s’émoussent ou la galerie a déménagé. Introuvable. On échoue dans un petit restaurant bien sympathique. Nous y apprenons la victoire de Sarkozy. No comment ! Retour sur notre hôtel flottant pour constater qu’il remonte constamment sur ses aussières pour venir se frotter amoureusement au coffre, qui lui laisse des traces sur sa belle peinture turque. Au petit matin, Jean-Claude décide de s’informer sur les possibilités de mouillage. Il manie l’annexe comme un vieux loup de mer.


Il ne lui manque que la pipe pour ressembler à Popeye. Il revient avec une super information. Une petite marina se cache de l’autre côté de l’île à une quinzaine de milles de là. Nous longeons la côte, pas toujours accore. Des hauts-fonds quelquefois affolent le sonar. Santorin qui défile sous nos yeux offre un spectacle saisissant. La marina s’avère être plus un port de pêche qu’un abri pour navires de plaisance. L’entrée est partiellement ensablée. Aux signes que nous fait un indigène, nous comprenons qu’il faut raser la jetée pour éviter de s’échouer. Je ne rase pas suffisamment. N'est pas barbier qui veut ! La barbe, on talonne ! Le marnage est insignifiant, en Méditerranée.


Pas de risque de voir Pamplemousse tirer au flanc sur le sable comme à Fraser Island. La manette des gaz sur les quatre-vingt-trois chevaux du Perkins nous tire de ce mauvais pas. On nous place en bout de wharf. Pas facile de s’y caser, pas commode et pas confortable, à cause des bateaux de pêche qui font tourner la sauce tartare avec leurs allées et venues incessantes !


Jean-Claude sur son quad
(Photo non contractuelle)

Jean-Claude veut louer un quad. Monture inconfortable au possible. J’ai les os tout embrouillaminés, à me faire cahoter de tous côtés. Frayeur : les ruelles santoriniennes sont si biscornues que nous ne retrouvons plus où nous avons garé la rebelle monture. L’aventure quad se termine la nuit bien entamée, les deux compères complètement épuisés, le dîner escamoté, la couchette seule désirée.


8 mai. Ce soir, arrivée de renforts. Jean-Paul et Sylvie Macaud prennent l’avion à Paris pour une mission spéciale. Ils ne sauteront pas en parachute mais ils devraient. Leur arrivée serait plus rapide et moins aléatoire. Je suis le point de départ de cette hallucinante course poursuite après des équipiers qui se font attendre. Je n’ai pas relevé les références de leur vol et c’est au pif que nous essayons de trouver le bon vol.


Sic ! (Photo du net)

Il y en a des tas en provenance de Paris, directs ou pas directs. Et s’ils étaient passés par Hambourg, ou par Genève, ou par Milan, ou par Athènes. Nous les faisons tous. Finalement ils débarquent d’un vol non programmé, à une heure plutôt propice au p’tit-déj. Pour honorer nos équipiers, nous changeons de monture. Jean-Claude est déçu. Il tenait à son quad mais, à quatre plus les bagages ça aurait fait rame de métro un jour de grève des trains.


Santorin est prospectée sous tous ses aspects. Par bonheur, Sylvie n’est pas trop « shopping ». Le départ est programmé pour le 10 mai au matin, après une longue conférence tenue dans les salons de Pamplemousse et dirigée par maître Jean-Claude. Il expose brillamment les raisons du choix d’IOS comme étape d’initiation pour la bleusaille. La réunion est suivie d’un dîner hors pair où Jean-Paul fait montre de ses talents en cuisinant deux langoustes thermidor qui ont bien terminé ce trop court séjour sur l’île de Thira.


Au préalable, il faut faire le plein d’eau. Le réservoir de 1.600 litres a dû être vidé car pollué à Bodrum par un produit américain antiseptique sensé purifier l’eau. J’ai dû forcer la dose, avec pour résultat un goût médicamenteux horrible.


Malchance, ce matin, l’approvisionnement est coupé et ne sera rétabli que demain, aux dires des pêcheurs qui cassent placidement les pierres volcaniques prises dans leur filet.

Sans eau et sans reproche, les Bayard de la mer affrontent un vent de force 7 dans une mer creuse comme l’estomac de Sylvie, qui n’en finit plus de se vider. 25 milles, ce n’est pourtant pas la mer à boire, mais suffisant pour faire pâlir les visages et regretter le calme du mouillage.


IOS, Manganari bay.

IOS nous délivre de cet enfer.

IOS, petite île des CYCLADES, à 111 milles du PIREE. Elle ne fait que 17km de long sur 7.5 de large mais culmine à 713m. Selon la tradition, Homère y serait mort et enterré. Au début du XVIème siècle, elle passa en dot à la famille vénitienne des Pisani. Un nom de référence pour les Calédoniens ! En 1537, elle fut conquise par Barberousse pour le compte de l’Empire ottoman.


IOS, bateau de pêche.

Opération d’urgence : faire le plein d’eau. Nous dînons à la terrasse d’un petit restaurant à cinquante mètres du bateau. 


Au petit matin, affolement : Jean-Claude a oublié sa belle casquette au restaurant. Il y tient, à sa casquette, mais le restaurant est fermé. On a beau chercher sous les tables en terrasse, pas de casquette. Il faut partir avant que le vent ne s’acharne sur nos têtes. 

Jean-Claude s’installe à la table à cartes pour faire la route sur PAROS et y découvre… sa casquette, sagement rangée sur le portable ! 


20 milles à courir. Ce devrait être une balade de santé, or le vent s’acharne et monte jusqu’à force 8, pile dans l’axe. Avec grand-voile et Perkins à 1.500 tours, ça remue les tripes. Même le cuisinier rechigne et pâlit. Du coup, en guise de langouste à l’armoricaine, on a droit au sandwich jambon-beurre, que je badigeonne au ketchup pour en relever le goût. J’ai droit à la grimace de Sylvie, écœurée de ce signe évident de malbouffe. 




PAROS, PARIKIA, église.


La mer très forte nous secoue pendant un paquet d’heures, jusqu’à ce que nous approchions des côtes sud, mieux abritées. Il faut embouquer l’étroit et peu profond chenal qui sépare Paros d’Antiparos et qui mène à l’abri de la ville. Le fond remonte jusqu’à ne plus laisser que quarante centimètres sous la quille. Petite frayeur sans conséquence. Mouillage forain dans la baie tranquille. Annexe à l’eau.


L’équipe au complet s’engage dans les rues de Paros. C’est la troisième île des Cyclades par sa superficie. Elle doit sa richesse à son marbre de qualité. Nous visitons l’église de la Vierge aux cent portes. Pour trouver la bonne sortie, il faut être devin, ou divin, à la rigueur.



Dans les rues de PAROS

En totalisant portes, fenêtres, soupiraux et autres lucarnes, le compte n’y est pas. Encore un attrape-touristes. Le retour en annexe contre un vent gelé et des embruns vicieux nous fait doublement apprécier le champagne et les toasts au foie gras façon Jean-Paul. 

Depuis Santorin nous avons un problème de pompe de toilettes. On a beau démonter, remonter, redémonter, rien n’y fait. Il faut mettre tous nos espoirs dans la prochaine escale, à Syros, où Denis Kyriasis, Franco-Grec copain-cousin de notre amie Ariel patronne une entreprise d’entretien et de location de voiliers. J’ai fait expédier ma BLU toute neuve à son adresse, pour éviter de repayer des droits de douane en Turquie. Nous comptons sur lui pour résoudre ce problème.


Cette fois, le départ est extraordinairement matinal : 8 heures 12. Record absolu. 22 milles à courir, c’est cool. Le vent se fait plus discret et nous autorise un cap presque direct sur Syros. Il faut seulement tirer quelques bords, pour entrer dans un port d’une laideur effrayante. Nous abordons, sur conseil de Denis joint sur son portable, un semblant de port de pêche, en face d’une authentique cale sèche. Y sont immobilisés d’immenses cargos bichonnés pour leur toilette de printemps. Denis nous délègue son neveu Alexis. Le sympathique et dynamique jeune homme arrive avec la BLU. Jean-Claude se régale à la perspective de l’installer et faire les essais.


SYROS, le port...

Elle est en place, branchée raccordée à l’antenne en un tournemain. Pour ce qui est de la faire fonctionner, c’est une autre affaire. On a beau tripoter tout les boutons, à part quelques parasites pas très harmonieux, pas un mot compréhensible, même en grec. Jean-Claude finit par baisser les bras. C’est la première fois que je le vois caler devant un problème technique mais, à sa décharge, celui-ci est de taille, l’avenir me le confirmera. Par contre, Denis nous a déniché une pompe neuve de rechange que notre McGyver insatiable ne tarde pas à mettre en fonction. Fin de l’épisode pompe de chiottes !

SYROS est la capitale économique des Cyclades. Elle fait 86 km2 et compte une vingtaine de milliers d’habitants. Elle est habitée depuis l’âge de bronze. Elle ne présente que peu d’attrait touristique. En raison de nos problèmes techniques nous y passons tout de même quatre jours. Denis et Alexis nous invitent au restaurant. Sympathique soirée qui nous permet de faire plus ample connaissance avec eux. La discussion s’éternise au-delà de la fermeture du restaurant. Nous rentrons à pied dans une ville désertée, déjà en veilleuse. 


Tout à coup, l’œil perspicace de Sylvie observe : « Jean-Claude n’a pas sa sacoche ! - Je l’ai oubliée au restaurant. J’y cours ! » Nous continuons, inquiets. « Pourvu qu’il la retrouve ! » Les trois mousquetaires dont le quatrième court après son bien ne sont pas tranquilles. « Elle contient, entre autres, le passeport, les cartes de crédit, le permis de conduire et pour faire bonne mesure, de la monnaie ! » précise Jean-Paul. Jean-Claude revient rayonnant, la sacoche en bandoulière.


Il raconte : « En arrivant au restaurant, j’ai vu deux hommes retirant des objets d’une sacoche vaguement semblable à la mienne. Je suis intervenu vivement, j’ai véhémentement réclamé mon bien quand, aux regards étonnés des deux hommes et au vu des objets sortis de la sacoche, j’ai compris que ce n’était pas la mienne ! Plates excuses,   évidemment. C’est alors que la brave tenancière m’apercevant m’a remis la mienne, qu’elle avait pris soin de mettre à l’abri de la concupiscence piétonnière ! » Einstein aussi, était fort distrait !


Mardi 15 mai : paré pour retrouver la mer avec bonheur, car le ressac est désagréable dans ce port industriel. Nous n’avons qu’une hâte, le laisser dans le sillage, malgré la sympathie de nos hôtes. Objectif KYTNOS, avec une traversée de 24 milles. 



KYTNOS

KYTNOS, appelée également SERIFOS fait partie du chapelet d’îles des CYCLADES. Elle avait le nom de THERMIA depuis le moyen âge en raison de ses sources thermales. Presque inconnue des touristes étrangers, l’île fait cependant le plein d’Athéniens pendant la haute-saison. 


En contournant la pointe nord de SYROS nous sommes gênés par la forte houle et un vent debout de 20 nœuds. Le vent devient travers lorsque nous laissons porter sur le cap, puis carrément vent arrière. Ça marche du feu de Dieu. Pas pour longtemps ; le vent tombe complètement.


Moteur, forte houle croisée, sieste. Brusquement, le vent se récupère du nord-est. Il monte à 20 nœuds et le spido à 7/8 nœuds. Que de manœuvres pour un si petit parcours. Soudain, la ligne de traîne se tend. Enfin un poisson ! J’annonce une bonite. Après dissection, ladite bonite s’avère être un thon. Joie de Jean-Claude, qui n’appréciait pas de voir sa prise ainsi dévaluée alors que sa persévérance méritait un espadon, pour le moins.


Par contre, le pilote automatique nous lâche. Il donnait déjà des signes de fatigue depuis quelques jours. Ça va être gai, pour remonter sur Brindisi et Venise sans pilote ! Il y a belle lurette qu’on ne touche plus la barre si ce n’est pour les manœuvres au port.


KYTNOS, la plage.

Nous abordons au quai du village de MERICHAS. La prise de place est laborieuse. Reculer par vent de travers n’a jamais été une manœuvre appréciée par Pamplemousse ni son skipper. Lequel des deux est le plus nul ? Encore heureux que les Grecs soient patients et les voisins prudents. Ils se sont tous armés de gaffes et de pare-battage. Avec tous ces gaffeurs au garde-à-vous, on s’imagine passer la garde républicaine en revue. Pas d’affolement, ce n’est pas la première arrivée de Pamplemousse à déplacer les foules…de collègues grognons.


Prix de consolation : barbotage dans une source d’eau thermale pas vraiment bouillante. Pour finir, un verre d’ouzo et ou de bière à la terrasse d’un petit restaurant qui domine le port nous réconcilie avec la vie.


Mercredi 16. Départ pour KEA, distante de 25 milles. Vent faible de nord-ouest. Nous y allons sur un bord. Vent apparent de 12 nœuds. Avec voile et moteur, ce n’est pas les Vingt-quatre heures du Mans. L’équipage se mutine. Fatigué du ronronnement mélodieux du Perkins, il profite lâchement d’une sieste carabinée du skipper pour l’arrêter, estimant que seule la propulsion vélique est digne de considération. C’est mal connaître Pamplemousse, son esprit de résistance, ses vingt tonnes à traîner et les lois de l’écoulement des fluides. Sans le vent de la vitesse du bateau due à l’action moteur, le vent apparent tombe à quelques pauvres malheureux nœuds impuissants à faire se mouvoir le gros patapouf de Pamplemousse. Perkins avec sa musique de chambre est de nouveau bienvenu pour rapprocher l’arrivée. 

Échouage à KEA.

KEA, appelée aussi CEOS ou ZEA selon l’humeur des Grecs fait 121 km2 pour une population de 2.417 habitants au matin de notre arrivée. L’après-midi il fallait compter 2 habitants de moins. Ils ont quitté l’île à la nage ! Des fouilles ont révélé que KEA était habitée depuis le néolithique. Un peu plus récemment, le dictateur Yeóryos Papadópoulos, fut emprisonné sur KEA après le retour de la démocratie, jusqu’à son jugement. (Wikipedia)


Adieu KEA, le phare.
De KEA, cap sur AEGINA à plus de 50 milles. Au près serré, grand-voile et moteur. Le vent est trop pointu pour accepter le génois. A 15 heures, nous entrons dans la marina après une valse hésitation sur sa position. Magnifique. Une ville et une île qu’il faut visiter. La recherche d'une place quelconque pour amarrer ce gros veau de Pamplemousse est épique.


AEGINA, il porticello.

C’est l’ultime étape pour Jean-Paul et Sylvie. Ils abandonnent le bord pour le Pirée, Athènes, Paris. La marina est archicomble. Tentative de se garer près d’un thonier. Un douanier s’époumone dans son sifflet à grand renfort de gestes significatifs pour nous faire comprendre que nous ne sommes pas les bienvenus. Je fais semblant de ne pas entendre mais il envoie un émissaire, qui ne laisse aucune alternative à l'envahisseur. Second essai en ménage à trois à couple de deux voiliers dont les équipages nous tirent une gueule de vent debout. Ils sont déjà pacsés, sur la place convoitée. Notre proposition indécente est violemment rejetée, au même titre que les amarres que nous fixons pour leur forcer la main.

AEGINA, Markelos tower.

En désespoir de cause, il est décidé de jeter lâchement nos deux équipiers avec armes et bagages sur un bout de débarcadère. Ce ne sont pas les adieux rêvés, mais l’aventure continue. Cap dans une ambiance tristounette sur l’entrée du canal de Corinthe, à 21 milles.


22 h 30, nous mouillons un peu au hasard près de ce qui nous semble être l’entrée du canal. 


Le canal de CORINTHE

CANAL DE CORINTHE : Ce canal fait du PELOPONESE une île. Il mesure 6.343 mètres de long et 21 mètres de large. La tranchée a une profondeur maximale de 52 mètres. Il permet aux navires de moins de 10.000 tonnes et de 8 mètres de tirant d’eau d’éviter le long détour de 400 km autour de la péninsule. Il a été construit entre 1882 et 1893 à l’initiative des Français, qui obtinrent une concession de quatre-vingt-dix-neuf ans. Les travaux devaient durer quatre ans, mais les difficultés et les coûts des équipements menèrent à la banqueroute en juillet 1889. C'est Andréas Syngros qui constitua une nouvelle société, grecque, qui reprit la construction en 1890. (Wikipedia)


Nous sommes les premiers à nous engager dans le mythique canal, ce vendredi 18 mai à 8 heures 38 après le plein de mazout et les formalités. Je pense alors à l’image jaunie que j’admirais en rêvant dans mon livre de géographie du collège, sans me douter alors que cinquante ans après, je passerais de l’image à la réalité. Le bonheur de ce moment inoubliable est partagé. 


La sortie du canal vers CORFOU

Le moral de l’équipe est au top, du coup nous décidons de naviguer non-stop jusqu’à Corfou, où nous savons qu’une récompense suprême nous attend : un golf de 18 trous. A la hauteur de Patras, au plus étroit du golfe de Corinthe, un pont semble nous barrer la route. Il paraît tellement bas sur l’eau. Ses lumières semblent toucher le noir horizon. Je baisse la tête au passage, mais il y a largement hauteur sous barrots. La nuit déforme les images et excite l’imagination. 

Les milles défilent. Nous passons au large d’ITHAQUE sans la voir. Ulysse était roi d’Ithaque. D’après l’Odyssée, c’est là que sa femme Pénélope l’attendit, pendant qu’il errait à travers la mer Ionienne, tissant le jour un manteau qu’elle défaisait le soir pour tromper ses prétendants. Nous avons une pensée pour cette camarade travailleuse payée tout juste au SMIG. Dixit Arlette. Estimation d’arrivée : dans la nuit de samedi à dimanche.


Il est 4 heures 30 dimanche 20 mai quand nous entrons dans la GOUVIA MARINA de CORFOU. Nous sommes fatigués. Toujours, Pamplemousse rechigne pour se mettre à poste. Avant, arrière, à raser la jetée en face, à raser le voilier de tribord puis de bâbord. Jean-Claude est fortement sollicité pour courir sur l’avant lâcher de la chaîne, courir sur l’arrière parer un abordage avec le copain d’à côté, re-courir sur l’avant, jusqu’à ce qu’il trébuche et heurte du genou une ferrure mal placée. Il se fait horriblement mal. Je crains pour… la partie de golf.


CORFOU ou KERKYRA, l’île des Phéaciens, c’est le pont entre l’Occident et l’Orient, la belle nymphe de la mer Ionienne, l’émeraude des sept îles. Elle est située à l’entrée de l’Adriatique. C’est une des plus importantes îles grecques (600km2–107.000 habitants). L’agriculture et le tourisme sont la base de l’activité économique. Le kumquat est devenu le symbole de Corfou


On peut passer des heures agréables rien qu’à flâner à travers les ruelles piétonnières, étroites et soigneusement pavées de la vieille ville. L’originalité des églises tient à leurs clochers et à la richesse de leurs décorations intérieures. A ne pas manquer, entre autres, l’ACHILLION. C’est la « villa », immense château, de l’impératrice Elisabeth d’Autriche, Sissi, qui aimait y séjourner.

Pour Jean-Claude, c'est couchette directe après massage avec une pommade plus ou moins adaptée et deux cachets pour la douleur. Au réveil c’est un peu mieux. Ça ne l’empêche pas de sauter sur le vélo et de pédaler comme un forcené, à tel point qu’au détour d’un carrefour, il prend le large et me largue sans à-coup. Malgré son genou lancinant et enflé, le diable d’homme tient à sa partie de golf. Nous ne partirons pas sans taquiner jusqu’au dernier 18ème trou.


Les sacs de golf rangés et les formalités accomplies, il est 16 heures 30 mardi 22, lorsque nous laissons CORFOU dans le sillage pour une centaine de milles jusqu’à BRINDISI.

BRINDISI, le port, de nuit.


Nous y accostons mercredi 23 à 20 heures, provisoirement le long du dernier quai. On nous promet un mouillage plus confortable demain. Jean-Claude m’abandonne dès après le repositionnement du bateau, non sans s'être battu pendant des heures. 



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