dimanche 5 décembre 2004

HISTOIRE DE PAMPAN par MACLOU






 HISTOIRE DE PAM PAM 
par MACLOU 
(MARIE- CLAUDE HOLT)



De Marie Claude HOLT.
Marc rêvait de sillonner les mers et de découvrir le monde en famille. Nous étions jeunes mariés et l'aventure me tentait, je rêvais depuis toujours de voyages. Ma seule expérience de mer était Londres/St Malo sur le petit bateau en bois de Marc, plus vieux que lui, avec un presque naufrage à Ramsgate, mais cette expérience m'avait fortement passionnée. Avant même de commencer cette aventure de vie, j'allais en vivre une autre, celle de la construction d'un bateau de 14m. Je ne savais pas où je m’aventurais alors.



Nous avons d'abord travaillé dur pour acheter les plans et en octobre 1980 nous passions la commande au chantier Hus à St. Malo d’un LEX ETERNA, plans Caroff, son salon de pont nous avait séduits. Un an après on nous livrait une coque nue, brute de chaudronnerie et malgré son état de rouille bien avancée, j'étais chargée, pendant que mon mari travaillait sur les plates formes de forage en Libye, de l'asperger méticuleusement chaque jour pour faire sortir la calamine.


Lorsque Marc rentrait un mois sur deux nous passions notre temps au chantier et nous journées étaient plutôt chargées. Quand il repartait travailler dans le désert il me laissait une liste interminable de choses à faire à laquelle je mettais un point d’honneur d’achever. Je me souviens un dimanche de Pâques, pleurer comme une madeleine toute seule sur mon bateau à sec avant d’attaquer mon travail. Je connais tous les moindres recoins de ce bateau pour avoir passer chaque soudure au crible fin. J’étais devenue une spécialiste de la soudure.




Puis il a fallu, sabler, chouper, mettre des couches et des couches de peinture, isoler, percer la tôle pour y poser les plexiglas que nous avions découpés auparavant. Pendant ce temps j’avais parfois des doutes qui m’assaillaient, allais-je aimer naviguer ? Et si finalement cette vie n’était pas pour moi ? Tout ce temps, tout ce travail pour rien ? Et puis la récompense est arrivée. Le 15 juin 1982, nous mettions notre Pamplemousse à l’eau et il était beau notre bateau.


Puis alors nous avons mis un autre chantier en route, celui de l’arrivée de notre petite matelote Claire, née le 1er mai 1983. Elle a passé les 10 premières années de sa vie sur une maison flottante à sillonner les mers du globe et elle a aimé ça. Aujourd’hui à Paris, elle a ses écailles qui sèchent et rêve de reprendre la mer.
Le 3 avril 1984, nous quittions St. Malo pour l’île de Wight. Le voyage commençait alors pour nous. Le nom de Pamplemousse vient du jardin botanique de l’île Maurice ou nous avons passé 6 mois en 1977. Aucun propriétaire depuis ne l’a débaptisé et Pamplemousse continue de semer derrière lui des sillons de bonheur.


J’ai rencontré Charly et il ne m’a fallu que quelques minutes pour comprendre que Pamplemousse ne pouvait tomber dans de meilleures mains. Il m’a parlé du bateau avec tendresse et amour et je me demandais si c’était d’un enfant dont il s’agissait, quelqu’un d’autre aurait compris une maîtresse. Je l’écoutais la gorge nouée et le cœur au bord des larmes. Et puis c’est moi qui aie commencé à raconter des souvenirs, la construction, la vie en famille sur l’eau, les navigations, les escales, les rencontres…y aurait tant à dire! Et Charly m’a demandé alors de lui raconter quelques anecdotes.


Je n’avais que très peu navigué quand nous avons remonté l’ancre pour la « Grande Traversée ». C’était la première et j’étais persuadée qu’arrivée de l’autre côté je ne serais plus la même. Physiquement j’aurais toujours la même tête, mais ma personnalité serait transformée. Une fois arrivée à Salvador de Bahia, dans la baie de tous les saints au Brésil, je ne voyais pas grand changement. Non ! J’avais beau chercher, mes pensées, mes idées, ma personnalité, tout était comme de l’autre côté de l’océan. Grosse déception, j’étais la même. Alors j’ai fait avec…


Mais comment raconter en quelques lignes une vie de 10 années passée à travers le monde? Des anecdotes ? Mais y en a tellement ! Je pourrais dire alors que Claire a eu 10 anniversaires dans 10 pays différents. Je me souviens en Casamance, nous avions alors abattu en carène dans un bolon et nous carénions le bateau au bord d’un petit village africain. Tout le village pratiquement était sur la plage à regarder cette grosse bête en acier se refaire une propreté. Je me souviens de ce jeune africain assis sur le sable suivant un match de foot à la radio jusqu’au moment où de cette même radio quelqu’un l’appelle par son prénom et lui demande comment il va. Nous savions qui était derrière, un copain sur son bateau qui s’amusait sur la même fréquence radio que celle du match. Nous étions morts de rire.


Il y a aussi ce nouvel an 87 à Rio de Janeiro où tous les bateaux avaient quitté la baie pour aller mouiller devant Copa Cabana et être ainsi aux premières loges pour admirer les feux d’artifices tirés de la plage. A bord, des touristes étrangers et brésiliens qui avaient payé cher pour voir ce spectacle. Et puis la houle étant particulièrement forte cette nuit là, la plupart n’ont rien vu et ont passé leur temps penché par-dessus bord à rendre à la mer ce repas festif qu’ils avaient ingurgité peu de temps auparavant. On avait de la peine pour eux mais ça nous a tout de même fait longtemps rigoler.


Un dimanche, toujours à Rio, nous avions invité nos amis de Salvador, en vacances dans la région, à venir passer la journée à bord. Nous voulions leur montrer Copa Cabana vue de la mer. Margarita m’avait dit : « tu ne t’occupes de rien, j’emmène la nourriture ». On s’attendait à voir arriver, Margarita et son mari José, la criada et leur petit dernier de l’âge de Claire. Je me souviendrai toujours de ma tête quand j’ai vu arriver au bout du ponton, un groupe de plus de 10 personnes, avec bébé, grand-mère, oncles, tantes, enfants…. Et moi qui avais invité, pensant que nous serions peu, les ado du bateaux d’à côté ! Ma sœur et ma cousine étaient là aussi. Elles étaient impressionnées. Il y a eu embarquement de tout ce monde, plus des cocottes minute, des appareils à bière et de tout un tas d’autres choses. Pamplemousse se transformait en cargo mixte.


Et nous avons levé l’ancre comme prévu. A bord, comme par magie, où comme si ces gens avaient toujours habité sur un bateau, chacun a trouvé ses marques. Le bébé a dormi, la grand-mère a voulu à tout prix aller nager dans l’océan et comme Pamplemousse n’avait alors pas encore revêtu sa jolie jupe, la mise à l’eau de l’octogénaire était épique mais on y est arrivé et elle a nagé. La journée a été délicieuse et tout le monde était content.


Nos amis brésiliens savaient que l’eau à bord des bateaux est précieuse et chaque fois que nous allions chez eux, bien qu’à bord nous ayons deux douches et suffisamment d’eau pour s’en servir, il fallait que nous nous redouchions. A Rio, nous sommes allés les voir dans leur famille et là José m’a prise à part et m’a dit « va te doucher » pensant me faire là un beau cadeau. J’ai eu beau lui dire que je sortais de la douche, qu’à la marina l’eau n’était pas un problème, il n’a rien voulu savoir. Alors je suis allée dans la douche, ai fait couler l’eau, me suis un peu mouillé les cheveux et suis sortie. José était content. Ils étaient notre famille d’adoption. Nous avons passé plus d’un mois chez eux à Cachoera, en haut du Paraguaçu. Ils ont fabriqué une annexe identique à la nôtre et l’ont appelée « Pamplemousse ».


Le 4 mars 1984, Pamplemousse va quitter St. Malo pour l’île de Wight. Il arbore pavillon britanique et après 6 mois la France ne veut plus. Juin 1984 – Cowes – Silly island – Guernesey – Alderney – Jersey
Aout 1984 – Cowes / St. Malo/ la Corogne/ Gilbraltar/ Marbella/ Almeria …. Jusqu’à Alicante. Nous passerons 8 mois dans cette ville splendide. Puis Formentera, Ibiza, Mallorque, Minorque, Bonifacio, Puerto Vecchio, Cannes et retour sur Puerto Soller à Mallorque.


Sept 1985 – Alicante / Tanger au Maroc – puis Tanger / Madère Les îles Canaries / Le Cap Vert. Nous passons Noel et le Nouvel An à Mindello, bloqués par l’Armatan. Pendant ce temps, le Paris/ Dakar a à nouveau son lot de morts avec Thierry Sabine et Balavoine. Puis Dakar et la Casamance La Casamance / Salvador de Bahia au Bresil 23 jours de navigation Salvador/ Rio Rio / Ila Grande puis Rio à nouveau – les Abrollos – Salvador de Bahia – Fernando de Noronha – Guyanne – 3 mois Trinidad - Vénézuela avec Margarita, Los Testigos, La Blanquilla, La Tortuga, Los Roques, Los Aves, Bonaire et Curaçao. Puis travaux à Cumana. Puis route sur les Antilles et nous avalons tout le chapelet des petites Antilles depuis Grenade jusqu’à St. Martin où nous y travaillerons deux ans. De là départ sur les îles Vierges américaines, les Bahamas et Miami « Coconut Grove ».


Là nous sortons le bateau de l’eau au Cap Canaveral et partons 4 mois sillonner l’ouest américain à bord de notre petit camping-car. De retour, carénage et peinture de la coque. Pamplemousse quitte sa bande bleue pour s’orner d’une bande jaune soleil soulignée d’un liseret gris. Pamplemousse est magnifique. Là aussi sortie du moteur pour la peinture des fonds. On peut y manger tellement c’est blanc et c’est propre. Puis descente à nouveau sur les Antilles et St. Martin. Et de là on file sur le Golfe de Darien, visite aux indiens Cunas et à sa multitude d’îles posées sur l’eau. Et on arrive à Panama – j’ai l’impression de vivre un moment historique.


J’ai lu l’histoire du canal et j’imagine ces hommes creuser, mourir de malaria et autres…. Gràce à eux nous pouvons passer de l’Atantique au Pacifique sans avoir à faire le grand tour. Puis l’archipel des Perlas ou le Sha d’Iran a parait-il séjourné en quittant l’Iran. Et enfin les Galapagos tant attendues. A moins d’une autorisation spéciale, les voiliers n’ont droit qu’à 3 jours et doivent ensuite quitter l’archipel. Nous y sommes restés 12 jours, jamais tranquilles, à regarder toujours derrière notre épaule, à l’affût du moindre message sur la VHF.


Pas de tout repos mais ça valait tellement le coup. 20 jours après nous arrivons dans la Baie des Vierges aux Marquises. Nous resterons dans ces îles 3 mois. Puis les Tuamotus, avec Rangiroa, Ahe etc… Puis Tahiti, Moorea, Huahine, Taha, Raiatea, Bora- Bora, Maupiti. Un an après départ depuis Maupiti pour la Calédonie avec pour escales, le Vavao groupe dans l’archipel des Tongas, Fidji. Là à nouveau sortie du bateau pour un grand carénage. La coque est waxée. Il est comme neuf notre bateau. Et nous touchons l’île des Pins, mouillage de Gadgi et allons finalement faire notre entrée à Nouméa. Je ne peux m’empêcher de comparer avec la Polynésie et la déception est grande. Je retiens mes larmes. C’est la sécheresse en N.C, la baie de Prony brûle, c’est pelé….


23 juillet 1993, c’est l’anniversaire de Marc, il a 36 ans, les papiers sont signés, Pamplemousse change de mains. Désormais ce sera Sylvia et Philippe qui s’occuperont de lui et lui redonneront une nouvelle jeunesse en continuant à naviguer encore et encore. Ce voyage de St. Malo à Nouméa nous aura pris 10 ans. Claire va maintenant habiter une maison, aller à l’école, rouler en voiture et non plus en annexe, tirer la chasse d’eau et non plus pomper les toilettes, ouvrir les fenêtres et plus les panneaux, dormir dans une chambre et plus une cabine et manger dans une salle à manger et plus le carré. Ça nous prendra quelques années avant de ne plus nous tromper dans le vocabulaire mais Claire n’a jamais oublié son Pamplemousse et c’est toujours les larmes à l’œil et la gorge nouée qu’elle évoque son bateau.


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