mercredi 27 juin 2007

DE CORFOU À NAPLES EN PASSANT PAR LA SICILE




 
DE CORFOU 
À  NAPLES


Cet article commence à CORFOU, Grèce
Le 26 juillet 2007
Mes coéquipiers sont Karine et Franck DESCHAMPS

Drapeau animé de Grè par Pascal Gross

De nouveau seul. J’attends mon fils aîné et ma belle-fille qui arrivent de Brindisi par le ferry régulier. Régulier mais pas ponctuel. Près de deux heures de retard, ce n’est pas un TGV.


Au château de Sissi.

Joie des retrouvailles. Visite éclair de la ville et des points intéressants des environs : la nouvelle forteresse, l’îlot KANONI, le château de Sissi et, bien sûr, la vieille ville.  


On fait le plein des frigos, des réservoirs d’eau douce et de mazout, la prochaine étape sera longue : 230 milles jusqu’à la pointe sud de l’Italie. Nous quittons la petite CAOK marina en milieu de matinée. Je compte un minimum de quarante-huit heures pour couvrir la distance soit deux nuits de mer. Remontée facile par mer plate au près voile et moteur, plus moteur que voile d’ailleurs, jusqu’à la pointe nord de Corfou. Puis on laisse porter progressivement jusqu’au travers. Allure idéale pour Pamplemousse, d’autant que le vent est soutenu entre 20, 25 nœuds. Il se régale, le Pampan. 7 nœuds réguliers, avec des pointes à 8/9. Le vent se maintient régulier, comme la vitesse. Et l'inconfort de Karine. En corollaire, la mer est creuse comme son estomac. Les milles défilent. ROCCELLA IONICA notre objectif, pointe son nez dans l’après-midi. L'affaire s'est réglée beaucoup plus rapidement que prévu. Difficile pour une mise en bouche pour les nouveaux équipiers, mais on économise une nuit de mer. Des voisins de wharf nous avaient conseillé cette escale pour deux raisons majeures : « Tu verras, à droite de la réception de la marina, il y a un petit restaurant qui vend de la pizza au mètre. Elle est fameuse ! En plus, le séjour en marina est gratuit, tant qu’elle n’est pas officiellement terminée ! »


Eglise Saints-Jason et Josipater.

Karine met le pied à terre avec une délectation non dissimulée. Le petit restaurant du coin et sa pizza au mètre est la plus belle des consolations après cette rude traversée. 


Une bonne nuit de repos et c’est reparti pour 73 milles. Cette fois, c’est la SICILE qui est visée et la belle marina de RIPOSTO. Elle est en position idéale pour visiter l’ETNA.


L’ETNA est le plus haut volcan actif d’Europe (il culmine à 3.351 mètres). C’est aussi l’un des plus actifs du monde. Il couvre une superficie de 1.570 km2. Son périmètre est de 200 km environ. L’apparition de l’Etna date de 300.000 ans, ce qui en fait un volcan récent en temps géologique. 


A L'ASSAUT DE L'ETNA

Le guide nous raconte l’Etna et la dernière éruption, qui date de quelques jours. On comprend alors pourquoi de nombreux voiliers dans la marina sont recouverts de cendre volcanique. L’excursion est passionnante. Il faut d’abord prendre une voiture particulière ou un taxi, qui nous monte à 1.800 mètres, puis le téléphérique jusqu’à 2.300 mètres et, pour finir, un gros bus 4x4 avec lequel on approche les 3.000 mètres. Certains chevronnés, équipés comme des cosmonautes, guidés, montent jusqu’au cône, qui culmine à 3.300 mètres. La vue est magnifique. Le vent est glacial malgré l’anorak épais qu’on nous a fort justement conseillé de prendre.


Je profite de l’escale pour faire réparer l’indicateur de température du moteur et faire mettre le nez dans la BLU par un spécialiste. Elle finit par fonctionner, mais l’opération prend un temps fou et ne sera terminée qu’à l’escale de GARDINI NAXOS, à quelques milles de là, sous les falaises de TAORMINA.


Nous partons de nuit. Il n’y a que 7 milles à couvrir mais la houle est très forte et le vent bout dans l’axe. Pénible au possible. Je n’ai pas le culot de m’approcher trop sous le vent de l’escarpement rocheux. Je fais jeter l’ancre à la limite de l’abri. Nous sommes ballottés toute la nuit par un roulis des plus désagréables. Au petit matin, nous déplaçons Pamplemousse de façon à ce que le plancher des vaches soit plus stable. Visite de Taormina.


TAORMINA. IL DUOMO

TAORMINA : Commune sicilienne dans la province de MESSINE. Le site de la vieille ville se situe à 300 mètres d’altitude, face à l’Etna. Taormina est une destination touristique de premier ordre grâce à son patrimoine historique, culturel et archéologique très riche, dont le théâtre gréco-romain. Il est l’une des ruines les plus prisées de Sicile par sa remarquable préservation et la beauté de son emplacement. « Le grand bleu » de Luc Besson a été tourné dans la baie de Taormina.


C’est le Saint-Tropez sicilien. Le centre-ville piétonnier, aux ruelles médiévales au détour desquelles on découvre des panoramas et des points de vue splendides, mérite bien sa renommée. 


Le 12 septembre au matin, comme d’habitude, je connecte IRIDIUM pour recevoir les messages de la nuit. J’y trouve trois terribles messages, de ma femme, de mon fils Marc et de mon frère Bernard le Mexicain, m’annonçant le décès de ma mère. Je m’y attendais. Elle avait quatre-vingt-quatorze ans. Elle était tombée seule chez elle dans sa villa de Brisbane. Elle était à l’hôpital depuis déjà quinze jours et semblait se remettre. Je ne pensais pas que cette fin prévisible me serait un tel coup de massue.




Ma maman, Andrée Lenez,
Vve Maurice Ollivier,
Vve Gabriel Deschamps. (Photo de 1990)

Je regrette ma timidité, ma réserve qui m’ont toujours fait dissimuler mon affection. Je regrette et m’en veux de l’avoir laissée seule, de n’avoir jamais su imposer qu’elle soit entourée dans ses dernières années des bienfaits de ce que le modernisme social peut apporter de soutien à une personne pratiquement impotente, surtout dans un pays comme l’Australie. Le remord de cette faiblesse, cette pusillanimité, cette lâcheté même, m’obsède.


Comme pour les hommes politiques qui fautent, les vrais responsables sont ceux qui laissent faire, qui se taisent. J’ai laissé faire, je me suis tu. Les larmes sont sans retenue dans la solitude de la couchette. Que lui rendent hommage ces quelques lignes sur le blog de mon tour du monde, réalisation du rêve de toute ma vie. 


Pour remonter ce moral dans les chaussettes, rien de tel toutefois qu’un parcours de golf. Il n’en existe qu’un seul dans les parages, à plus de cinquante kilomètres de Taormina. Le Picciolo golf club. La campagne sicilienne est agréable. Elle est parsemée de petits villages tous plus pittoresques les uns que les autres. La pub du guide touristique nous entraîne à visiter le site naturel d’ALCANTORA : chute d’eau, falaises, rivière aux eaux limpides mais glaciales. Pas de quoi en faire un foin. Le 16 septembre, nous quittons Giardini Naxos pour MESSINE, à seulement 32 milles.


Le port de Messine. Au loin, la Calabre.

MESSINE : Située sur la rive occidentale du détroit de Messine, qui sépare la péninsule italienne de la Sicile. En 1908, un des plus gros tremblements de terre d’Europe a entièrement détruit la ville. La construction du pont de Messine, le plus long pont suspendu au monde devait être ouvert à la circulation en 2012 mais le projet a été provisoirement abandonné.


MESSINE. IL DUOMO

Messine est une très belle ville aux larges avenues ombragées bordées d’édifices de toute beauté. Nous nous y promenons à pied jusqu’à plus soif. Le DUOMO (cathédrale) est de toute beauté, comme la place qui l'entoure. 



Départ le 17 septembre pour traverser le détroit et escaler à MILAZZO, à portée de canon de VULCANO. Comment ne pas avoir une pensée pour Ulysse,  le légendaire héros de l’Odyssée, qui passa le détroit entre Charybde et Scylla en évitant de tomber de l’une à l’autre.


De Charybde en Scylla.

CHARYBDE et SCYLLA : ce sont deux monstres de la mythologie grecque dont la légende est à l’origine de l’expression : « Tomber de Charybde en Scylla ! » Soit : « Eviter un écueil pour tomber sur un autre ! » Charybde, la fille de Poséidon et Gaïa, était perpétuellement affamée. Pour avoir dévoré le bétail d’Héraclès elle fut punie par Zeus, qui l’envoya au fond du détroit. Elle avalait alors la mer et les bateaux qui s’y trouvaient. Scylla, était une nymphe dont Glaucos était follement amoureux. Il demanda à la magicienne Circé un filtre d’amour mais celle-ci, jalouse de Scylla, la changea en monstre terrifiant à six têtes. Charybde et Scylla symbolisaient les courants et les récifs du détroit.


Une autre particularité plus moderne du détroit sont ses curieuses embarcations de chasse à l’espadon. Elles sont affublées d’un bout dehors disproportionné sur lequel se tapit le harponneur tandis qu’en haut du mât veille une vigie qui signale la présence de l’espadon. Ce jour-là, ils sont trois à chasser de long en large. J’essaie de m’approcher au plus pour les filmer. Malgré le vent favorable et le moteur en appoint, la poursuite est inégale.


Ils sont bien plus rapides et ne semblent pas apprécier cette intrusion dans leur territoire de chasse. Le détroit est croisé sans que Zeus nous cherche noise. A Milazzo, nous passons la nuit en mouillage forain, le cul à quelques mètres de la jetée mais avec soixante mètres de chaîne à l’eau.


A l’aube, cap sur VULCANO. 20 milles à courir. Calme plat total. Ascension du volcan : 499 mètres. Ballade intéressante. Pour atteindre le sommet, on prend un raccourci. Pour cela, il faut traverser une zone active où les fumerolles au goût acidulé d’œuf pourri pénètrent dans la plus minuscule alvéole pulmonaire. Ça décoiffe les amygdales ! Comme dirait Hugo, l’ami de Walker : « El diablo estaba aqui ! » tellement ça sent le soufre. La vue est magnifique. On domine l’île LIPARI. Le Stromboli se devine au loin.


VULCANO : La plus au sud des îles LIPARI. C’est aussi le nom de son volcan, en activité. Le sommet du cratère offre une vue impressionnante sur le cratère, les fumerolles d’un jaune très vif et les autres îles Eoliennes au loin. Deux chemins sont possibles. Le plus court passe au travers des fumerolles. Attention aux asthmatiques et aux cardiaques. Les odeurs de soufre sont très intenses.


A l’altitude zéro, baignade dans les eaux thermales, à forte odeur de soufre et aux vertus thérapeutiques. On sent le diable à dix pas.


19 septembre, 6h00 : départ pour STROMBOLI. Il n’y a, d’après la carte, ni marina ni mouillage de sécurité. Il faut prévoir d’en repartir le soir même. Dire que le fond est accore est un faible mot. A quelques mètres du bord, l’échosondeur ricoche sur le fond du Vanuatu. Les Stromboliens ont prévu des bouées pour les touristes aquatiques et à voile. S’y trouvent déjà plusieurs collègues qui ont déserté le bord pour prendre de la hauteur vers la cime du STROMBOLI, qui s’orne d’un dégagement de fumerolles blanches du plus bel effet sur ce ciel et cette mer, période bleu pur.


STROMBOLI : Une des sept  îles Eoliennes, dont le volcan en activité est le plus actif d’Europe. Ses éruptions se produisent à la fréquence d’une tous les quarts d’heure. Le cône s’est formé il y a 15.000 ans. Il est en éruption constante depuis 2.500 ans. Il prend naissance à 3.000 mètres sous la mer et culmine à 900 mètres.


Mauvaises nouvelles : pour faire le sommet, il faut payer dans les 40 euros et aussi louer chaussures, vêtements, guide mais surtout, le prochain départ est à 16 heures 30. Pour les tout fous, ils sont libres de monter jusqu’à « la Sciara del Fuego », la coulée de feu a quelques 500 mètres de dénivelé. Ça nous va très bien. Sans attendre on embringue le chemin, on s’y paume plusieurs fois. C’est l’occasion de pratiquer l’italien. Enervants, ces Italiens : je leur parle dans leur langue, ils me répondent en anglais. Vexant. C’est par la coulée de feu que se déverse le trop plein du volcan. Il paraît que les coulées sont fréquentes. Il faut seulement attendre un peu. La patience n’est pas le fort de la famiglia. A peine le souffle de vache marine apaisé, je laisse caméra et lunettes au fiston qui se doit, à son grand désespoir de rester avec sa moitié, et j’entreprends la descente en petite foulée.


C’est cool Raoul ! Tellement cool que j’accélère, ça va tout seul, dans les descentes, il suffit de se laisser aller. Le paysage est magnifique avec le STROMBOLINO au loin et un magnifique voilier qui lui tourne autour. Un ciel bleu pétrole. Une mer bleu marine, mais marine comme on n'en fait qu’en Méditerranée. Ces maisons plus blanc que blanc et celle-là, accrochée à la falaise…


Tout en courant, mes yeux quittent le chemin une fraction de seconde. Le panorama et cette maison accrochée on ne sait comment en valent la peine. Un pied gauche, il a pas volé son nom celui-là, bute. Je m’affale. La main gauche elle aussi, mise en protection du menton, s’accroche à une saillie de roche volcanique, coupante comme un rasoir. 


Je n’ai plus qu’à constater les dégâts sur la paume de la main sanguinolente dont un morceau de viande pend comme un morceau de bidoche au crochet du boucher. Je continue jusqu’au bateau. La bête blessée laisse des traces. La pharmacie du bord est bien équipée mais pas pour faire des points de suture.


Lavage à l’eau tiède javellisée. Une horreur. Franck s’applique au pansement. Le blessé et l’infirmier finissent à moitié dans les pommes. Il ne faut plus traîner pour rejoindre Capri, l’hôpital le plus proche. Bien sûr, le vent est capricieux et impose des manœuvres incessantes. La nuit est interminable. La veille des cargos épuisante.



A l’approche de la marina, près de vingt-quatre heures après la chute, je demande à la radio de l’aide pour aborder le bateau et un taxi pour m’emmener sur-le-champ à l’hôpital. Le gérant de la marina fait bien les choses. Une ambulance m’attend. Les infirmiers font la gueule. Ils avaient préparé le brancard, la transfusion, le goutte-à-goutte et l’assistance respiratoire. Ils avaient hésité à demander l’ouverture de route par deux motards sirènes hurlantes. « Sono pazzi quelli Francesi ! » (Ils sont fous ces Français !)


Capri, c’est vite fini. Le coût de la marina est dissuasif : 175 euros par jour. Après le coup du Stromboli, le coup de massue !


CAPRI

CAPRI : Célèbre île de six kilomètres de long sur trois de large, dans l’immense baie de Naples. Elle présente de nombreux intérêts, comme les Faraglioni, deux rochers émergeants, le belvédère de Tragara, Anacapri, la grotte bleue, la marina Piccola (un peu chère, NDLR !) les ruines des villas impériales romaines.


Il faut reconnaître que l’île a son charme. Evidemment, elle grouille de touristes, mais aussi de petits restaurants bien sympas. Bon d’accord, il faut patienter une heure avant d’être positionnés entre le bar et l’entrée des toilettes sur une table pas plus grande qu’une rondelle de citron, « ma che ! » vous êtes à Capri. Franck, qui a invité son père pour lui remonter le moral crie « aux armes citoyens ! » quand on lui facture le couvert, l’eau, le pain, la chaise et la serviette et l'air respiré en supplément.


La marina est coincée...

La traversée de la baie de Naples est un plaisir. Le Club Med II, qu’on a bien connu chez nous en Caldochie, bientôt Kanaky, est en rade. Il faut louvoyer entre les ferries, les cargos, les grosses vedettes à moteur qui tous font la navette entre Naples et Capri. Le Capricien capricieux de la marina m’a conseillé Castellamare di Stabia pour hiverner le bateau. La marina est coincée dans un chantier naval, entouré d’une zone industrielle, dans un quartier peu recommandable. Contre mauvaise fortune, il faut accepter cette promiscuité décevante.   


Au loin NAPLES et le VÉSUVE 

NAPLES : Capitale de la région de Campanie. Elle regroupe plus de 4 millions d’habitants, ce qui en fait l’une des plus grandes cités méditerranéennes, loin devant Marseille. Elle fut fondée en 478 avant J.C. En 1759 elle devient capitale du royaume dit des Deux-Siciles. La baie de Naples est mondialement connue, bordée de plusieurs îles dont Capri, en arrière plan le Vésuve, elle offre un panorama exceptionnel. La côte amalfitaine sur le versant sud est l’une des plus pittoresques d’Italie. De nombreux films romantiques italiens y ont été tournés.


Naples détient le record du nombre de policiers par habitant. Cela ne l’empêche pas d’avoir une réputation sulfureuse concernant, en particulier les vols à l’arraché.


Franck et Karine prennent le train pour Rome puis l’avion pour Toulouse. Le moral n’y est plus. Je n’ai plus qu’une hâte, revoir le bleu du lagon et retrouver l’excitation de l’arrosage du gazon ! Il faut encore trouver une marina où je puisse laisser le bateau au sec, en sécurité pour les six mois à venir. La marina di Stabia à quelques milles au nord m’offrira cet abri.


Ne rien laisser à l’extérieur de valeur ostentatoire, fermer scrupuleusement toutes ouvertures, la consigne - universelle - est respectée.


Depuis Bodrum, Pamplemousse, avec ses gros sabots, à couvert 2.632 milles, nous a permis d'admirer certaines îles grecques, le canal de Corinthe, Corfou, Venise, Ljubljana, Belgrade, Zagreb, Mostar, Sarajevo, Podgorica, Tirana, un nombre impressionnant de petites villes croates, de volcans italiens et, pour finir, Capri et Naples qu’il reste encore à découvrir.


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