mardi 26 juin 2007

DE VENISE À CORFOU VIA LA CROATIE, L'ALBANIE ET L'ADRIATIQUE




DE VENISE  À  CORFOU EN PASSANT 
PAR L'EST ADRIATIQUE 



Cet article commence à VENISE
Fin juin 2007
Mes coéquipiers sont Edmée, Renée et Jean-Claude  HIREL, puis Anna et  Richard BERNIER, puis Armelle GUEMAS et Michel BESNIER, puis Ariel BABEY.

Drapeau animé d'Italie par Pascal Gross

Bien que nous y soyons comme poissons-chats en lagune, il faut se résoudre à quitter cette Venise envoutante. Destination LIGNANO 


LIGNANO, pêcheur solitaire.

LIGNANO SABBIADORO est située à une soixantaine de kilomètres, à équidistance, de TRIESTE et de VENISE. Elle est postée entre la lagune de MARANO, la berge gauche de l’embouchure du fleuve TAGLIAMENTO et la mer ADRIATIQUE. C’est une des perles de l’Adriatique. La ville a opté pour son développement touristique dès la fin de la guerre, malgré la malaria et le paludisme qui sévissaient alors, aujourd’hui maîtrisés.



Faustino, le beau-frère de Nadine, la collègue bien-aimée de mon épouse, prévenu par téléphone, fait le pied de grue dans la marina. Comme de coutume, la prise de wharf est olé-olé. Là-dessus, il pleut comme vache qui pisse. Faustino s’occupe du branchement électrique et du reste. Il est aux petits soins pour nous. On fait plus ample connaissance avec lui autour du Jack Daniel's de Jean-Claude, qui s’inquiète pour la survie de sa bouteille. 


Le lendemain, Renée, Edmée et Marie, la femme de Faustino, partent à l’assaut des boutiques de mode, la carte de crédit en bandoulière. On les regarde partir la larme à l’œil, pas pour le risque de les perdre mais en pensant aux coupes sombres sur les comptes bancaires. On se console sur le beau golf de Lignano. Le soir, un dîner dans un superbe restaurant nous réunit dans une ambiance du tonnerre. Le vin est bon, j’en use et en abuse au grand dam de ma moitié qui me fait, sans effet, les gros yeux devant nos hôtes.

 

POREC
(Photo du net)

Vendredi 29 juin. Départ 9 heures, direction TRIESTE. En cours de route, la majorité qualifiée décide de changer de destination. Va pour POREC, en CROATIE.

Drapeau animé de Croatie par Pascal GrossPOREC est inscrite au patrimoine mondial. C’est la multitude de monuments religieux et de lieux de culte de la chrétienté dès le IVe siècle, qui en représente l’attrait principal. La basilique, l’atrium, le baptistère et le palais épiscopal sont de remarquables exemples d’architecture religieuse, tandis que la basilique elle-même associe de manière exceptionnelle des éléments classiques et byzantins.


POREC

La marina est agréable et propre, la petite ville est pittoresque, la population accueillante. Pas de regret sur cette escale. En pleine nuit, souffle un vent de tempête qui met nos voisins en alerte. 


Après le petit-déjeuner nous laissons cette belle ville de Porec pour ROVINJ, après escale préalable dans le fjord de LIMSKI, où nous faisons forte provision d’huîtres et moules en un tournemain. Les rochers en sont couverts et il est très facile de les détacher.


ROVINJ

(Photo du net)

ROVINJ, ROVIGNO en italien, est située comme POREC dans la péninsule d’ISTRIE. Elle est officiellement bilingue croate et italien. Une légende raconte que Rovinj fut fondée par les habitants d’une ville engloutie du nom de CISSA. Une exploration sous-marine en 1890 aurait confirmé cette légende. Elle entretenait des liens étroits au Ve siècle avec RAGUSE (Dubrovnik). La cathédrale Sainte-Euphémie, au sommet de la ville, est pourvue d’un campanile de 63 mètres construit sur le modèle de celui de la place Saint-Marc. La vieille ville, construite sur une éminence rocheuse, témoigne du riche passé de la région. 


A ROVINJ, prise de ponton toujours aussi « délicate ». Comme dans les romans-photos, tout se termine bien, sauf que le représentant de la marina exige que nous fassions au prélable les opérations d’entrée, le check-in du navire et de son équipage. Cette opération aurait du être réglée à l’entrée du premier port de Croatie. On ne se refait pas, l’opération est passée à l’as à Porec, mais ce n’est que partie remise. Avec l’annexe mise à l’eau en catastrophe, Jean-Claude et moi, d’un trait de Mariner V (comme la fusée lunaire) nous frappons à la porte des braves douaniers. « Ils reviendront bientôt ! » nous dit-on ! Nous revenons, cette fois avec Pamplemousse, mais le douanier nous impose de revenir demain à 8 heures. Il faut quitter les lieux. Un mouillage forain nous accueille en dépit d’une algarade avec un voilier teuton qui s’est balisé un pré carré avec des bouées autour de son bateau pour éloigner les indésirables. Il ne manque pas de culot. Nous nous imposons en dépit de ses hurlements, sifflements et appels radio. Les huîtres font la sourde oreille. 

Après les opérations de douane et la visite de cette ville de toute beauté, direction PULA. 


Nous nous dirigeons tranquillement vers sa marina, à la tendre vitesse de 3 nœuds. Jean-Claude et moi sommes occupés à ferler la grand-voile et sortir les pare-battage, Edmée compose une salade de fruits démentielle quand Renée hurle : « Il va nous rentrer dedans !!! » Sans plus réfléchir, je cours à l’intérieur pour débrancher le pilote et donner un rapide coup de barre.


Trop tard ! Une embarcation à moteur garnie d’un bout dehors en ferraille nous éperonne à pleine vitesse. Par bonheur, sa trajectoire tangente la nôtre et, si le choc est rude, les dégâts sont insignifiants sur Pamplemousse. La peinture est solide. Le Croate à la barre croasse des insultes dont nous ne retenons que le mot « Merda ! » Facile à traduire. A peine revenu de son émotion, il remet la gomme et disparaît.


La prise de wharf ne cède pas à l’originalité : émotion, stress et une gaffe en moins, je parle bien sûr de celle du bateau. Le jour où tous les voiliers de l’Adriatique se seront donné le mot, aucune marina ne nous laissera plus aborder dans ses eaux. Il faut impérativement améliorer la méthode, sous peine de nous voir bannis de toutes les terres du globe ! Restez au large, nous imposera-t-on !




PULA, amphithéâtre romain.
(Photo du net)

PULA, au nord-ouest de la Croatie, à la pointe sud de la péninsule d’Istrie, compte 60.000 habitants. Un des plus imposants édifices de la ville est l’amphithéâtre romain, avec l’ancien capitole du forum, transformé en palais municipal.


De Pula, nous ambitionnons de faire un golf sur l'ILE DE BRIONI. C’était " l’île du maréchal TITO ", qui en avait fait son lieu de villégiature et de repos. Il y avait installé un nombre impressionnant d’animaux sauvages en liberté, qui sont maintenant parqués dans un coin de l’île, mais le golf pullule de daims, cerfs, paons, lièvres, pintades et autres. 


En dehors d’être usurpé par une faune variée, le golf n’est pas particulièrement bien entretenu. Les greens sont des plaques de sable blanc. Un pitch y roule au bout de la terre. Le fairway est étoilé de plumes d’oiseaux blanches imitant parfaitement de loin des balles de golf. Pas facile d’y retrouver sa belle ! Belle balle bien sûr! Le spectacle de ces animaux en liberté compense heureusement le piteux état de la carte rendue.


La Cadillac.
(Photo du net)

Visite de la résidence de Tito, transformée en musée, et de sa Cadillac dans laquelle les touristes sont invités à faire le tour de l’île, moyennant finance.


Départ catastrophique. L’amarre du voisin se prend dans le safran, ou l’inverse. La proue se retrouve nez à nez avec le copain d’à côté qui pâlit de voir se frotter les vingt tonnes de bon acier de Pamplemousse contre sa coque en léger plastique. Indescriptible. Plongées répétées pour installer un bout sur un corps-mort et soulager la pression sur le safran. Quarante minutes de bataille acharnée pour se libérer de la perverse aussière, sous les regards à juste titre goguenards des autres skippers à qui ça n’arrive jamais et celui, courroucé, de mon épouse désillusionnée. Vivement le grand large avec vingt lieues d’eau bien salée à courir autour ! 


A 17 heures, nous arrivons dans une baie bien tranquille. La nuit ne le sera pas. Un fort vent souffle de l’entrée. Ce sera du près serré demain. 


Départ 9 heures, 25 à 30 nœuds par le travers. Pamplemousse est aux anges. Il vole à plus de 7 nœuds. Nous faisons une arrivée moins mal que si c’était pire.


Quand on en fera un, exemplaire, je le conterai à la première personne mais ce n’est pas demain la veille. Les hommes à vélo, les femmes à pied en toute galanterie, nous écumons chacun pour soi boutiques de fringues et shipchandlers. Il faut remplacer la gaffe perdue et prendre des infos sur les propulseurs d’étraves, pour éviter la révolte des équipiers et une révolte maritime.


Un commerçant nous informe d’un œil livide de l’imminence d’un coup de BORA, un vent semble-t-il violent qui souffle de nord-est sur la DALMATIE. Il se lève brutalement et peut atteindre 50 à 60 nœuds. Il nous fout la trouille, ce malandrin margoulin. A peine sortis de sa boutique, les effets boratiens se font déjà sentir à un point tel que je décide de retourner au bateau vérifier les amarres.


Chemin faisant, le vent prend des allures de tempête telles que je ressens de sérieuses difficultés à garder mon équilibre de cycliste, pourtant chevronné, sous les coups de boutoir des rafales. A la marina, ça rapplique de toutes parts. Les plus avisés ont déjà doublé leurs aussières. Les plus fantaisistes s’affairent. Je m’affaire.


Renforcer, doubler, rajouter bouts et pare-chocs. Le vent souffle de travers, la pression sur les coques est maximale. Sous le vent de Pamplemousse, un bateau plastique d’une dizaine de mètres. Les occupants, deux couples de jeunes sympathiques Italiens, sont désespérés de voir leur embarcation prise en sandwich entre Pamplemousse en ferraille et une énorme unité à moteur en bois dur qui reste ferme sur ses positions. Je les soutiens moralement, d’autant que leurs compagnes sont des plus mignonnes. Jean-Claude arrive en secours. Il est épaté de la brutalité du vent. Deux heures après, le calme est revenu, nous dînons sur un lac.


Jeudi 5 juillet : 22 milles jusqu’à un mouillage forain sur l’île de ZAPUNTEL. 


Vendredi 6 juillet : départ 9 heures pour ZADAR, à 21 milles. Arrivée modèle Tabarly à 13 heures. Il n’y a pas de quoi parader, le vent est faible, presque de face, pas de voisin à tribord ni à bâbord et de l’eau à courir avant le prochain wharf. C’est aussi jouissif et miraculeux que de réussir un trou en un sur le trou n° 8 de Tina.


ZADAR
(Photo du net)

ZADAR : 80.000 habitants, deuxième ville de Croatie après Zagreb. La ville a été défigurée par cinquante-quatre bombardements alliés en 43 et 44. Elle garde cependant des traces importantes de son passé mouvementé. L’église Saint-Siméon, basilique paléochrétienne du Vème siècle, l’église Saint-Donat et les fortifications vénitiennes, édifiées au XVIe siècle sont remarquables.


Nous prenons le petit taxi-boat à rame qui fait traverser vers la rive qui donne sur la vieille ville de Zadar. La barque est propre et jolie. D’un bleu et blanc claquant. Le vieux matelot qui fait office de Perkins d’un demi-cheval poussif doit tenir les quatre-vingts ans rien qu’en dimanches. Il reprend son souffle en laissant la priorité aux ferries qui vont et viennent sans arrêt. Un kuna quarante la traversée. Un petit tiers d’euro, ce n’est pas cher pour un pareil exploit sportif répétitif. Les bureaux des douanes et des autorités portuaires sont juste en face de l’arrêt barque. J’ai préparé crew list, certificat d’assurance, acte de propriété, les quatre passeports et le document remis à l’escale précédente. Le fonctionnaire de service est un grand rougeaud, friand du bon vin de Dalmatie. Il se prend pour la reine de Saba.


Il examine, observe, visionne, reluque et déclare dans un anglais ravageur en fronçant un sourcil réprobateur : « Il manque le permis de conduire le navire ! » J’explique : « Dans mon pays, ça existe pas, les permis de conduire les bateaux, enfin presque pas ! » Il reste de glace. Par la chaleur qu’il fait, ce n’est pas un mince exploit ! « Si chez vous ça existe pas, en Croatie ça existe, et le bateau ne sortira pas de Zadar tant que vous n’aurez pas produit ce document ! » Je conteste : « M’enfin, j’ai déjà escalé dans au moins douze ports de Croatie et une bonne cinquantaine dans le reste du monde, jamais personne ne m’a demandé un permis de conduire ! » J’en rajoute, ça impressionne les collègues qui attendent leur tour. 


J’ai beau palabrer, bougonner, chicaner, il ne démord pas et me glisse : « Il y a un examen tous les mercredis. C’est 850 kunas. Voyez dans le bureau à côté pour les documents à fournir ! » Avec un rictus mauvais, il conclut : « Bonne chance, soyez à l’heure ! » 


Nos équipiers vont nous quitter, mais Jean-Claude se fait du souci sur la suite de la saga permis de conduire. Un taxi vient les prendre à 3 heures du matin pour Zagreb. 


Orphelins, l’ambiance n’y est plus. Le lendemain, la bicyclette bleue, la nôtre, pas celle de Régine Deforges, a disparu. Ce n’était pas très malin de les laisser sans antivol sur la jetée. La bicyclette bleue, c’est celle de ma femme. Je vous laisse imaginer la symphonie en si bémol majeur qu’elle me serine la journée entière. L’après-midi, je m’empresse, pour avoir la paix, d’en acheter une neuve. Pas bleue mais mauve, un joli mauve qui rappelle la plante du même nom, aux vertus laxatives et surtout calmantes. 


L'examen à venir me gâche la vie. Me voila à soixante-cinq balais à potasser, réviser des notions vicieuses de navigation que j’ai plus ou moins oubliées. En plus, je ne sais pas sur quoi je vais être interrogé, le sujet est si vaste. Il ne manquerait plus que j’échoue. Echouer à Fraser Island, échouer à Zadar, ce serait un beau palmarès, remarquez !


Mercredi 11 juillet, je me présente rasé de frais, comme une demi-douzaine d'autres candidats dont un skipper anglais pris dans la même nasse. Je suis le troisième sur la liste. Les deux premiers ont réglé l’affaire en un clin d’œil. 

Mon beau permis croate

C’est mon tour. L’examinateur en tenue d’apparat apparaît, sosie du capitaine Haddock. Les questions, en anglais, bien sûr, pas en croate, sont d’une simplicité extrême. Mon petit-fils de sept ans pourrait y répondre sans se tromper. L’affaire est vite bâclée. Pas loin de 140 euros, pour un beau permis croate. Gadget, arnaque comme on en fait peu. 


Jeudi 12 juillet, Pamplemousse est laissé à son sort, bien fermé, pour une petite semaine. Le temps de récupérer nos amis Richard et Anna Bernier qui arrivent à ZAGREB.


ZAGREB, l'église Saint-Marc.

ZAGREB : Peuplée de 780.000 habitants, elle devient capitale de la Croatie après l’effondrement de la Yougoslavie en 1991. Les monuments les plus remarquables sont la cathédrale Saint- Stéphane, l’église Saint-Marc et le théâtre national croate.

Richard et Anna sont logés à l’hôtel Dubrovnik. Quatre étoiles si'ous plaît. Je convaincs la majorité de visiter LJUBLJANA, SLOVÉNIE, à quelque deux cents kilomètres de Zagreb. On s’entasse dans une petite Fiat, le coffre tassé de bagages. Les paysages sont bien plus verdoyants qu’en Croatie. La SLOVENIE nous apparaît comme un jardin. A un détour de la nationale, un petit panneau n’a pas échappé à la vigilance du cousin Richard. « Golf ! » s’écrie-t-il. Et l’on s’engage sans hésitation sur une petite route sinueuse comme les contours du cours d’eau qu’elle suit et qui nous mène à travers une épaisse forêt de pins à un magnifique 18 trous, caché en pleine nature.


GOLF de LJUBJANA, Richard va
faire un trou en un !

Réservation pour 14 heures. Entre temps, les femmes ont repéré le beau restaurant campagnard qui nous fera patienter sans mal. C'est bien joli, mais Ljubljana est encore loin. Encore heureux que les jours s’éternisent, en cette saison.


LJUBLJANA : Capitale de la SLOVENIE depuis 1991. « La ville qu’on aime » compte 280.000 habitants. Elle a été de nombreuses fois détruite par des tremblements de terre. Chaque fois reconstruite, notamment en 1511 en style renaissance, en 1895 dans le style néo-classique. Ce mélange de styles lui confère une ambiance particulière.


LJUBJANA, traversée
par un petit cours d'eau. 

Visite de la ville. Elle est traversée par un petit cours d’eau, qu’enjambent de nombreux ponts, ce qui lui donne un charme remarquable. Une chorale accompagnée d’un orchestre symphonique répète sur une grande place. Nous profitons sans vergogne, comme de nombreux Slovènes, de ce concert fortuit et gratuit.


LJUBJANA, entrée du château.

Le lendemain, visite du château qui domine la ville. Une Slovène en habit traditionnel nous offre une ballade géniale. Elle est de PLITVICE. Superbe promenade dans une nature luxuriante, protégée par son inscription au patrimoine mondial. C’est réconfortant de voir que la nature n’est pas systématiquement bousillée par l’homme, même si, par ailleurs, il y a beaucoup à faire.


Décidément, Zadar a le chic pour nous réserver des surprises désagréables. Un ami qui nous veut du bien a fait main basse sur la rallonge du branchement électrique de Pamplemousse. Le frigo s’est transformé en étuve et le congélateur idem. La poubelle déborde. Ce désastre ne casse pas le moral des troupes pour autant. Une visite au supermarché et le mal est réparé.


Le lendemain, mardi 17 juillet, cap sur SMORKVICA, dans l’archipel des KORNATI. C’est une petite baie bien abritée au cadre de toute beauté. Nous apprécions, jusqu’au moment où une embarcation officielle nous aborde, pour nous réclamer le paiement d’un droit au mouillage, proportionnel à la longueur du bateau. Rapide calcul : 43 euros. On proteste. C’est de l’arnaque pure. Il faut payer ou partir ! Richard proteste à mort mais les Croates ne se laissent pas impressionner. On paye !


Mercredi 18 juillet : Objectif SKRADIN, située au fin fond d’un fjord qui zigzague entre les montagnes. A l’embouchure, protégée par un énorme fort, la ville de SIBENIK. Il s’y trouve une station-service. Une file de voiliers et bateaux à moteurs attend patiemment. Nous prenons la queue. A l’approche du quai, j’essaie d’y aborder derrière un catamaran, avec l’espoir qu’il va s’avancer un peu pour nous laisser place, car nous sommes coincés à l’arrière par une grosse barcasse de pêche dont les ferrures rouillées menacent de partout la belle coque bien repeinte de Pamplemousse. Il refuse de céder un centimètre de terrain. Au diable le plein, on le fera ailleurs, ce n’est pas encore la panne sèche. 

Primosten01271.JPG
Le port de plaisance
 de PRIMOSTEN
(Photo du net)

Changement de programme. Ce ne sont pas les belles petites villes qui manquent à visiter en Croatie. Nous logeons notre maison flottante dans la marina de KREVIK. En autobus, nous allons visiter la belle ville de PRIMOSTEN. Il fait 40° à l’ombre. Les femmes foncent au chaud ping. Richard drague une belle petite Croate dans un curios aménagé en cave à l’ancienne. Malgré la clim, il n’a pas froid aux yeux !

Au lever du jour, par mer d’huile, départ pour SPLIT. La marina y est archi-comble. Le radio de service est décevant : « Il n’y a pas de place avant samedi ! » On mouille en milieu de baie et, en annexe, nous allons tous à la marina pour essayer de baratiner le gérant pour qu’il nous accorde asile. Edmée attrape une demi-crise cardiaque dans l’office. Du coup, le responsable est aux petits soins. Il « découvre » subitement un poste inoccupé. Bienveillante et bienvenue crise cardiaque. Il faudra qu’elle refasse le coup à la prochaine marina en trop plein, c'est efficace ! Bienveillant, il nous place en bout de wharf. Il n’a pas menti, les voiliers rentrent à la queue leu leu. Des unités impressionnantes. L’emplacement est provisoire. Demain, il faut retourner au milieu de la baie. 


SPLIT

SPLIT est un grand port industriel et touristique de la côte dalmate. Elle est peuplée de 220.000 habitants. Elle présente la singularité d’avoir été construite à l’intérieur puis autour du palais de Dioclétien. Cet empereur romain d’origine dalmate se fit construire cet immense palais de 294 à 305. Il occupe une surface de 39.000m2. La ville est inscrite au patrimoine mondial pour son palais Dioclétien. Elle abrite le musée Mestrovic, sculpteur croate élève de Rodin.



TROJIR, le château.

Vendredi 20 juillet. Après avoir rejoint le mouillage forain bondé comme un manège un 14 juillet, visite de la magnifique ville de TROGIR. Elle est classée au patrimoine mondial. 


Richard et Anna nous quittent. Ils prennent le bus pour Dubrovnik. Moment toujours chargé d’émotion. Ils attendent sur la jetée pendant la manœuvre pour rejoindre le mouillage.


Edmée et moi avons réservé un bus qui nous conduira à MOSTAR et à SARAJEVO en BOSNIE et à BELGRADE en SERBIE. Je laisse filer trente-cinq mètres de chaîne par cinq mètres et demi de fond, ça devrait suffire. Après réflexion, je décide d’accrocher la plus lourde des ancres de secours en renfort de l’ancre principale. Je plonge et j’essaie de suivre la chaîne. Au bout de quelques mètres, elle s’est tellement envasée que j’ai du mal à la sortir sans être envahi par un nuage de boue qui me bouche toute visibilité. J’abandonne, persuadé qu’un cyclone aidé d’un ouragan, d’une tempête et d’une tornade ne pourraient pas faire déraper Pamplemousse. Je remonte l’annexe. Un voisin de mouillage, fort sympathique, nous emmène à la gare routière.


MOSTAR, crépuscule sur le pont.

Arrivée à Mostar après un parcours interminable en bus climatisé, parsemé de nombreux arrêts, en particulier aux passages des postes-frontières, sur une route sinueuse, heureusement spectaculaire. Le choc thermique est rude quand il faut nous aventurer à la recherche d’un hôtel dans cet enfer. Il fait 45° à l’ombre. L’hôtel est en même temps un musée. C’est une ancienne demeure de maître de style bosniaque traditionnel, dont les propriétaires ont conservé les chambres et les salons dans leur ornementation d’époque. La visite est guidée et commentée fort plaisamment par un fils de la famille.


Mostar est très typique de ce pays de confession majoritairement musulmane, mais dont la notion de tolérance est largement répandue. Il n’est que de voir se côtoyer mosquées et églises, chacune tentant de dominer l’autre en taille et en volume. Il ne manque plus qu’un temple bouddhiste pour faire bonne mesure. Très peu de femmes voilées, sinon quelques personnes âgées. Pourtant, depuis la guerre, les deux communautés bosniaque à l’est et croate à l’ouest restent divisées. Le temps fera son œuvre car les blessures de la guerre ne semblent pas si profondes.


Le marché et ses étals de handycraft traditionnel, un tantinet archaïque, sont de plus en plus dominés par des boutiques modernes, beaucoup moins typiques, d’articles pour touristes à deux sous la brouette, made in China.


MOSTAR, le pont.

Le pont de Mostar est remarquable. Une œuvre d’art. La chasse croate s’est acharnée sur ce bijou jusqu’à n’en laisser que quelques pierres. Le pont a été reconstruit presqu’à l’identique, sur fonds croates, italiens, français, hollandais, turques et de la banque de développement du conseil de l’Europe. Un petit musée, logé dans la tour Halabija, retrace l’histoire du pont et de sa reconstruction de 2002 à 2004.


MOSTAR est la première ville d’HERZEGOVINE et la seconde du pays. Elle se situe à cent vingt kilomètres au sud de Sarajevo et à cent cinquante kilomètres au nord-ouest de Dubrovnik. Sa fondation remonterait à l’antiquité. Le pont dont la ville tient son nom « stari most » (vieux pont) fut construit en 1566 sous le règne de Soliman le Magnifique. Le 9 novembre 1993 les forces croates bombardèrent le pont jusqu’à son effondrement et ce, malgré la présence de civils venus défendre ce qu’ils considéraient comme le symbole de l’héritage ottoman et du lien entre les communautés croates et bosniaques vivant de part et d’autre de la Neretva. Il a été reconstruit sous l'égide de l'UNESCO.


Compétition annuelle de plongeon.
(Photo du net)
On nous raconte que certains jeunes plongent du haut du pont devant des touristes ébahis, pour se faire un peu d’argent de poche. Edmée chine et ne rechigne pas à faire chauffer la carte de crédit. Vivement la haute mer, là où il n’y a pas de boutique. Au petit-déjeuner, nous faisons la connaissance d’un couple de Français et de leur couvée. Ils nous parlent de l’Albanie, qu’ils connaissent par ouï dire, par l’intermédiaire d’un ami prêtre francophone. Ils nous donnent son adresse.

Ca tombe mal, dans une ville championne des antiquités, il y a des heures de chinage en perspective parmi les étals de vieilleries. Du coup, il faut aller en Albanie. 


Nos nouveaux amis n’y ont jamais été mais ils nous en dissuadent. « Vous allez vous faire voler. Ils sont très pauvres et détroussent les quelques touristes qui osent s’y aventurer ! » Notre sympathique hôte s’oblige à nous emmener à la gare routière dans sa vieille guimbarde des années trente parfaitement entretenue. Direction SARAJEVO, qui m’a toujours fait rêver, surtout depuis cette terrible guerre à laquelle je n’ai pas compris grand-chose des tenants et aboutissants.


SARAJEVO est la capitale et la plus grande ville de BOSNIE-HERZEGOVINE. 

Avant la guerre, sa population était de 700.000 Sarajéviens. Son histoire est particulièrement riche depuis sa création par les Ottomans en 1461. 

Elle a été le lieu de l’assassinat par Gavrilo Princip de l’Archiduc François-Ferdinand d’Autriche, qui marqua le début de la première guerre mondiale. 

Elle a accueilli les jeux olympiques d’hiver de 1984. 

Elle est traversée par la rivière Miljacka. 

Origine de la guerre : depuis la constitution après la seconde guerre mondiale d'une République fédérative (à parti unique communistepopulaire de Yougoslavie, le gouvernement yougoslave sous la poigne ferme de TITO a étroitement surveillé le nationalisme des peuples yougoslaves. Après la mort de Tito en 1980, les Serbes nationalistes, sous la houlette de Slobodan Milosévic, ont tout fait pour favoriser les Serbes. Cette politique a impulsé à son tour une montée en puissance des nationalismes des autres peuples constituant la Yougoslavie. 

Craignant une Yougoslavie dominée par les Serbes, la Croatie et la Slovénie font sécession et déclarent leur indépendance en 1991. Le gouvernement bosniaque tient un référendum qui donne une majorité pour l’indépendance. Celle-ci est déclarée le   5 avril 1992. Le 6 avril, la Communauté européenne reconnaît le nouvel état. La guerre commence. Le siège est le plus long de l’histoire moderne. Il a duré du 5 avril 1992 jusqu’au 29 février 1996. Il a opposé les forces paramilitaires serbes aux forces de Bosnie-Herzégovine. 

Douze mille personnes périrent. Cinquante mille autres furent blessées. Beaucoup de bâtiments gouvernementaux, des hôpitaux, les centres de communication, des cibles industrielles, des bâtiments civils, ont été détruits ou fortement endommagés. La bibliothèque nationale a brûlé avec des milliers de documents irremplaçables. Le plus grand massacre fut celui de Markala, qui fit soixante-huit victimes et que les Serbes tentèrent d’imputer aux Bosniaques eux-mêmes. L’aéroport tenu par les Nations Unies maintient une neutralité douteuse. Pour garder un accès à la zone libre, les Bosniaques creusent un tunnel qui passe sous la piste et sort en zone libre, d’où leur proviennent armes, munitions et ravitaillement de toute sorte. Les accords de DAYTON mettent fin au siège et à la guerre.


Chaleur de l'accueil...

Notre quête d’un hôtel nous mène dans une pension de famille tenue par un couple bosniaque fort accueillant. La maîtresse de maison nous chérit. C’est une forte femme, douce et dynamique. Nous bavardons sur de médiocres bases d’anglais saupoudré d’italien. Elle nous présente un film sur l’histoire de Sarajevo. Il est super. Elle indique l’adresse où le trouver en ville.


Quartier Baščaršija 

La visite de la ville commence, interrompue régulièrement d’arrêts shopping. Le pont près duquel a été assassiné l’archiduc, le musée consacré à cet événement, les mosquées et églises les plus représentatives, le musée juif, l’hôtel de ville construit par les Austro-hongrois. Impossible de trouver la boutique qui vend le film sur Sarajevo. Après 3 jours de recherches infructueuses, nous ne cherchons plus. Un après-midi, parmi la foule, des voix françaises nous interpellent. J’engage la conversation. C’est un couple de Bosniaques d’origine. Ils vivent en France depuis une trentaine d’années. Ils sont naturalisés Français et ne tarissent pas d’éloges sur leur pays d’adoption.




Le Baščaršija est un quartier du vieux Sarajevo, construit à l'époque ottomane. Son étymologie vient du Turc : Baş situant principal, et Çarşı signifiant marché, le nom Baščaršija désigne donc la principale place marchande de la ville. C'était le quartier où étaient situées les boutiques des commerçants d'étoffe, d'épices, les joailliers, et qui a fait la richesse de la ville. (Wikipedia)


Ils sont en vacances dans leur famille. J’en profite pour leur demander l’adresse de la boutique en question. Le mari parle en bosniaque avec son frère. Cinq minutes plus tard, celui-ci revient avec le film en main. J’insiste pour le payer. Refus souriant mais énergique. Je n’ai pas le temps de leur offrir au moins le verre de l’amitié qu'ils sont partis.




Le tunnel de SARAJEVO
(Photo du net)

Nous visitons le tunnel, dont l’entrée a été transformée en musée miniature, tourisme oblige. Le récit des atrocités subies par ce peuple placide, gentil, nous émeut terriblement. Le mari de notre hôtesse, un grand balaise à tête carrée garnie d’amples moustaches staliniennes nous conduit à l’aéroport. L’avion nous emmène à Belgrade.

BELGRADE, le Danube.

BELGRADE, capitale de la SERBIE, compte 1.100.000 habitants. C’est l’une des plus anciennes cités d’Europe, avec une histoire qui s’étend sur 7.000 ans. Après la seconde guerre mondiale, Belgrade devint la capitale de la YOUGOSLAVIE, conglomérat de plusieurs peuples aux mœurs, coutumes, traditions, langues et religions différentes dont le maréchal Josip Broz TITO fit une république fédérale socialiste. Tito devint un des leaders des pays non alignés. A sa mort en 1980, MILOSEVIC, qui lui succède, initie une politique pro Serbes qui provoque une montée des nationalismes dans toutes les républiques constituant la Yougoslavie. En 1999 pendant la guerre du Kosovo, Belgrade est bombardée par l’OTAN, occasionnant de nombreux dégâts. Les sites de plusieurs ministères, l’immeuble de la télévision, plusieurs hôpitaux, l’hôtel Jugoslavija, la tour Usce et l’ambassade de Chine. En 2000, des manifestations de rues monstres contraignirent Milosevic à démissionner. Depuis 2006, avec l’indépendance du Monténégro, Belgrade n’est plus que la capitale de la Serbie. Belle réussite pour Milosevic, qui voulait faire de la Yougoslavie une grande Serbie !


Eglise Saint-Sava

Belgrade est une très belle ville, agréable, avec un souffle parisien, de larges avenues, bordées de rangées d’immeubles pas Haussmanniens mais presque. Les monuments, églises et musées à visiter sont légion. Il faudrait bien plus de quatre jours pour en faire le tour. Nous visitons l’église Saint-Marc, magnifique édifice de style néo-byzantin.



En y arrivant, nous remarquons à peine quelques mendiants s’attardant sur le parvis. En sortant, nous sommes estomaqués, scandalisés, de voir un homme d’église, non de la plus basse hiérarchie vu sa riche tenue, s’acharner à chasser une des pauvres vieilles mendiantes. Elle hurle et lui montre un document, tout en reculant sous les coups. Il revient et use du même procédé sur un second mendiant, un vieux qui a du mal à se déplacer. Son devoir de chrétien accompli, il revient à la charge sur un troisième qui n’a pas la faiblesse physique des deux autres, qui se rebiffe et ne cède pas un pouce de terrain. Le "saint homme" abandonne la partie en maugréant. Quel dommage d’avoir oublié ma caméra à l’hôtel.




Kalemegdan. Forteresse de Belgrade 

En visitant la citadelle de KALEMEGDAN, centre historique de la ville, le hasard nous mène vers l’exposition de photos de Yann-Arthus Bertrand. C’est choc et chic de voir le cœur de Voh si loin de son pays. 


Retour à Sarajevo pour reprendre le bus pour Split. Nous retrouvons nos braves hôteliers bosniaques, aux anges de nous voir débarquer.


Notre moustachu bourru détendu nous conte dans un charabia italo-croato-anglais un drame de la guerre. La récréation, les enfants jouent dans la cour protégée des snapers par un haut mur, malheureusement interrompu par une brèche de quatre-vingts centimètres. 

SARAJEVO. Horreurs d'une
guerre "civile"
(Photo du net)

Sa sœur institutrice surveille distraitement la marmaille piaillant. Un tir de grenade bien ajusté vient loger l’explosif par l’interstice. Carnage parmi les enfants. Personne n’en réchappe, pas même l’institutrice. C’est dit sans haine, avec un fatalisme démesuré. 


Retour interminable sur Split, sans arrêt à Mostar. Edmée à le mal de terre, le mal de bus, le mal de pied, le mal de tout. Je pense à Pamplemousse. Je respire mieux quand je le vois, à la descente de ce bus infernal. Je sollicite des pêcheurs pour me conduire au bateau. J'y ai laissé l'annexe pour faire croire aux voleurs potentiels à une présence à bord. Pas de succès. Ils sont tous occupés à vérifier leurs amarres. Je comprends qu'un coup de bora est prévu, mais quand ?


Il faut, alors que la nuit tombe, se mettre à l’eau pour aller récupérer l’annexe. La fatigue aidant, nous nous couchons comme les poules. Le vent se met à souffler alors que nous sommes déjà dans les bras de Morphée. Nous sommes réveillés brutalement par des hurlements. Pamplemousse a décroché et entraîne avec lui un bateau italien d’une dizaine de mètres. Les coques se font des mamours. J’arrive à me dégager au coût d’un chandelier tribord qui prend un air penché pire que la tour de Pise. La chaîne de mon mouillage est prise sous la coque de l’Italien qui se fait soulever comme un fétu. Ça a beau hurler en face, je ne comprends pas grand-chose sinon « motore ». C’est un peu tard pour prendre une leçon d’italien.


Je lâche tout ce que je peux de chaîne et l’Italien s’écarte sur bâbord. J'ai lâché soixante mètres. Pamplemousse se stabilise. Vingt-cinq mètres de chaîne pour cinq mètres et demi de fond, il en a fallu plus du double. Le vent est si fort qu’il faut se plier en quatre pour aller constater les dégâts. Du coup, l'Italien est loin devant. On ne l'entend plus. Le reste de la nuit se passe à vérifier régulièrement que le mouillage tient. Je pense au drame si nous étions revenus un jour plus tard. Il y aurait eu des trous dans les coques plastiques des bateaux accrochés au ponton sous le vent et Generali aurait fait une syncope. Saloperie de bora !


En attendant l’arrivée d’Armelle Guémas et Michel Besnier, deux vieux de la vieille de Pamplemousse, nous allons chercher refuge dans la baie de Trogir. Las ! le mouillage y est interdit. La marina de CASTELA accepte une réservation, mais pour le lendemain. Nous mouillons en attendant en face d’un gros village, soyons généreux, d’une petite ville, sympathique. La leçon a porté. Je ne mégote plus sur la longueur de chaîne, quitte à paraître ridicule. Baignade, cuisine, visite, shopping. 


Le lendemain à l’aube, paré pour lever les soixante mètres de chaîne. Plus de démarreur. Je consulte un cerveau décidément pas doué pour la mécanique, il ne sait que suggérer un mécanicien. Je vais donc quérir un Croate doué pour patauger dans le cambouis. J’en attrape deux pour le prix d’un, mais qui n’en valent qu’un demi. Je les ramène en annexe. Rapidement, ils repartent avec le démarreur sous le bras pour une autopsie complète, rendez-vous deux heures plus tard sur la place du marché. Nous les retrouvons à l’heure dite. Ils ont une gueule d’enterrement. Je comprends de suite, sans parler le croate, que mon démarreur ne démarrera plus jamais. Ils me montrent les dents… des engrenages. Des chicots.


Un poème nommé SERGIAN.

« On va vous emmener avec notre voiture, si vous n’avez pas peur de vous salir, jusqu’à la marina. Là-bas, ils ont un atelier super et des possibilités de commander des pièces neuves ! » Vu l’état de mon matériel, c’est plutôt la seconde solution qu’il faudra mettre en œuvre. Nous faisons alors la connaissance de Sergian. Tout un poème, Sergian. C’est le chef. Mais le chef de quoi ? Indéterminable. Il se démène pour me venir en aide. Impossible de faire quoi que ce soit avant lundi, fin de semaine oblige. Par contre, il est annoncé un nouveau coup de bora pour le début de soirée.


La BORA (en croate, bura, en slovène burja, en bulgare, буран, en turc, poyraz) est un vent catabatique froid du nord nord-est qui souffle sur la mer Adriatique, la mer Noire, la Grèce et la Turquie. En hiver il est souvent violent, avec une vitesse moyenne de 50 à 80 km/h avec des rafales qui ont été mesurées à 180 km/h sur le golfe de Trieste. Près des villes de Senj, Stara Novalja, Karlobag et au sud du tunnel de Sveti Rok en Croatie, la bora peut atteindre 220 km/h et le 15 mars 2006, une rafale à 235 km/h a été mesurée sur le pont de l'ile de Pag. Le nom bora provient de Borée, dieu de la mythologie grecque, personnification du vent du nord. (Wikipedia)


Je ne peux pas laisser le bateau tout seul Il m’en voudrait toute sa vie. Je demande à Sergian de me trouver un remorqueur. Il téléphone. Il trouve mais le prix le fait suffoquer : 300 euros. « Tu ne peux pas accepter ça, c’est plus que je ne gagne en un mois ! » Pourtant, j’accepte, et j’envoie ma douce au distributeur. Elle sait faire ! Entre temps, le voilier remorqueur arrive. Il est pressé à cause de la bora qui arrive. J’embarque sans attendre le retour d’Edmée.


Il explique la manœuvre. Facile. Je lui demande, avant d’aborder Pamplemousse, de virer près de la terre pour me permettre de récupérer mon annexe restée sur la berge. Nous sommes partis depuis moins de cinq minutes quand la maudite bora se pointe. En peu de temps, les pare-battage sont à l’horizontale. Le skipper prévient : « Je ne peux pas aborder ton bateau avec ce vent ! Je vais passer le plus près possible, le plus lentement possible, tu n’auras qu’à sauter ! »


Tu n’auras qu’à sauter ! Il parle bien, le grand bougre. C’est pas lui, qui va sauter. On approche. Je ne suis pas fier. Au moment de sauter, une rafale m’envoie en arrière, je me récupère et saute. J’accroche un hauban de Pamplemousse, glisse le long de la coque mais finis par monter à bord avec une belle éraflure sur le tibia, mais il en avait vu d'autres au collège. 


Pas de moteur, pas de guindeau électrique, donc. A la manivelle, soixante-cinq mètres de chaîne souquée par un vent d’enfer et les vingt tonnes du gros balourd, ça fait fondre la graisse. Quand il ne me reste plus qu’une vingtaine de mètres et que le bateau commence à dériver, brutalement ça bloque. L’ancre a dû s’accrocher dans une roche. Impossible de remonter un centimètre de plus. Je fais signe au grand gaillard qui attend en faisant des ronds, carrés d’impatience. Il prend le large, direction maison. Sans hésiter, il reprend sa place de marina.

Edmée et Sergian ne l’ont pas vu revenir. Ils attendent, alors que la nuit tombe. Sergian est hors service depuis belle lurette. Il fait des heures sup gratuites, mais ne veut pas laisser Edmée grelottante, à l’abri dans un container de chantier. Il connaît le patron de la marina, un richissime homme d’affaires, qui envoie son fils en secours. C’est un Dalmatien de plus de deux mètres. Il accompagne Edmée à l’endroit où est mouillé le bateau.


Voyant l’annexe, elle dit au jeune homme : « Je vais attendre mon mari, il est parti me chercher ! » En fait, j’étais déjà en train de ronfler. L’attente, évidemment, s’éternise, quand elle réalise que je ne peux être qu’au bateau. Elle récupère son beau Dalmatien dans le restaurant d’à côté, où il dînait avec ses copains. Le pauvre, qui ne sait pas ramer, a toutes les peines du monde à l’emmener à bord malgré que la bora soit allée souffler sa fureur ailleurs. Jusqu’à ce jour, j’entends encore la sérénade que m’a chantée ma douce en me découvrant ronflant comme un bienheureux.


La nouvelle bordée d’équipiers arrive en même temps que l’équipe de basket ball de Croatie, composée pour la plupart de Dalmatiens, race d’hommes réputés les plus grands du monde. Armelle et Edmée sont béates d’admiration. Avec nos un mètre soixante-dix tout mouillés, Michel et moi, on n'existe plus. 


En attendant le nouveau démarreur, on visite Trogir, Šibenik, Skradin et Primosten. Des villes inoubliables. Comment un si petit pays peut-il concentrer autant de perles typiques, pittoresques, sur son littoral. Elles sont quasiment toutes - à juste titre - inscrites au patrimoine de l’humanité.




ŠIBENIK, la grande place centrale.

ŠIBENIK, fondée au Xème siècle au bord d’une baie profonde, fut sur une courte période la capitale du royaume croate. Le centre historique de la vieille ville aux ruelles tortueuses et la forteresse Sainte-Anne qui la domine sont ses principales attractions. Son vrai trésor culturel est la cathédrale Saint-Jacques, construite en style gothique et renaissance. Elle est inscrite au patrimoine culturel mondial de l’Unesco. 


SKRADIN est un petit village au charme certain, posé le long de la rivière KRKA. On se croirait au fond d’un bras de mer comme il en existe des milliers en Croatie. Il est le point de départ de randonnées et des bateaux qui mènent les touristes au parc naturel et aux cascades.


TROJIR, tour de l'horloge.

TROGIR fut fondée au IIIème siècle avant J.C. par des Grecs. Elle n’a jamais été prise ni vandalisée. Elle compte de nombreux palais, églises, tours, et forteresses. Elle est inscrite depuis 1997 au patrimoine mondial de l’Unesco. L’édifice le plus important est la cathédrale Saint-Laurent, dont la porte principale est le chef-d’œuvre du maître Radovan.


Retour à Castella marina. Michel, chauffeur de première, nous a conduits sur les routes de Dalmatie comme dans son quartier. Le démarreur tout neuf est en place sur Pamplemousse. Il nous reste à dire adieu à nos hôtes, le propriétaire de la marina, son grand fils, son personnel aux petits soins pour nous et enfin, Sergian. 


Toujours là à l'heure de l'apéritif ;
à droite, le tonnelet...

Il a pris ses marques le Sergian. Il se débrouille toujours pour, à l’heure de l’apéritif ou presque, roder autour de Pamplemousse et... se faire inviter. Il nous vide la cave. En prévision de l’apéritif d’adieu, nous achetons un tonnelet de cinq litres de bière sous pression.


Au restaurant...

La pression a tôt fait de changer de contenant. Ce n’est qu’un début. Un restaurant d'altitude suit ou l’éponge finira de se gorger. Il n’est pas le seul. Armelle et moi sommes pour le moins euphoriques, Michel est à tolérance zéro - chauffeur oblige - mais tout le monde pousse la chansonnette et c’est parti avec « que sera, sera ! ». Sergian ne veut pas être en reste et quand arrive le refrain, il y va de son « que sera, sera ! » entonné avec forte conviction, à en faire trembler les vitres du restaurant. Il est heureux avec ses potes du bout du monde, le Sergian. La redescente se fait sur air et paroles de " Il descend de la montagne... " également universellement connus.


Il devait être là pour nous saluer lorsque nous avons lâché les amarres ; il ne s’est pas pointé. Avait-il la gueule de bois où a-t-il préféré, comme une autruche, cacher son émotion. Nous sommes déçus, nous traînons, regardons s’éloigner la marina, avec chacun son petit pincement. Nous ne reverrons plus jamais ce grand dégingandé de Sergian !


Ile de BRAČ en point de mire. Un petit mouillage isolé propice à une ostréorécolte ne donne pas le résultat escompté. Pas un seul mollusque dans l’assiette. Autre mouillage dans le petit village de LUKA. L’objectif est la petite ville pittoresque de MILNA, à quelques kilomètres à vol d’oiseau. Nous louons les services d’un taxi combi Volkswagen bleu pétrole, vétuste, que dis-je, ancestral, à l’opposé de son chauffeur, qui plaît aux dames. Visite, restaurant, retour en chansons.




Artisan à Stari Grad

9 août. Direction STARI GRAD. Arrivée cool dans l’après-midi. Mouillage forain avec soixante mètres de chaîne. Le remote-control du guindeau ne fonctionne plus. Le directeur de la marina nous déconseille de rester cette nuit à ce mouillage mais ne nous donne guère de solution de rechange, sa marina est pleine. Un coup de vent est prévu. Il suggère toutefois de me mettre à couple d’un bateau fixé entre deux piliers à l’entrée de la marina. Nous constatons en effet que la plupart des piliers accueillent deux voire trois embarcations. 


Il n’y a qu’un emplacement occupé par un seul voilier. L’inconvénient, c’est qu’il ne fait qu’une dizaine de mètres. Pamplemousse va déborder de partout comme un homme ventru dans un short trop court. On ne peut pas faire les difficiles. Au diable l’esthétique, nous nous mettons à couple. Le propriétaire  d'à côté n’est pas là. Nous entamons le dîner, toujours bien arrosé. Armelle et moi, c’est pas le vin qui nous fait peur, encore moins le champagne. Il y a de l’animation tout à coup à côté. J’abandonne avec regret mon assiette encore à moitié pleine pour aller parlementer avec notre voisin de palier. Il n’apprécie guère notre arrivée sans préavis. J’en explique les raisons. Il me congédie : « Finissez votre repas et on discutera après ! » Je redescends : « Il n’est pas commode mais me donne un sursis ! » 


Je lui propose de payer pour notre séjour sur son emplacement. OK, moitié-moitié. J’explique mon problème de remote-control. Il est ingénieur électronicien. « Je vais regarder ça demain matin ! » m’assure-t-il. Il bataille effectivement des heures durant le lendemain pour constater qu’un relais a grillé. Il s’arrange pour nous dépanner provisoirement, de façon à ce qu’on puisse utiliser le guindeau, sans avoir à remonter à la manivelle soixante mètres de chaîne. Nous l'invitons avec sa femme pour l’apéritif, au restaurant. Igor et Bianca nous expliquent qu’il existe dans cette baie profonde un phénomène de ras de marée quand le vent souffle dans l’axe. Il nous montre les glissières que les gens sont en train de mettre en place à la porte de chaque habitation ou commerce.



STARI GRAD avant la bora

Le coup de vent est imminent. Tellement imminent qu’on a du mal à arriver jusqu’au restaurant tant le vent et la pluie se sont levés brutalement. « Igor, par ce temps pourri, je préfère être sur mon bateau ! » C’est aussi son avis. 

Avec Igor et Bianca.

Aussi, la soirée se termine sur Pamplemousse, bien à l’abri dans son vaste carré. Pendant que nous sirotons notre Jack Daniel's, les cuisiniers s’affairent, improvisant un repas de foie gras avec figues et pommes rôties, finalement très réussi. Le vent soufle, la pluie fouette. Les amarres sont solides. Soirée fort agréable. Igor a racheté la fabrique de bateaux anglaise WESTERLY, qu’il a délocalisée en Slovénie, son pays. Il me laisse un catalogue, mais je n’ai pas l’intention de trahir Pamplemousse pour un Westerly. 


Puis, c'est ensuite la belle HVAR, coqueluche de tous les branchés. Il faut avoir sa boucle d’oreille, un piercing à la lèvre et le short à ras les fesses pour être dans le coup. On nous regarde comme des martiens. Malgré tout, la ville a de l’allure et mérite d’être connue. La beauté de toutes ces vieilles pierres est fascinante. Sans compter que les restaurants et tavernes qui cernent le port sont bien tentants.


HVAR, située autour de son port naturel, est l’une des stations balnéaires les plus prisées de Dalmatie. De nombreux monuments, dont la cathédrale, l’ancien arsenal et les palais nobiliaires témoignent d’une riche histoire influencée par l’art gothique et renaissance.

Arrivée sur KORČULA

De HVAR à KORČULA, c’est une ballade féérique qui longe presqu’en permanence une côte parsemée de petits villages pittoresques. Pas de ports, les fonds sont par trop accores. La destination nous invite à patrouiller entre de nombreuses petites îles où l’eau est d’une clarté infinie. La radio nous déçoit une nouvelle fois en nous refusant l’accès à la marina surbookée. Mouillage, annexe avec le complet attirail du parfait squatter de douche de marina à l’eau bien chaude et intarissable. La ville est super belle. 


Tout serait parfait si nous ne perdions pas nos deux équipiers. Soupçonnés de fugue, ils encourent le châtiment suprême que veut leur infliger un juge austère et rigoureux : Edmée! ce qui fut fait dans les règles, avec une mémorable avoinée, annulation de restaurant et soupe à la grimace jusqu'à demain.


KORČULA. La forteresse de la ville, ce joyau construit avec des pierres de VRNIK, l’île voisine, a pris sa forme actuelle aux XIV et XVème siècle. Elle serait la ville natale de Marco Polo. C’est l’île la plus peuplé de Croatie, la sixième de Croatie par sa superficie.

La majorité des historiens considère que Venise est le lieu de naissance de Marco Polo. Venise est par ailleurs considérée le lieu de naissance le plus probable pour la majorité des grandes encyclopédies. Outre Venise, la ville dalmate de Korčula (la Dalmatie était alors sous domination vénitienne) revendique d'être le lieu de naissance de Marco Polo. (Wikipedia)






SLANO, son église, ses huîtres...
12 août. Escale à SLANO où, paraît-il les huîtres sautent sur le bateau comme les Cariocas à Copacabana. A part quelques mulets qui traînent le long des plages et sur lesquels je n’ai pas même le cœur de balancer un coup d’épervier, le poisson est rare dans le coin. On se contentera de foie gras !



Arrivée sur DUBROVNIK.
Edmée, 4e muse de Pamplemousse,
parfaitement assortie aux couleurs
de son bateau.

20  août.  Slano-Dubrovnik, 16 milles. Il faut remonter le mouillage de bonne heure car la marina de Dubrovnik risque d’être hyper saturée. Je m’annonce par la VHF. Il y aura de la place, mais il faut attendre. On fait des ronds dans l’eau à en attraper le tournis. D’autant que nous sommes de plus en plus nombreux à tourner. C’est la place de l’Etoile le jour où la France gagne la coupe du monde. Pendant cette attente, des voiliers sortent à la queue leu leu. Après une heure de manège, c’est à notre tour de prendre la file. La marina est superbe. Piscine, terrain de tennis. Y manque un golf, c’est nul !




DUBROVNIK, le palais Sponza

DUBROVNIK, anciennement RAGUSE, est située au sud de la côte dalmate, près de la frontière avec la Bosnie et le Monténégro. La ville-forte est la perle de l’Adriatique, la cerise sur le gâteau. Elle a été fondée dès la première moitié du VIIème siècle, sous la protection de Byzance, puis de Venise et du roi de Hongrie. Elle fut le premier état européen à abolir l’esclavage. Napoléon l’annexa en 1809. Le 1er octobre 1991, l’armée populaire yougoslave attaque et encercle Dubrovnik pendant la guerre d’indépendance croate. De 1992 à 1993 la ville est la cible de tirs qui font cent quatorze victimes civiles. 68% des bâtiments de la ville ont été touchés par les tirs d’obus. La restauration sous l'égide de l'UNESCO fut problématique, les matériaux traditionnels n’étant plus disponibles en quantité suffisante. 




E-PUI-SANT, DUBROVNIK !

La visite de la ville est un régal malgré la foule de touristes d’horizons multiples. Il faut la faire en plusieurs jours tant elle est passionnante. La caméra et les appareils photos sont à la peine.



Michel et Armelle nous quittent. Ils prennent le bus pour Zagreb. Ça nous fait peine de les voir embarquer. Ils ne se sont connus que dans l’avion qui les a menés à Split mais ils ont vite fait de former une bonne équipe. C’est Ariel Babey qui prend la relève. Petit problème de bagage perdu à l’arrivée. Alitalia oblige, fidèle à elle-même ! 




Les remparts de DUBROVNIK

Vite à l’assaut une nouvelle fois des remparts de Dubrovnik. On l’écume jusqu’au dernier recoin. Cette ville-bijou se déguste comme un nectar précieux. Quand je pense que les Serbes ont eu le culot de la bombarder. Il n’existe pas de cause assez forte qui justifie une telle barbarie.

Comme Armelle, Ariel profite un max de la piscine de la marina. Entre visites culturelles et shopping, ça délasse. 

Nous louons une voiture pour visiter le MONTENEGRO et l’ALBANIE. C’est la porte à côté. PODGORICA est à cent quatre-vingt kilomètres et TIRANA à six cents. Au premier poste frontière : « Papiers du véhicule bitte ? » La carte grise est introuvable. Le contrat de location, le permis de conduire, la carte CAFAT, rien ne l’intéresse hormis cette carte grise. Introuvable malgré des recherches approfondies jusque dans le coffre à bagages. On fait grise mine et demi-tour, pour réclamer le précieux document au loueur. C’est alors qu’Edmée, qui à l’opposé de son mari, sait faire marcher sa tête s'écrie « On n’a pas cherché sous le pare-soleil chauffeur ! » Il y est. Re demi-tour, triomphant, avec le document que nous plaçons sous le nez du tatillon douanier. C’est parti pour de vrai pour le Monténégro magique.


PODGORICA, capitale du MONTENEGRO s’est appelée RIBNICA puis TITOGRAD. Elle fut bombardée soixante-douze fois pendant la seconde guerre mondiale, et pratiquement rasée. Elle se trouve sur la plaine de ZETA et s’étend aux environs de cinq rivières. Grace au nouveau tunnel Sozin, la mer Adriatique n’est qu’à une demi-heure de voiture.


Une route en lacet nous monte au ciel. La vue est splendide, saisissante, mais on manque d’oxygène. Tous ces virages interminables enlacent la presqu’île de Kotor, qui fait la fierté des Monténégrins.


Nous redescendons à temps pour déjeuner à Kotor, ébahis, plus par ses forteresses construites à flanc de montagne que par ce qu’on nous verse dans l’assiette. De Kotor à Podgorica, la topologie devient moins accidentée et la nature plus verdoyante. L’hôtel est au top. Les douches sont tellement modernes que, d’après Ariel, il faut être bac plus neuf pour les utiliser. Moi qui suis bac moins douze, c’est l’ébouillantage assuré. Les Monténégrins sont d’une gentillesse exemplaire. Podgorica est très étendue. C’est une ville moderne aux larges avenues bordées d’édifices où la peinture n’est pas encore sèche. Il faut courir longtemps pour trouver une vieille pierre. Les rues piétonnes sont agréables mais ne justifient pas d’y passer l’éternité.


KOTOR (Photo du net)

KOTOR. La vieille ville, entourée d’une impressionnante muraille de défense, est particulièrement bien préservée, et classée par l’Unesco au patrimoine mondial. Les bouches de KOTOR qui s’ouvrent sur l’Adriatique sont le fjord le plus méridional d’Europe. Aux deux extrémités des bouches, les montagnes de LOVCEN et ORJEN (1894 m) marquent un ensemble naturel délimitant la ville et les bouches.


Nouveau passage de frontière pour entrer en Albanie. On ressent ici une tristesse difficile à chasser. Les sourires restent coincés au fond des estomacs. Peut-être un masque pour se protéger de cet inconnu représenté par ces quelques premiers touristes dont nous sommes. On roule dans la campagne quand une scène bucolique me fait me garer, plutôt mal d’ailleurs ; je gène la circulation sur cette route étroite.


Un groupe de paysans en tenue traditionnelle récoltent divers légumes. J’interroge par signe une vieille paysanne édentée pour être autorisé à les filmer. Accord, assorti d’un large sourire. Quelques secondes après, elle arrive avec une cargaison de poivrons dans son tablier. Nous voulons la payer. Refus catégorique. Edmée lui glisse d’autorité un billet de 5 euros dans la poche. Elle le sort, le regarde comme si c’était le Bon Dieu et, après une hésitation, l’enfourne dans sa poche. Elle ne veut plus nous lâcher. Elle essaye de me parler, mais je n’étais pas très bon en albanais à la communale de Boulouparis.


On comprend un mot, « London », alors, on crie en chœur « Paris ! - Ah Paris ! » Ce n’est plus un sourire, c’est une tranche de pastèque. Comment lui dire que Paris, pour nous, c’est aussi le bout du monde. Ah, la barrière de la langue ! On n’a pas pu échanger une traître phrase mais le sentiment, la chaleur humaine, la sympathie au-delà des différences énormes, sont passés. J’en profite pour filmer discrètement un autre aspect, moins réjouissant, de ce pays.


En guise de glissières de sécurité les bords de routes sont des tas d’ordures déposées au fil des siècles. Impressionnant de saleté. La route est partagée par des cochons, vaches, carrioles 4x4 à cheval, nids de poules encore occupés, le reste de l’espace pour les Mercedes. Un autre aspect de l’Albanie, qui saute aux yeux, est le nombre incalculable de voitures Mercedes. Des vieilles, des neuves, des grosses, des petites, coupés, familiales, on ne voit que ça ! Les mauvaises langues avancent qu’elles ne sont pas conduites par leurs vrais propriétaires qui les pleurent toujours en Allemagne où dans le reste de l’Europe. Allez savoir ! 


Les crevasses, ornières, fondrières et trous divers limitent notre vitesse à quarante kilomètres à l'heure. L’entrée dans TIRANA est laborieuse. Circulation désordonnée sur des voies de circulation plutôt adaptées à un circuit de trottinettes. Nous dénichons un hôtel en plein centre pour pas trop cher. Par malheur, il y a en ville une panne générale de courant, qui doit durer depuis qu’Enver a cassé sa pipe, car chaque boutique à son groupe électrogène qui pétarade et empeste le chaland. Si on y ajoute une chaleur infernale, ça fait beaucoup. Les Tiranéens sont cependant très sympathiques.


A part dans l’hôtel, l’anglais de la rue est plus que sommaire. Les gestes et le sourire prennent le relais et ça marche aussi bien. Visite au musée de Tirana. Je suis étonné de ne voir nommer qu’une seule fois le dictateur Enver HOXHA, qui a pourtant mené le pays d’une main de fer pendant plus de quarante ans en l’isolant totalement du reste du monde. Il en fit un des pays les plus pauvres de la planète. Joli palmarès !




TIRANA et la tour de l'horloge.
(Photo du net)

ALBANIE. Le pays de l’aigle est une république du sud-est de l’Europe. Le pays est enclavé entre le Monténégro, le Kosovo, la République de Macédoine et la Grèce. Sa population est de 3.5 millions d’habitants sur un territoire montagneux à 70%. Indépendante depuis 1912, excepté pendant les périodes d’occupation italienne (1916/1920 et 1939/1944), elle a subi une période de quarante-six ans de régime communiste sous la direction d’Enver HOXHA et trois décennies d’isolement total. L’Albanie a entamé avec l’Europe le parcours d’adhésion. TIRANA est la capitale, avec presque un million d’habitants. C’est le principal centre industriel, commercial et culturel du pays. Elle essaie de s’ouvrir au tourisme. 


La mosquée ET’HEM BEY.

(Photo du net)

Leks en poche, nous sommes riches. La place SKANDERBEG, concentre la plupart des points d’intérêts : le musée national d’histoire, la pyramide, la salle d’exposition, l'ancien mausolée d’Enver Hoxha, l’opéra, le palais de la culture de style soviétique, le légendaire hôtel DAJTI, la mosquée ET’HEM BEY et la tour de l’horloge. Cette disposition facilite bien le touriste pressé. En une journée nous avons fait caméra au poing le tour de tous les spots susnommés.


Sur le chemin du retour, il nous reste à faire une halte dans la fameuse ville des antiquités, où en siège une autre, d'antiquité, le fameux curé ami de nos amis. Les indications sont rares, sujettes à hésitation, les panneaux comme les feux tricolores, en panne ou inexistants. Les informations recueillies auprès des quidams indigènes sont floues comme la vue d’un myope sans ses lunettes. Si bien que nous ne trouvons pas la ville. L’Albanie entière est un musée des antiquités.


Je pense à mon ami Fortunato, cloué à Ancona et qui rêve de son pays. Il reste qu’on nous avait prédit " N’allez pas en Albanie, vous serez volés, rançonnés, trucidés ! " et j’en passe. Avec une population aussi accueillante, ce pays ne mettra pas longtemps à s’ouvrir au monde. Le bourricot, alias Ariel, comme son nom ne l’indique pas, a de bonnes idées. Elle propose de prendre le ferry pour éviter les lacets des hauts de Kotor. Plus facile à dire qu’à faire. Trouver le point d’embarquement de ce foutu ferry n’est pas une mince gageure. Mais l’effort valait la peine. La baie de Kotor est somptueuse.


Il reste une grande expérience pour mes deux équipières : la traversée Dubrovnik-Brindisi et, dans la foulée ou presque, Brindisi-Corfou. Comme les distances sont chacune d’un peu plus de cent milles et qu’il vaut mieux arriver de jour, il y a donc forcément une nuit à passer en mer. Dès le départ, je fais preuve d’une autorité inhabituelle en leur interdisant de sortir du cockpit, même et surtout en cas de mal de mer. Les seaux, c’est fait pour ça et les poissons apprécient. Nous faisons du rase-cailloux sous les murailles de Dubrovnik.


Les murailles de DUBROVNIK

Le vent est raisonnable. Il nous autorise un près bon plein. La nuit arrive avec les premiers cargos. Evidemment, j’ai mis en route le détecteur d’émissions radar que ses inventeurs ont eu l’audace d’appeler " MER VEILLE ". Il a tôt fait de nous casser les oreilles. Des cargos, il y en a dans tous les sens. Ma moitié, d’un tempérament un tantinet anxieux, n’est pas à la fête, mais elle a vite compris comment savoir si le cap d’un cargo présente un danger où pas. Je peux dormir tranquille et la laisser veiller. Elle est ma deuxième MER VEILLE.


J’avais décrit BRINDISI comme une ville industrielle et poussiéreuse sans intérêt. C’était sans compter sur la Garibaldi strada, ses soldes, ses boutiques de mode à n’en plus finir et ses beaux Italiens charmeurs. Mes deux équipières reviennent chargées comme des baudets, enthousiasmées, aux anges.



BRINDISI, corso Garibaldi.

En face de nous, une grosse unité à moteur, splendide. Elle appartient à un richissime éleveur de perles tahitien. Il me donne la météo. Le vent pour la nuit prochaine ne sera pas tendre. Il préfère, lui, attendre des conditions meilleures. Il n’est pas pressé de casser sa belle vaisselle. Nous, nous partons dans l’après-midi. De suite, les cargos, cette engeance, prennent le pas sur toute autre préoccupation. Impossible de garder Mer Veille en veille, il nous casse les oreilles en permanence.


Il s’affole avec les échos qui lui parviennent de tous azimuts. Ce sera ainsi jusqu’au matin. A l’aube, Edmée est épuisée. Elle a suivi les mille et un cargos des yeux toute la nuit. Epreuve redoutable. 

Nous entrons dans la grande marina de GOUVIA, où j’ai mes marques. 




GOUVIA marina.
(Photo du net)

GOUVIA Marina est la plus importante Marina privée de Grèce, située à seulement 6 kilomètres de la superbe ville fortifiée de Corfou, 7km de l’aéroport International, et 4km du port.
Depuis des siècles les marins considèrent la baie de GOUVIA comme un lien naturel entre la mer Adriatique et la Méditerranée, mais aussi comme un port de relâche dans lequel ils pouvaient rentrer facilement pour se reposer et jouir de l’excellent climat qui baigne les côtes de cette magnifique île...
 


Les vélos sont mis en batterie. Il faut réserver les vols pour Athènes. Dés le retour au bateau, Ariel est à la piscine de la marina. Nous préparons le déjeuner. Tout à coup, je vois apparaître Ariel tout habillée mais trempée jusqu’au os. Elle explique, penaude, qu’elle a voulu remettre le vélo sur la plage arrière de Pamplemousse, mais la porteuse et le chargement se sont retrouvés de conserve à la baille. Par bonheur, nos voisins italiens, toujours très galants, sont venus prestement à son secours et ont récupéré l’ensemble. Rigolo, mais par pour Edmée, qui tient à son vélo tout neuf, jamais fini mouillé, surtout pas à l’eau salée ! 


Gouvia est une très belle marina mais à sept kilomètres du centre. C’est un peu loin. A force de pédaler, on découvre une petite marina au pied de l’antique forteresse, à portée de claquette de la vieille ville. Rendez-vous pris, je m’y engage. L’emplacement est plein vent de travers, avec très peu d’eau à courir devant, très peu derrière et pas du tout sous le vent. Situation stressante au possible. Après plusieurs essais, j’abandonne avant qu’une rafale ne m’envoie là où Pamplemousse à pied. 


Je mouille et, en annexe, je récupère une aide auprès du responsable, à qui je donne consigne d’utiliser l’annexe comme propulseur d’étrave quand je pointerai le nez de Pamplemousse et qu’il aura la moindre velléité de tomber la proue sous le vent. Manœuvre impeccable. Conclusion et confirmation : il faut installer un propulseur d’étrave. J’en rêve. 


Ariel prend l’avion pour Athènes. Elle va survoler les terribles incendies de forêts qui dévastent le Péloponnèse avant de retrouver Paris, puis Nouméa. Après avoir flâné en tous sens dans cette belle vieille ville de Corfou complètement en zone piétonnière, j’accompagne ma moitié à Athènes pour elle aussi un retour sur Nouméa.


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