mardi 18 août 2009

DE DELLYS À SAÏDIA VIA MELILLA ET MALAGA



DE DELLYS À SAÏDIA


Cet article commence à DELLYS, Algérie
Juillet 2009
Mes coéquipiers sont Gilbert GAMBARDELLA puis Jean-Claude HIREL

Drapeau animé d'Algérie par Pascal Gross


... que l’on a tristement 

laissés sur le quai.

Eole est avec nous pour cet adieu à l’Algérie et aux amis que l’on a tristement laissés sur le quai. Un bon vent d’est nous pousse vers le Maroc, où nous avons rendez-vous avec Jean-Claude Hirel, équipier de longue date. Il fait partie du bateau. Il en connaît tous les bons et les mauvais côtés. Techniquement parlant, il faut dire que sa carrière monumentale le prédispose à s’intéresser à tout ce qui comporte un brin d’électronique.



Il en est à sa quatrième prestation sur Pamplemousse et ce n’est pas fini. Je compte bien sur lui pour une étape importante : la traversée de l’Atlantique. En attendant, si on ne veut pas manquer le rendez-vous à MELILLA, il va falloir cravacher dur. Il y a 360 milles à couvrir, sans détour. Nous sommes le 18 après-midi. Il faut y être pour le 21. Son vol est prévu ce jour-là dans l’après-midi.

Nous avons envoyé toute la toile, établi les voiles en ciseau. Pamplemousse est heureux d’avoir quitté ce port de pêche où il était ballotté dans tous les sens et où il recevait sa ration quotidienne de sardines qui volaient jusque sur les panneaux solaires. Il marche à plus de 7 nœuds. Dans la soirée le vent forcit.

La vitesse dépasse les 10 nœuds. Je décide de prendre un ris et de réduire un peu le génois, en accord avec Gilbert, qui ne nous voit pas passer la nuit dans ces conditions. L’éolienne qui fonctionne crache ses 10 ampères comme qui rigole. Le bateau est maintenant plus équilibré, même si la vitesse a un peu diminué. En fin de nuit, le vent décline jusqu’à s’évanouir complètement. Je regrette d’en avoir perdu un peu en ayant réduit la toile.

La journée du 19 se déroule avec un vent perturbé. Toujours portant mais très variable. Les manœuvres de voiles sont incessantes, et souvent inutiles car trop précipitées. À la moindre saute d’humeur du vent, le skipper réagit au quart de tour et renvoie de la voile pour la rentrer un quart d'heure après car le vent n’a pas tenu sa promesse et s’amuse à faire montre de velléités de puissance inaccomplies.


(Photo du net)

Je réalise que je n’ai toujours pas demandé à la petite Marie, en charge de la « Manoël Island Marina » à Malte de m’envoyer les photos des voleurs enfourchant nos vélos. J’espère pouvoir faire jouer l’assurance. On ne sait jamais. Je m’y attelle. En retour, Marie me signale que les deux vélos viennent d’être récupérés par la police. Ils sont à notre disposition, à moins d’imposer aux deux larrons l’achat de deux vélos neufs. Ils ont été grossièrement repeints. Je décide de les garder et de les faire envoyer aux frais des voleurs au Maroc, dans la marina où hivernera Pamplemousse. C’est pas banal. J’avais fait une croix dessus !

Au lever du jour le 20, nous sommes à 156 milles de Melilla, grosso modo par le travers de Mostaganem. C’est pas gagné d’être demain matin à Melilla. Le vent, pourtant, a un sursaut d’énergie. Si on lui ajoute quelques tours de Perkins en renfort, ça devrait aller. Hélas, au cours d’une inspection routinière du moteur, je découvre une quantité d’eau importante dans la cale. La pompe fait le vide, mais ne résout pas le problème.

Je pense au presse-étoupe, qui est en fait un joint tournant. Tout va bien de ce côté. Enfin, je découvre l’objet du délit : un tube de circulation d’eau salée de refroidissement qui mène à l’échangeur a percé. Arrêt moteur. Réparation de fortune. Le débit de la fuite est fortement réduit mais pas complètement colmaté. Le circuit d’eau salée est à changer de fond en comble, surtout en prévision de la grande traversée, sauf à vouloir jouer les Titanic.

À 12 heures 45, nous jetons les amarres à poste de la marina de Melilla. C’est vendredi. Tout ferme à midi, si bien qu’on ne peut avoir aucune information sur quoi que ce soit. Une virée en ville nous confirme le black out total. Gilbert s’inquiète de savoir comment il va pouvoir repartir de ce trou à rats que lui semble être Melilla. Une agence de voyages curieusement ouverte lui met le moral à zéro, en prétendant qu’il y a très peu de vols, que c’est le retour des vacanciers, qu’il n’y a plus de place avant des mois. De mon côté, je cherche désespérément un mécanicien marine. Ça ne coure pas les rues.

Soudain, Jean-Claude se pointe à l’arrière du bateau. Il explique que ne nous voyant pas à l’aéroport, il nous a cherchés dans la marina, jusqu’à nous trouver. Présentations. Gilbert et lui ne se connaissent pas. Ils feront rapidement une sacrée paire et s’entendront à merveille. Il a apporté une documentation détaillée sur les golfs de MALAGA. C’est, dit-il, le paradis des golfeurs. Il y a plus de soixante magnifiques parcours, dont celui de MARBELLA, mondialement connu, où se déroulent plusieurs tournois internationaux. C’est une référence en la matière. C’est bien tentant. Par précaution, il a pris une chambre à l’hôtel, qu’il ne peut malheureusement pas annuler.

Au cours d’une table ronde autour de la table carrée du p’tit-déj, la décision est vite prise. Quelques achats pour la route. Le plein de mazout pour ce gourmand de Perkins. De l’eau évidemment, pour couper le whisky et ne pas mourir de soif. 

À 15h00 tout est dit. Pamplemousse vogue, cap sur MALAGA à 115 milles par le travers de la route des cargos qui entrent et sortent de Gibraltar. Le bon vent d’est qui nous pousse nous porte à l’optimisme, d’autant que les milles défilent. Pourtant, la nuit venue, le vent faiblit et nous oblige à une lutte incessante pour trouver la bonne solution pour garder une bonne vitesse et éviter que les voiles battent atrocement. Il ne faut pas oublier non plus de dégazer l’eau salée qui s’accumule lentement dans les fonds.

Les amarres sont à poste dans cette curieuse cité qu'est en fait BENALMADENA, à deux pas de TORREMOLINOS et de MALAGA. La ville semble être sortie du délire d’un architecte en proie à une crise de délirium très épais. Il y a comme une imitation de style mauresque où les mille et une nuits se disputent la vedette avec Soliman le magnifique. 

BENALMADENA 

(Photo du net)

C’est pas beau mais curieux et mérite tout de même le détour. En tout cas, il y règne une animation nocturne bien espagnole, quoique les noctambules viennent de tous les coins et recoins d’Europe, sauf de Madrid ou Barcelone. Ça parle français sans arrêt, mais pour trouver « Le Monde » dans les tabacs-journaux, il faut se lever de bonne heure.

Premier souci, louer une voiture. Si nous voulons écumer les golfs de la région, il nous faut un moyen de transport qui supporte deux encombrants sacs de golf. C’est vite réglé. Le deuxième, c’est de trouver un avion pour Gilbert qui piétine. Maintenant qu’il a revu son Algérie, il se morfond de sa Calédonie et de Marie-Thérèse qui l’attend de pied ferme pour descendre la poubelle ! Nous réservons un golf. Avec Gilbert en bandoulière, nous faisons l’assaut de l’aéroport de Malaga, qui est en pleine transformation.

Ils vont en faire un deuxième Charles-de-Gaulle. Gilbert est prêt à prendre le premier vol quel qu’en soit le prix. Il faut le raisonner pour qu’il fasse le tour de popotes des agences de voyages dont les guichets pullulent entre des toilettes et des fast-foods. Il trouve à prix raisonnable un vol pour le lendemain sur Marseille, où l’attendra son frère.

Malgré le GPS sur téléphone de Jean-Claude, pas facile de trouver le golf qui nous intéresse. Qu’à cela ne tienne, il y en a partout et c’est finalement par hasard sur celui d’Alhaurin que l’on jette notre dévolu. 9 trous, déjeuner, 9 trous difficiles entre chaleur et envie de sieste, d’autant que pour jouer les jeunes sportifs, on s’est refusés à louer un kart. La petite coquetterie ne se renouvellera pas, on est sur les rotules !

Le lendemain on embarque, en sus des sacs de golf qui restent à demeure dans la petite Clio, les bagages de Gilbert et Gilbert lui-même, qui n'a pas maigri pendant le séjour. 

Torrequebrada golf-club 

(Photo du net)

Tout juste s’il nous reste un minimum d’espace vital pour respirer. J’abandonne gros sur le cœur le descendeur de poubelles, et direction le Lauro golf-club. Magnifique, mais techniquement hors de ma portée. Jean-Claude fait un bon score, comme de coutume. Puis ce sera Torrequebrada golf-club et, enfin, le dernier jour, le must : Marbella golf-club, perdu dans les montagnes.


Le vendredi 28, départ pour Melilla vers les 9 heures. Je craignais un vent debout permanent, or il est bon plein et le restera jusqu’à 20 milles de l’arrivée. Jean-Claude s’intéresse au radar, instrument que j’ai toujours un peu dédaigné, privilégiant mes yeux, même quand ils sont alourdis de sommeil. Il fait la démonstration de son utilité. Rapidement, il en manie toutes les ficelles et je dois reconnaître que c’est le top, surtout dans des coins où les cargos fourmillent. Nous en avons eu jusqu’à sept rôdant autour de nous. Plutôt stressant, comme situation.

MELILLA
(Photo du net)
Jean-Claude a un billet retour au départ de Tanger. Mais Tanger c’est à près de 500 kilomètres par la route. Le taxi coûte une fortune. Je lui propose de louer une voiture, de faire l’aller ensemble et je ramènerai la voiture. Il souffre de douleur dans la jambe, peut-être provoquée par nos excès de golf. Il préfère prendre un vol direct de Melilla.

Entre-temps, s’est engagé un quiproquo avec la capitania, qui m'a fait un prix pour la mise au sec du bateau mais sans m’avertir que ce prix ne comporte pas les locations de ber et autres frais qui sont réclamés par le chantier. Le bateau mis au sec, encore sur les sangles, quand je suis mis au goût du jour concernant ces frais. Ça triple la note. Je demande à ce qu’on le remette à l’eau immédiatement. Ce sera fait dès le lendemain matin. Entre-temps j’ai entrepris de le désarmer complètement et de demander au mécanicien de me réparer la fuite d’eau ou, tout au moins, de me changer la vanne de fermeture d’arrivée d’eau salée, qui malheureusement ne fonctionne pas.

On me promet une intervention pour le lendemain même. C’est alors que je vais payer les frais de levage, que le chef me signale qu’il n’a pas de place pour mon bateau. Je me décide alors à me diriger sur Saïdia, nouvelle marina à la frontière entre Maroc et Algérie. Pour cela, il me faut regréer les voiles et un certain nombre d’éléments indispensables qui vont avec. L’après-midi, je retourne à la capitania pour payer les derniers jours de poste à quai. Le chef me fait appeler, me signale qu’il fait une exception pour moi. Je le laisse écrire sa pro forma. Quand il a terminé, je prends la note de frais et laisse sur le comptoir sa pro forma inutile. Il faut bien que, parmi des millions de gens sympathiques, on tombe quelquefois sur une tête de lard.

Dès les premières lueurs de l’aube le lendemain, je mets le cap sur SAÏDIA. Il n’y a qu’un peu plus de 35 milles à couvrir. Le vent souffle toujours de l’est, soit bout au vent, m’obligeant à tirer des bords. Il souffle un petit 15 nœuds dans la matinée, qui se renforce pour dépasser les 20 nœuds dans l’après-midi. Par chance, je ne suis plus très loin de l’entrée de la marina. J’ai un mal de chien à trouver la bonne entrée et le petit chenal qui mène aux deux seuls wharfs, occupés par une petite vingtaine de voiliers.


MARINA DE SAÏDIA

La prise de poste à quai, seul à bord avec ce fort vent de travers est épique, d’autant que le pauvre marinero doit, lui aussi se débrouiller seul. Au dernier moment, un voisin de wharf, qui s’avérera bien sympathique, vient à son secours. Ce n’est pas du luxe. J’ai tellement usé du propulseur d’étrave que j’ai mis à mal la charge des batteries moteurs.

Le premier août, rendez-vous est pris avec le chantier pour mettre Pamplemousse sur la terre ferme. À l’heure dite, j’actionne le démarreur. Pas assez de charge pour mettre en route le moteur. C’est à la remorque que Pamplemousse rejoint honteusement la darse.


Charme de SAÏDIA

Depuis le départ d’HAMMAMET, nous aurons couvert plus de 2.200 milles. Il sera temps de sortir de cette Méditerranée si belle, si attachante. Nous y avons parsemé notre parcours d’amis que nous n’oublierons jamais. Nous y avons abandonné une montagne de préjugés sur des peuples soi-disant inhospitaliers ou dangereux. Nous y avons appris à nous défier des lieux communs, des concepts érigés et propagés par la peur de l’inconnu et qui font tant de mal à l’humanité.

Nous savons qu’il en sera de même pour la suite du programme. Ne nous dit-on pas déjà : « Ne va pas au VENEZUELA, ce sont des bandits ! » Alors que les vrais bandits sont ces hommes d’affaires véreux, ces financiers malhonnêtes qui, par leur incapacité, leur cupidité, détruisent sans vergogne et sans états d’âme la vie de millions de petites gens qui paient pour leur incompétence ou leur indélicatesse. Eux ne paieront jamais pour leurs crimes, ils sont trop bien protégés par les pouvoirs en place.


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