jeudi 25 août 2005

NADINE ET L’ÉLÉPHANT par NADINE



    NADINE ET L’ÉLÉPHANT
    Par Nadine HAREL

    J'ai une bonne recette pour avoir une belle poussée d'adrénaline... : 

    Grandes étendues d'herbes jaunies
    (Extrait de mon carnet de voyage) ""... ensuite la vallée s'élargit pour qu'apparaissent de grandes étendues d'herbes jaunies. Cette herbe ondule au gré du vent qui souffle du nord, il pousse encore la poussière dans notre direction. Les décors, les paysages essentiellement de nature minérale, dans lesquels nous progressons, sont purs, arides, lumineux, abruptes et dégagent, sous un ciel bleu intense une beauté reposante, même si nous souffrons de ne pouvoir nous y arrêter plus longuement pour profiter de l'instant.





    Le lit de la rivière HOARUSIB 
    On traverse le village de PUROS que l'on distingue a gauche de la piste après le lit de la rivière HOARUSIB. Ce lit est large, il représente à cette saison, uniquement un ruban de sable, plus une goutte d'eau n'y coule. Les dernières pluies datent ici de fin mars. Avec cette rivière et HOANIB RIVER plus au sud, se dessine une zone semi-aride ou vivent quelques éléphants du désert. Ce sont les mêmes qui vivent au Botswana, mais ceux-ci se sont, avec le temps et les éléments, adaptés a l'aridité du désert, qui leur donne peu l'occasion de s'abreuver. 


    Les derniers recensements de cette population d'éléphants démontrent que tout au plus une centaine y survivent. Et nous avons la chance d'en découvrir un, là, sur la droite de la piste, pas trop loin. Je crie....! éléphant...! Il est balaise l'animal. Je descends du 4x4, je veux le voir de plus près, c'est trop exceptionnel ! Et je cours seule, les pieds dans le sable. J'essaie d'approcher silencieusement et surtout en me dissimulant derrière les arbustes qui sont entre lui et moi. Je cours et les lunettes de soleil accrochées autour de mon cou font du bruit. 
    Je me sens maintenant assez proche
    Je les bloque de ma seule main libre, car de l'autre je porte mon appareil photo, bien-sûr. Je perds donc un peu de mon équilibre, d'autant plus que j'avance courbée en deux pour ne pas être vue. Mais mon mastodonte avance toujours, ce qui m'oblige à poursuivre essoufflée mon approche en trouvant un nouvel angle de planque.


    Heureusement que quelques arbustes subsistent malgré cette sécheresse. Je me sens maintenant assez proche pour une belle photo plein cadre au 300mm. S'il s'éloigne après, peu importe, je l'aurai vu d'assez près, ce phénomène ! Je sors de ma cache laissant l'arbuste protecteur à quelques mètres à ma droite, au moment précis où il passe devant moi, selon un bel angle 2/3 arrière. Mais c'était sans compter sur son odorat développé, son ouïe aiguisée et son œil latéral. Il me voit et de suite me fait face dans un nuage de poussière.... 


    je prends même le temps...
    Nous sommes maintenant face a face, à moins de 15 mètres l'un de l'autre. Bouhhh ... il est grand ! Il écarte largement ses oreilles, secoue la tête en faisant claquer ses "feuilles de chou", lève une patte avant et souffle.... par deux fois. Tout nimbé de cette poudre fine, il tente une intimidation, mais contrairement a son attente, et c'est ce qui l'énerve, je ne bouge pas.....je prends même le temps de lui tirer 2 fois le portrait dans son attitude d'intimidation..... En quelques dixièmes de seconde son sang doit bouillir.... Il est très énervé de voir cette petite chose qui fait front...... alors, pas d'autre alternative pour lui, il charge et m'envoie dans mes frêles tympans un barrissement d'au moins 1.000.000 de décibels !


    ... Je ne résiste pas à son premier pas de charge, et je bats le record du monde du demi-tour et départ arrêté ! A ce moment précis, ce n'est pas la peur qui me conduit, mais mon instinct de conservation, je fuis en pensant "rotation autour des arbustes". 


    J'entends ses pas lourds derrière moi.... vais-je pouvoir lui échapper ?..... la course n'est pas facile, les pieds dans le sable. Il est de toute évidence plus à l'aise que moi dans cet élément. Le tour des arbres, oui, mais mon poursuivant, doté d'une intelligence hors du commun feint une poursuite tout d'abord et soudain vire de bord pour contourner les troncs dans l'autre sens pour se retrouver face a moi... 


    Mais comme tous mes sens sont tendus a l'extrême, j'entends le son de ses pas différemment, et des branches craquer à un endroit inattendu. Je perçois très vite sa feinte ; je suis aussi une adversaire douée d'un sens aigu de la survie... Je stoppe ma course dans son sens initial, mon arrêt brutal suivi d'un volte-face ont dû laisser des empreintes profondes dans le sable, tel un "cratère" !


    Je reprends ma course dans l'autre sens et pense à ce moment-là au fait qu'il aurait pu déjà, si cela lui était possible, foncer au travers des broussailles emmêlées de ces arbustes salvateurs. S'il ne l'a pas fait, c'est que pour l'instant, il ne peut pas. Ça me rassure un peu ; mes neurones sont à haut débit, et mon cœur dans ma poitrine bat si fort qu'il pourrait me casser les côtes ! 

    Ma vue est exacerbée, je distingue sa silhouette par morceaux à travers les branchages, c'est très rassurant, j'ai l'impression dans ma détresse d'avoir une position stratégique de surveillance. 

    Mon preux chevalier dans son
    carrosse blanc...
    (Photo du net)
    Et il continue de pousser ses barrissements qui résonnent encore aujourd'hui dans mes oreilles. J'entends également le moteur du 4x4 qui ronfle et qui se rapproche... Mon preux chevalier dans son carrosse blanc vient cueillir sa Jane en détresse. Mais arrivera-t-il à temps, car mon mastodonte s'apprête cette fois-ci à en découdre autour de ces arbustes qui lui cachent son ennemie. 


    s'apprête cette fois-ci à en découdre
    autour de ces arbustes
    Moi, je m'apprête à jouer avec lui au "chat et à la souris" en tournant, autant de fois que mes jambes me soutiendront, dans un sens puis dans l'autre, autour de ce massif que je bénis. Mon carrosse arrive... Essoufflée, je le contourne par l'avant car l'animal est plus proche de l'arrière, et en un éclair je bondis sur le siège, Thierry accélère déjà... 


    Sauvée ! ... Je ris, mon cœur bat très fort encore, mais, quel plaisir je ressens ! Quel moment intense je viens de vivre, seule en duel face à ce pachyderme en furie.






    Que je suis heureuse, c'est extraordinaire, un moment de pure intensité que je n'échangerais contre rien au monde. Je pensais, il y a quelques jours, que je voulais vivre autre chose que la simple observation des animaux, c'est en fait ce type de rencontre qu'au fond de moi, je recherchais. 





    Comment vivre simplement après ?... Bouhhh... que je suis bien. Je crois sincèrement n'avoir jamais pensé y laisser ma peau. D'abord, avais-je le temps de penser à cela ? Ma stratégie préoccupait mon cerveau à 200 pour cent... Après cela, dans la voiture, je suis royale, et je revis plusieurs fois, avec la même intensité, ce qui vient de se passer : chaque seconde, chaque souffle, chaque son, chaque pas... Je me souviens aussi que sur le moment, je le maudissais parce que ce superbe mastodonte déplaçait tellement de poussière, que je voyais mon appareil photo noir, blanchir sous le talc qui risquait d'anéantir mes photos témoignages. Ce qui prouve aussi que je n'étais pas habitée par la peur, même si ce sentiment était bien évidemment sous-jacent. 




    Je ne suis pas complètement inconsciente du danger que je courrais, mais la peur, si elle m'avait inondée, aurait annihilé toutes mes facultés de réflexion, ce qui n'a pas été le cas. 

    Bonheur dans l'intensité émotionnelle !..."" 


    Voilà la recette, si le cœur vous en dit...


    ===OOO===

    Aucun commentaire:

    Enregistrer un commentaire